Big data social : l'Université de Tel-Aviv montre que nous ne sommes pas capables d’identifier nos vrais amis
[:fr]Selon une étude des Dr Erez Shmueli et Laura Radaelli du Département d’Ingénierie industrielle de l’Université de Tel-Aviv, en coopération avec le Pr Alex Pentland de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) et son doctorant Abdullah Almatouq, seule la moitié des liens que nous considérons comme des amitiés sont réciproques, et ce, non seulement sur les réseaux sociaux, mais aussi dans le ‘monde réel’. L’étude a été réalisée par l’exploitation de données du laboratoire de Big Data de l’Université de Tel-Aviv et du Media Lab du MIT.
« Il s’avère que nous sommes très mauvais juges de la réciprocité de nos liens d’amitié » commente le Dr Erez Shmueli, directeur du laboratoire de Big Data du Département d’Ingénierie industrielle de l’UTA et chercheur invité au prestigieux Media Lab, « et notre difficulté à l’évaluer limite considérablement notre capacité à nous engager dans les accords de coopération. Nous apprenons que nous ne pouvons pas nous fier à nos instincts ni à notre intuition. Nous avons besoin de moyens objectifs pour mesurer ces relations et quantifier leur impact ».
Amitié à sens unique
« Une véritable amitié est basée sur des liens mutuels réciproques. Cela signifie que nous nous attendons à ce que les personnes que nous percevons comme des amis nous considèrent de même. Or, nous avons pu montrer que la moitié de nos liens d’amitié sont à sens unique, c’est-à-dire que A définit B comme un ami, mais B ne définit pas A de la même manière».
Les chercheurs ont analysé six enquêtes, menées chacune sur 600 étudiants de différentes universités au Danemark, en Israël et aux États-Unis. « Dans chaque classe, de 75 à 130 étudiants, nous avons demandé à chacun dans quelle mesure il se sentait proche des autres sur une échelle de 1 à 7, 1 signifiant : Je ne sais rien à propos de cette personne, 2 – je la connais, mais n’ai pas eu l’occasion de lui parler beaucoup, 3 – c’est un ami… et 7 – c’est l’un de mes meilleurs amis. Toutes les enquêtes ont donné une image similaire: la moitié des amitiés étaient à sens unique. C’est-à-dire que la moitié de ceux désignés comme amis par un étudiant particulier n’avait aucune idée de ce fait ». Plus surprenant encore, la plupart des étudiants qui avaient désigné les autres comme leurs amis n’étaient pas du tout conscient de cette situation. « En d’autres termes, il semble que nous, humains, ne soyons pas doués pour identifier le degré de réciprocité de nos relations d’amitié. Nous avons vérifié ces données à l’aide d’une enquête menée dans une classe de l’Université de Tel-Aviv, où les résultats ont été identiques. Il est intéressant de noter que dans les trois pays, les résultats ont été semblables, alors qu’on aurait pu penser qu’ils auraient été différents en Israël, où les relations sociales sont considérées comme plus chaleureuses, et possédant un plus grand degré d’ouverture et de franchise ».
Dr. Erez Shmueli, directeur du laboratoire de Big Data de l’Université de Tel-Aviv
Les chercheurs ont alors développé un algorithme examinant des caractéristiques objectives de la perception du lien d’amitié, comme le nombre total d’amis et le nombre d’amis communs, et capable de distinguer entre les deux ‘sortes’ d’amitié : unilatérale ou réciproque. « Prenons deux amis, Simon et Ruben. Nous pouvons démontrer qu’en fait, Simon ne définit pas Ruben comme un ami, alors que Ruben définit Simon comme un ami, et donc que la relation entre eux n’est pas symétrique objectivement. Par ailleurs, si Simon et Ruben ont beaucoup d’amis communs, la chance que leur relation soit mutuelle est plus élevée. Si leur nombre d’amis communs est peu élevé, la probabilité d’amitié réciproque entre eux sera faible. De même, si Simon a beaucoup d’amis et Ruben très peu, il y a de fortes chances que leur relation soit à sens unique, de Ruben à Simon, mais pas de Simon à Ruben ».
Une question d’influence
Conclusions des chercheurs : « Nous avons constaté que 95% des participants pensaient que leurs relations sont réciproques » dit le Dr Shmueli. Si vous pensez qu’une personne est votre ami, vous vous attendez à ce qu’elle ressente la même chose pour vous. Mais en fait ce n’est pas le cas, et seules 50 % des personnes enquêtées sont entrées dans la catégorie ‘amitié réciproque’ ».
Pourquoi est-ce important ? « Les relations réciproques sont importantes pour l’influence sociale. L’amitié est un moteur comportemental puissant. Si vous percevez une personne comme amie et qu’elle l’est vraiment, c’est-à-dire qu’il existe entre vous des relations d’amitié symétriques, vous serez influencé par elle davantage que par quelqu’un qui n’est pas votre ami. Les effets peuvent inclure un impact économique, des comportements de consommation sur ce que vous devez acheter ou porter, ou même une influence sur un mode de vie sain, par exemple ».
Publication dans Plos One, 22 mars 2016
Dr Sivan Cohen-Wiesenfeld, rédactrice de recherche pour AFAUTA, association des amis français de l’Université de Tel Aviv[:en]
Most of us think that friendship is a two-way street — but that’s true only half the time, according to research from Tel Aviv University and the Massachusetts Institute of Technology. Their new joint study says only half of your buddies would consider you their own friend. People have a very poor perception of friendship ties, and this limits their ability to influence their « friends, » according to the research.
If researchers can understand this limitation, companies and social groups that depend on social influence for collective action, information dissemination and product promotion could improve their strategies and interventions.
A friend indeed?
« It turns out that we’re very bad at judging who our friends are, » says Dr. Erez Shmueli, who conducted the study with Dr. Laura Radaelli, both of TAU’s Department of Industrial Engineering, in collaboration with Prof. Alex Pentland and Abdullah Almatouq of MIT. « And our difficulty determining the reciprocity of friendship significantly limits our ability to engage in cooperative arrangements. We learned that we can’t rely on our instincts or intuition. There must be an objective way to measure these relationships and quantify their impact. »
The researchers conducted extensive social experiments and analyzed the data from other studies to determine the percentage of reciprocal friendships and their impact on human behavior. The team also examined six friendship surveys from some 600 students in Israel, Europe and the United States to assess friendship levels and expectations of reciprocity.
They then developed an algorithm that examines several objective features of a perceived friendship (that is, the number of common friends or the total number of friends) and is able to distinguish between the two different kinds of friendship: unidirectional or reciprocal.
« We found that 95 percent of participants thought that their relationships were reciprocal, » Dr. Shmueli says. « If you think someone is your friend, you expect him to feel the same way. But in fact that’s not the case — only 50 percent of those polled matched up in the bidirectional friendship category. »
A matter of influence
Why is this important? According to Dr. Shmueli, influence is the name of the game.
« Reciprocal relationships are important because of social influence, » says Dr. Shmueli, who utilized the « FunFit » social experiment in the course of the research. « In this experiment that analyzes different incentives for exercising, we found that friendship pressure far outweighed money in terms of motivation. We found, not surprisingly, that those pressured by reciprocal friends exercised more and enjoyed greater progress than those with unilateral friendship ties. »
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