Nos interactions avec notre environnement se manifestent de façon croissante via le domaine numérique. Il peut s’agir de nos publications sur les médias sociaux, de recherche sur les moteurs Internet ou de visites sur différentes pages web. Nous pensons que la culture technologique d’aujourd’hui nous éloigne de la nature. Mais on peut trouver de nouveaux enseignements sur les animaux et les plantes dans ces données en ligne, vastes et en constante expansion. Ces données ne sont pas volontairement recueillies pour élargir des connaissances en écologie, mais sont un sous-produit de notre besoin d’enregistrer nos vies, et de rester constamment connectés. Une production liée à la nature qui constitue une nouvelle source d’information inattendue pour les écologues.
Un groupe de chercheurs internationaux, dont le Dr Uri Roll de l’Université Ben Gourion du Néguev en Israël, a exploré ces options dans ce nouveau domaine qu’est l’iEcology. Leur étude a cartographié les possibilités, les défis et les orientations futures potentielles.
D’après le Dr. Uri Roll (BGU), l’un des auteurs de l’article, de telles approches présentent un grand potentiel de conservation. Des populations et des espèces entières d’animaux et de plantes disparaissent sous nos yeux à un rythme sans précédent. Dans bien des cas, avant même qu’elles puissent être enregistrées. Les scientifiques ont besoin de toutes les bonnes volontés pour recueillir des connaissances écologiques et mieux comprendre comment notre impact sur l’environnement. iEcology promet de les aider sur tous ces fronts.
Esther Amar, fondatrice de Israël Science Info rappelle « qu’en octobre 2019, Uri Roll avait participé à la Première réunion pour la création du GIECO/IPBC organisée par le Fonds Institut de Médecine Environnementale (Paris) avec le soutien de la Société Internationale de Médecine Comportementale (International Society of Behavioral Medicine – ISBM) et accueillie par l’ONU ».
Les chercheurs décrivent iEcology comme « l’étude des modèles et des processus écologiques à l’aide de données en ligne générées à d’autres fins et stockées numériquement ». Plusieurs exemples mettent déjà en évidence le grand potentiel de telles approches pour accroître notre connaissance du monde naturel. Par exemple, l’exploration de la dynamique saisonnière du moment où les gens cherchent des espèces particulières dans Wikipedia peut mettre en évidence la véritable dynamique saisonnière des espèces. Une autre étude a analysé des photos en ligne (publiées par des internautes) d’oiseaux pique-bœuf et des divers herbivores sur lesquels ils se posent, ce qui a éclairé les interactions entre ces groupes d’espèces. Dans un autre exemple, une analyse des images vidéo du Tour-de-Flandre des 35 dernières années a permis de mettre en évidence les changements dans les périodes de feuillage et de floraison des arbres trouvés en arrière-plan des images.
Dr. Ivan Jarić (Biology Centre of the Czech Academy of Sciences), auteur principal de cette nouvelle étude, est très enthousiaste au sujet du potentiel de l’iEcologie. D’après lui, « les gens ont un besoin constant d’être connectés, et s’inquiètent de l’abus potentiel de ces données en ligne ». Cependant, avec iEcology, les chercheurs soulignent le bon côté de ce « déluge de données ». Il est maintenant possible d’en apprendre beaucoup sur l’endroit où vivent les espèces, quand elles sont actives de manières différentes et comment elles interagissent entre elles et avec leur environnement. L’iEcologie n’est pas considérée comme un substitut à l’écologie classique et de terrain très importante – mais plutôt comme un complément à celle-ci.
Selon Franck Courchamp, Directeur de Recherche au CNRS à l’Université Paris Saclay au sein du laboratoire ESE Ecologie Systématique Evolution (AgroParisTech), comme pour le monde naturel, « il y a d’énormes quantités de données qui s’accumulent en permanence sur le net, et les chercheurs commencent seulement à en percevoir le potentiel, aussi vaste que varié. Alors que les algorithmes de recherche, de calculs et d’analyses sont de plus en plus performants, la seule limite semble être la créativité des chercheurs pour détourner les données existantes en source d’information supplémentaire sur le fonctionnement de la nature« . Or, d’après lui, les écologues ne manquent pas de créativité.
Voir aussi i-ecology.org
Publication dans Trends in Ecology & Evolution, 10 avril 2020