Israël Science Info avait pointé récemment la notation d’Israël « efforts partiellement satisfaisants » (engagements en faveur du climat prévoyant des réductions de 20 à 40% des émissions), figurant dans le rapport The truth behind the pledges (la vérité derrière les engagements) publié le 5 novembre par le Universal Ecological Fund. Ce rapport alertait notamment sur « l’imminence de la catastrophe environnementale et économique due au changement climatique induit par l’homme si de nouvelles mesures ne sont pas immédiatement mises en œuvre ».
Or, les scientifiques israéliens viennent de lancer, à l’initiative de la Société israélienne des Sciences de l’Environnement et de l’Ecologie (ISEES), une pétition pour dénoncer le laxisme et interpeller le gouvernement et les citoyens afin de prendre des mesures significatives pour lutter contre les changements climatiques dont “les effets sur le terrain sont déjà visibles et nocifs”.
« En tant que start-up nation, nous avons le devoir de prendre part à la lutte pour limiter les conséquences du dérèglement climatique et confirmer l’engagement d’Israël, signataire de l’Accord de Paris », souligne cette pétition, diffusée à l’occasion de la Semaine du climat organisée par l’ONU à New York.
Les experts soulignent que leur pays, grâce à sa capacité d’innovation et à son expérience accumulée au cours des années dans les nouvelles technologies, a les moyens de participer de manière significative au combat contre le dérèglement climatique, mais ne le fait pas suffisamment.
Les succès enregistrés par les entreprises israéliennes dans le domaine du traitement des eaux avec le recyclage des eaux usées, la désalinisation, la micro irrigation… doivent être mis à profit également pour lutter contre le réchauffement climatique.
Leader dans le domaine de l’Environnement, de nombreuses start-up israéliennes ont exporté leur technologie à l’étranger et doivent aussi être mise à contribution dans leur propre pays pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Leur appel intervient alors que les inquiétudes s’accentuent sur l’avenir de la planète avec le désengagement des Etats-Unis de l’Accord de Paris signé en 2015, et l’aggravation de la crise climatique suite à la publication de nouvelles études prouvant que les températures moyennes augmentent plus vite que prévu, malgré les mesures déjà mises en place.
« Octobre 2019 a été le mois d’octobre le plus chaud jamais enregistré sur la planète. Il s’agit du 5e mois consécutif battant ou s’approchant d’un record », selon Copernicus, programme d’observation de la Terre de l’Union européenne, coordonné et géré par la Commission européenne.
L’environnement un sujet aussi grave que la sécurité
En Israël et au Moyen-Orient, région fortement concernée par le dérèglement climatique, le constat est grave, soulignent les experts. Selon de nouvelles études les températures moyennes entre 2015 et 2019 vont être nettement supérieures aux évolutions constatées lors des périodes précédentes.
Les hivers sont plus courts et le nombre de jours de pluie diminue. La saison sèche est plus longue qu’auparavant et se traduit par des risques élevés de feux de forêt au cours des premiers mois de l’hiver. Par ailleurs, les inondations sont plus fréquentes car les précipitations, même moins nombreuses, sont bien plus intenses. Il a été constaté une nette hausse des températures, la journée comme la nuit. Sur les seules 3 dernières décennies, les températures moyennes ont progressé de 1,8°C en Israël.
Les scientifiques soulignent que toutes les prévisions montrent que le réchauffement va s’accentuer. Israël va devoir se préparer à gérer cette crise climatique qui se profile pour éviter des conséquences dramatiques sur l’économie et le bien-être de ses habitants.
« C’est un sujet aussi grave et sensible que les questions sur la sécurité de l’Etat hébreu et que l’image d’Israël sur la scène internationale », soulignent-ils.
Des objectifs hors d’atteinte
Signataire des accords de Paris sur le climat, Israël s’est engagé à optimiser sa composition énergétique et à générer au moins 10 % de son électricité à partir d’énergies renouvelables et durables à l’horizon 2020.
Le ministre israélien de la Protection de l’Environnement Ze’ev Elkin a déclaré qu’Israël ne se retirerait pas de l’accord de Paris, contrairement aux Etats-Unis. “Israël attache une grande importance à la gestion de la crise climatique et s’engage à atteindre ses objectifs », a-t-il indiqué récemment.
Dans le cadre de l’Accord de Paris, Israël a promis, d’ici 2030, de maintenir ses émissions de gaz à effet de serre autour de leurs niveaux actuels. En prenant en compte l’augmentation de la population, le plan prévoit donc une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’environ 26 % par habitant. L’État hébreu s’est également engagé à multiplier par huit ses sources d’énergie renouvelable, à mettre en place des bâtiments plus propres afin de promouvoir l’efficacité énergétique et à investir dans les transports publics.
Appel à la création d’un comité indépendant
Dans leur pétition les scientifiques estiment que les pouvoirs publics ne sont pas suffisamment actifs. Rédigée par des experts multi-disciplinaires, le texte appelle à la création d’un comité indépendant dont la tâche sera d’évaluer les besoins et les risques qui pèsent sur le pays. Ce comité réunira des spécialistes de l’environnement de divers domaines et collaborera avec des instituts de recherche. Selon le texte de la pétition, “il aura pour mission de soutenir la mise en place d’une politique publique pour limiter les conséquences du changement climatique et mieux anticiper les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre ».
La pétition demande aux élus d’adopter immédiatement des mesures et notamment d’améliorer ses engagements dans le cadre de l’Accord de Paris et de réduire de manière plus drastique ses émissions de gaz à effet de serre. Il faut accélérer la transition énergétique et encourager la production d’énergie renouvelable car les objectifs fixés ne seront pas atteints, au rythme actuel.
Outre le recours à l’énergie verte les experts soulignent que le contrôle sur les émissions de gaz à effet de serre doit être plus sévère. Ils regrettent également que le public israélien ne soit pas suffisamment investi dans la lutte contre le dérèglement climatique et demande aux pouvoirs publics de renforcer leurs actions pour augmenter la prise de conscience collective et améliorer ses efforts d’information envers les jeunes, dans l’éducation.
Israël avec près de 200 pays a signé l’accord de Paris sur le climat de 2015, visant à limiter le réchauffement planétaire à moins de 2 degrés Celsius d’ici la fin du siècle. Mais de nombreux gouvernements s’inquiètent du manque de résultats sur le terrain et prennent conscience que les actions peinent à être mises en place. Selon le rapport de l’ONU de septembre, il faudrait réduire par trois les émissions de CO2 pour éviter la poursuite du réchauffement climatique de 2°C et même diviser par 5 pour atteindre l’objectif d’une hausse limitée à 1,5°C .
Lors de la semaine du climat lancée par l’ONU fin septembre des dirigeants de la planète ont rappelé l’urgence d’agir pour limiter le réchauffement climatique. Les objectifs mis en place pour réduire les gaz à effet de serre n’ont pas eu les effets prévus et la crise s’aggrave.
Quelque 65 pays se sont engagés à éliminer totalement leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, tandis que 70 autres ont fait savoir qu’ils se consacraient d’ores et déjà à renforcer leurs plans d’action nationaux ou qu’ils étaient déterminés à s’y employer d’ici 2020. Plus de 100 dirigeants d’entreprises ont pris des mesures concrètes en vue de respecter les objectifs de l’Accord de Paris et d’accélérer la transition de l’économie grise à l’économie verte pour agir sans tarder et éviter le pire.
« Ce combat qui est aussi celui d’Israël, doit devenir une priorité du gouvernement et être considéré comme un enjeu national », résument les scientifiques dans leur pétition.
Auteur : Dominik Döhler pour Zavit Agence de presse israélienne pour la science et l’environnement