Israël s’était engagé à fournir 10% de son électricité grâce aux énergies renouvelables d’ici 2020, date fixée dans le cadre de l’Accord de Paris. Un pari ambitieux dont Israël s’éloigne dangereusement aujourd’hui car seuls 5% de l’électricité sont générés par des énergies propres.
Avec ce faible taux de pénétration, Israël se classe parmi les nations les moins performantes, bien que ce pays bénéficie d’un climat très favorable pour la production de solaire et d’un savoir-faire incontestable dans les nouvelles technologies. Un retard difficilement explicable d’autant qu’Israël a toujours été à la recherche de solutions pour pallier son manque de ressources naturelles.
Les innovations dans le traitement et le recyclage des eaux usées comme les techniques de micro-irrigations exportées dans le monde entier, sont des exemples de l’ingéniosité israélienne. L’Etat hébreu fut aussi un pionnier dans l’utilisation de chauffe-eaux solaires. Aujourd’hui quelque 90% des logements en sont équipés ce qui a permis, selon les experts, d’économiser deux millions de barils de pétrole par an. Alors pourquoi cette faible performance dans les énergies renouvelables, un domaine où même des pays moins avancés technologiquement ont fait des progrès remarquables ? Les experts avancent, pêle-mêle, le manque de volonté du gouvernement sur la question de la transition énergétique, la prudence des investisseurs, des problèmes d’infrastructures de réseau électrique et un manque d’incitations financières…
Dans le monde, en moyenne 26% de l’électricité est fournie par les cinq grandes catégories d’énergie renouvelable (solaire, éolienne, hydraulique, la biomasse et la géothermie) avec des répartitions disparates selon les zones. Ainsi en Europe le taux de pénétration de l’énergie verte est de 17%, de 42% en Amérique du sud, de 10% en Chine et aux Etats-Unis. Mais partout dans le monde, la tendance est à la progression et des centaines de milliards de dollars sont actuellement investis dans les grands pays industriels. Renoncer aux énergies fossiles signifie réduire les émissions polluantes. Les scientifiques ont calculé que l’utilisation d’énergie propre a permis d’éviter le rejet dans l’atmosphère de deux gigatonnes de dioxyde de carbone chaque année, un progrès incontestable dans la lutte contre le dérèglement climatique largement dû aux émissions de CO2.
Certes ce n’est pas suffisant comme vient de le rappeler l’ONU lors de la semaine du climat en septembre, mais la prise de conscience vers l’utilisation d’énergie verte progresse.
Les pays qui ont franchi avec succès le pas de la transition énergétique sont l’Islande (près de 100% de leur électricité est propre), le Costa Rica (près de 99%), la Norvège (98%) et l’Uruguay (98%). On aurait pu imaginer qu’Israël, qui profite d’un large ensoleillement, d’un climat chaud et de la technologie adaptée soit plus performant dans ce domaine. Or, ce n’est pas le cas et, même si la part de solaire a progressé depuis 2014 quand elle s’élevait péniblement à 1,5%, la situation est loin d’être satisfaisante.
L’objectif de 10% en 2020 semble hors de portée et le palier de 17% en 2030 sera difficile à tenir, notent les experts qui soulignent qu’sraël devrait s’inspirer de l’exemple de la Californie, en pointe dans ce secteur, qui a su procéder à sa transition énergétique très rapidement grâce à une volonté politique de fer et à ses atouts climatiques.
Aujourd’hui, la cinquième puissance économique mondiale fournit 34% de son électricité grâce aux énergies renouvelables. L’Etat a inscrit cet objectif environnemental dans la loi avec le ”100% Clean Energy Act”, ratifié l’an dernier par le gouverneur. Cette loi fixe un objectif de 100% d’énergie propre en 2045 avec un palier à 50% en 2025 et à 60% d’ici 2030. “La proportion s’élève déjà à 50% dans le seul comté de San Diego”, souligne Scott Anders, expert en climatologie et en énergie renouvelable à l’université de San Diego.
“La Californie regorge d’équipements capables de produire de l’énergie solaire grâce à ses nombreuses fermes photovoltaïques, au développement des panneaux solaires individuels. Il arrive même que l’Etat dispose d’un excès d’énergie renouvelable par rapport à ses besoins. Un succès qui se révèle au-delà de nos espérances quand le processus a été enclenché il y a 20 ans”, poursuit-il. La raison de ce succès ? L’intervention des pouvoirs publics avec les mesures audacieuses prônées notamment par l’ancien gouverneur Arnold Schwarzenegger. L’Etat n’a pas hésité à s’engager dans une vaste politique d’efficacité énergétique comme en témoigne le vote récent de la loi sur la clean energy et d’autres initiatives dont celle qui va contraindre, à partir de 2020, à équiper tous les bâtiments résidentiels de panneaux photovoltaïques.
“S’il n’y avait eu que des initiatives privées sans aide de l’Etat nous ne serions jamais arrivés à ce niveau”, renchérit Scott Anders.
Eilat s’investit dans la transition énergétique
Un message que la ville d’Eilat veut imiter. Élus et entrepreneurs affichent la volonté de faire d’Eilat la ville verte d’Israël et notamment la capitale du solaire profitant de son climat favorable..
Les premiers résultats sont prometteurs avec quelque 75% de l’électricité fournie à Eilat et dans ses environs d’origine solaire, grâce aux neuf fermes solaires et à des centaines de panneaux installés sur les toits de maisons individuelles et de bâtiments publics. D’autres projets ambitieux de fermes photovoltaïques sont en construction à l’aéroport Ramon et dans le parc naturel de Timna pour que cette cité balnéaire et ses environs puissent être alimentés uniquement en énergie solaire dans les prochaines années.
“Si Eilat fait preuve d’un dynamisme dans ce domaine ce n’est malheureusement pas le cas dans le reste du pays où 95% de l’électricité provient encore des sources fossiles (gaz naturel et charbon)”, regrette Shahar Dolev, responsable de la recherche au forum israélien de l’énergie. Ce sont des arguments financiers qui freinent le développement de l’énergie verte dans tout le pays souligne-t-il. “Entrepreneurs et élus veulent étudier comment se déroulent les expériences solaires ailleurs dans le monde, évaluer les résultats financiers et l’efficacité de ces nouvelles sources énergétiques, avant d’investir massivement”, explique Shahar Dolev.
A l’argument financier, il rétorque : “La guerre contre le dérèglement climatique est coûteuse mais la question est de savoir quelles sont les alternatives. Si nous ne basculons pas vers les énergies propres les coûts et les risques seront beaucoup plus élevés pour les générations suivantes“, plaide-t-il.
Très prochainement le solaire deviendra compétitif et même moins cher pour le consommateur que les énergies conventionnelles grâce à la forte baisse du prix des équipements et des installations, fait remarquer Shahar Dolev. “La compagnie nationale d’électricité en Israël est d’ailleurs en train de revoir toute sa politique», souligne-t-il.
Si dans le sud du pays l’énergie solaire est plus développée que dans le reste du pays c’est également du fait des superficies vierges disponibles. Il faut d’importantes surfaces pour installer des fermes photovoltaïques. Dans le nord du pays les possibilités sont limitées. Israël est un petit pays et “nous avons peu de terres vierges. Dans le nord les grandes surfaces sont occupées par les camps d’entraînement de l’armée, par des réserves naturelles ou des exploitations agricoles”, indique Shahar Dolev.
Une infrastructure peu adaptée
L’infrastructure du réseau électrique est aussi un frein au développement du solaire, car il n’est pas conçu pour transporter suffisamment d’énergie solaire du sud d’où elle est majoritairement produite, vers le nord, plus peuplé. «L’infrastructure a été construite selon l’idée que le sud du pays est moins peuplé que le nord et donc le réseau y est moins dense”, explique Shahar Dolev. “Conscient de ce décalage la compagnie publique est en train de rééquilibrer le système électrique mais cela prendra de nombreuses années avant qu’il ne soit opérationnel”. En attendant, la seule solution est de développer le réseau de panneaux solaires individuels au nord. Le gouvernement et l’autorité en charge de l’électricité viennent de lancer une vaste campagne d’information pour inciter les particuliers à investir dans des panneaux solaires sur leur toit.
“Chaque bâtiment public devrait être prêt à accueillir un panneau solaire. Son installation au moment de la construction d’un bâtiment est peu chère et leur pose doit être encouragée partout“, indique Shahar Dolev.
Une autre façon de développer l’énergie solaire serait d’investir dans des systèmes qui permettent de la stocker à court et long terme pour être utilisée la nuit et en hiver. Cette technologie d’avant garde est toutefois coûteuse pour le moment mais les prix devraient baisser progressivement.
En attendant les Israéliens devront, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique et réduire les émissions de gaz à effet de serre, continuer à économiser l’énergie de manière classique en éteignant leur lumière, limiter l’usage de la climatisation…
Le ministre de l’Énergie Yuval Steinitz reste optimiste et a encore récemment souligné que Israël arrivera, en collaboration avec l’Autorité de l’électricité, à atteindre son objectif de 10% d’énergie verte produite en 2020”. Une affirmation qui pourra être vérifiée… ou non, très prochainement.
En attendant Israël n’a pas grand-chose à envier à la France qui a aussi pris du retard par rapport aux autres pays européens notamment. En France, l’énergie renouvelable ne représente que 20% de la production d’électricité. Le bilan du solaire est modeste avec moins de 2% contre 5,5% pour l’éolien et 11,2% pour l’hydroélectricité. La France est loin derrière l’Allemagne, qui produit aujourd’hui près de cinq fois plus d’électricité solaire et même que la Grande-Bretagne dont la météo est pourtant peu favorable.
Auteur : Racheli Wacks pour ZAVIT – Agence de presse israélienne pour la science et l’environnement 29 novembre 2019