En finir avec l'expérimentation animale : l’UHJ et l’institut Fraunhofer testent des nano-organes humains sur puce

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Depuis le 11 mars 2013, il est interdit de tester des produits cosmétiques ou leurs ingrédients sur des animaux, dans toute l’Union Européenne. Or, à ce jour, les modèles animaux sont à la fois indispensables et insuffisants pour évaluer la toxicité et les effets de nouvelles thérapies sur le corps humain. L’Université Hébraïque de Jérusalem (UHJ) et l’institut Fraunhofer (Allemagne) et sous la tutelle du Pr Yaakov Nahmias, propose une nouvelle alternative aux modèles animaux : l’expérimentation sur des nano-organes humains, sur puce. Le travail sur des modèles animaux est une étape incontournable de la recherche scientifique. Tout travail est plus crédible quand les résultats ont été montrés in vivo, et dès qu’il s’agit de mettre au point des produits médicaux ou cosmétiques, les tests sur des animaux sont un passage obligé. Toutefois, l’utilisation de ces tests pour prédire les réactions de l’organisme humain est toujours douteuse et les modèles animaux sont insuffisants pour prédire la toxicité des composés étudiés chez l’homme.

De nouvelles techniques doivent donc être mises au point pour remplacer par des tests plus fiables l’expérimentation animale, insuffisante de façon générale et qui plus est interdite dans certains domaines. En particulier, il est nécessaire de trouver une alternative aux tests de toxicité due à une exposition répétée, qui se font quasi-exclusivement sur des animaux : il s’agit d’exposer ces derniers pendant un mois au produit étudié et d’évaluer les éventuels dommages au niveau des tissus et de l’expression génétique. Bien que ces tests soient encore utilisables pour la recherche médicale, ils ne sont pas satisfaisants. En effet, mis à part le fait que les résultats obtenus sur des animaux ne sont jamais complètement applicables à l’homme, les tests sur des animaux ne permettent pas une analyse cinétique des effets observés. Or cette analyse temporelle est indispensable si l’on veut comprendre les mécanismes biologiques mis en jeu.

Les organoïdes sur puce

L’alternative la plus simple à l’expérimentation animale serait d’effectuer les tests sur des cellules humaines directement- ce qui est impossible étant donné que ces dernières ne survivent que quelques jours en dehors de l’organisme. Les chercheurs semblent ici avoir résolu ce problème en utilisant, à l’instar d’autres équipes, des mini reconstitutions d’organes sur puce, en l’occurrence de foies, qui peuvent survivre plus d’un mois. L’équipe du Pr Nahmias travaille sur le foie car c’est l’organe principal responsable du métabolisme des substances étrangères qui parviennent à l’organisme, et il joue un rôle central dans l’évacuation et les effets secondaires de ces substances.

Ces micro-foies sur puce reçoivent une perfusion permanente de milieu nutritif, dans laquelle les chercheurs peuvent ajouter les substances à tester. La différence ici, par rapport aux autres expériences in vitro ou aux expériences sur des animaux, est que la perfusion en substance étrangère à tester est contrôlée et permanente : les cellules sont exposées à une dose fixe pendant une période précise.

Comment faire des tests sur puce ?

Cependant ces chercheurs ne sont pas les seuls à avoir réussi à créer des organes sur puce. Une équipe de l’Institut Wyss à Harvard avait par exemple mis au point un poumon sur puce. La nouveauté ici est que les chercheurs ont eu l’idée d’ajouter à leur système des capteurs : « Nous nous sommes rendus compte que puisque nous construisons les organes nous-même, nous ne sommes pas limités à la biologie, et nous pouvons introduire des capteurs optiques et électroniques dans le tissu lui-même », explique le Pr Nahmias.

La présence de ces capteurs permet aux chercheurs de détecter des réactions cellulaires très fines que personne n’avait vues jusqu’alors. Par exemple, les chercheurs se sont servis de sondes fluorescentes sensibles au taux d’oxygène présent dans l’environnement. Ces sondes ont été introduites dans la culture cellulaire et permettent de mesurer la consommation d’oxygène par les cellules. La consommation d’oxygène reflète l’activité métabolique des cellules et est donc un paramètre important à évaluer : si la consommation d’oxygène chute cela signifie que le métabolisme cellulaire a été altéré par la substance testée. Ces études permettent déjà de mieux comprendre les effets de surdose de certains médicaments comme le paracétamol.

Le nouveau domaine des organes sur puce ouvre des possibilités inédites en permettant d’étudier de façon précise et contrôlée le comportement de cellules spécialisées de l’organisme. Ces systèmes permettent de recréer des conditions très proches de celles régnant à l’intérieur des tissus et d’étudier en direct la réaction des cellules à des molécules exogènes. Cependant ce domaine est tout nouveau et il est évident que les systèmes actuels sont incapables de reproduire la complexité des organes réels. L’expérimentation animale, qui permet d’étudier des effets physiologiques globaux, demeure à l’heure actuelle indispensable et il est permis de douter qu’elle disparaisse un jour. En effet, comment étudier le vivant sans étudier des organismes complets ? Cette considération ne diminue en rien l’émerveillement que les récentes avancées ne peuvent manquer de susciter, et il est possible qu’avec le temps et l’amélioration de la technique certains tests soient un par un transférés du règne animal vers celui des puces.

Auteur : Tirtsa Toledano pour BVST

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Safety evaluation is a critical part of drug and cosmetic development. In recent years there is a growing understanding that animal experiments fail to predict the human response, necessitating the development of alternative models to predict drug toxicity. The recent tightening of European regulations preventing the cosmetic industry from using animals in research and development, blocks companies like L’Oréal and Estée Lauder from developing new products, bringing massive investment into this field.

The main challenge in replacing animal experiments is that human cells seldom survive more than a few days outside the body. To address this challenge, scientists at the Hebrew University of Jerusalem and the Fraunhofer Institute for Cell Therapy and Immunology in Germany partnered to create a liver-on-chip device mimicking human physiology. “The liver organs we created were less than a millimeter in diameter and survive for more than a month,” said Prof. Yaakov Nahmias, the study’s lead author and Director of the Alexander Grass Center for Bioengineering at the Hebrew University.

While other groups showed similar results, the breakthrough came when the groups added nanotechnology-based sensors to the mix. “We realized that because we are building the organs ourselves, we are not limited to biology, and could introduce electronic and optical sensors to the tissue itself. Essentially we are building bionic organs on a chip,” said Nahmias. The addition of nanotechnology-based optoelectronic sensors to the living tissues enabled the group to identify a new mechanism of acetaminophen (Tylenol) toxicity.
“Because we placed sensors inside the tissue, we could detect small and fast changes in cellular respiration that nobody else could,” said Nahmias. The authors discovered that acetaminophen blocked respiration, much faster and at a much lower dose than previously believed. The current understanding was that acetaminophen was broken to a toxic compound, called NAPQI, before damaging the cells. As the liver could naturally deactivate NAPQI, damage was thought to occur only at high doses and in cases of diseased or compromised liver function.
The current study, released online in the leading journal Archives of Toxicology, turns 50 years of research on its head. The authors found that acetaminophen itself can stop cellular respiration in minutes, even in the absence of NAPQI, explaining much of the off target effects of the drugs.
“This is a fascinating study,” said Prof. Oren Shibolet, Head of the Liver Unit at the Tel-Aviv Sourasky Medical Center, and one of the leading experts on drug-induced liver injury, who was not involved in the original study. “We knew that acetaminophen can cause nephrotoxicity as well as rare but serious skin reactions, but up until now, we didn’t really understand the mechanism of such an effect. This new technology provides exceptional insight into drug toxicity, and could in fact transform current practice.”
The results mark the first discovery of a new toxicity mechanism using the newly emerging human-on-a-chip technology, suggesting that the development of alternative models for animal testing is just around the corner. The global market of this technology is estimated to grow to $17 billion by 2018, showing a double-digit annual growth rate in the last three years.
Yissum, the Research and Development Company of the Hebrew University, together with the Fraunhofer Institute for Cell Therapy and Immunology (IZI-BB) in Germany submitted a joint provisional patent application earlier this year and are actively seeking industrial partners.
Other co-authors participating in the study include Danny Bavli, Gahl Levy, Elishai Ezra, and Dr. Merav Cohen from the Hebrew University; Dr. Sebastian Prill, Dr. Magnus S. Jaeger, and Dr. Claus Duschl from the Fraunhofer Institute; Prof. Michael Schwarz from the University of Tuebingen; and Dr. Elmar Schmälzlin, developer of the OPAL system and co-founder of Colibri Photonics.

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