Dans le monde, les deux tiers de la population mondiale vivent actuellement dans des zones qui souffrent de manque d’eau au moins un mois par an. Selon le dernier rapport des Nations-Unies*, la plupart des activités humaines qui utilisent l’eau produisent des eaux usées. A mesure que la demande globale d’eau augmente, la quantité d’eaux usées produites et sa charge globale de pollution augmentent dans le monde entier. Or, plus de 80% des eaux usées mondiales – et plus de 95% dans certains pays les moins avancés – sont rejetées dans l’environnement sans traitement.
Des équipes de chercheurs de l’Université Ben Gourion du Néguev (BGU) en Israël, de l’Université Duisburg-Essen en Allemagne et de l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign (USA) ont collaboré pour élaborer une nouvelle membrane de filtration afin d’apporter une première solution à ce problème de santé mondiale.
En effet, avec les méthodes actuellement utilisées pour éliminer les agents pathogènes des eaux usées (sédimentation, filtration, exposition aux U.V, utilisation de produits chlorhydriques), le nombre de virus présents reste trop élevé : plus de 107 virus par litre d’eau peuvent être retrouvés avant traitement. L’étude de cette équipe montre qu’une quantité insuffisante de virus est éliminée dans les eaux usées municipales à travers le monde – y persistent notamment des espèces particulières comme les adénovirus et les norovirus. Les adénovirus sont une famille de virus d’une centaine de variétés, dont une quarantaine environ peut infecter l’Homme – soit une part non négligeable. Les norovirus, quant à eux, sont considérés comme la deuxième cause infectieuse majeure de mortalité associée à la gastro-entérite. La nécessité d’améliorer l’élimination de ces virus dans la réutilisation d’eau potable est donc urgente pour améliorer la santé publique.
La nouvelle invention de l’équipe du Prof. Moshe Herzberg de l’Institut Zuckerberg de recherche sur l’eau (BGU) consiste en la greffe d’un revêtement d’hydrogel spécial sur les membranes d’ultrafiltration courantes. Cet hydrogel est un polymère composé à 99 % d’eau et couvert de composants organiques, capable de repousser les virus : les virus ne peuvent ni approcher la membrane, ni passer à travers. Le principe repose sur les charges positives et négatives contenues dans la membrane couverte d’hydrogel, réduisant l’accumulation de virus sur la surface filtrante modifiée.
Avec ce dispositif, le taux d’élimination des virus dans l’eau est significativement plus élevé, y compris les norovirus et l’adénovirus humains. Lors de leurs tests, les expérimentateurs ont utilisé un bactériophage (MS2) mesurant environ 30nm, ainsi que l’adénovirus humain de type 2 (HAdv-2) plus gand de 140nm, comme substituts pour le norovirus humain pathogène et Adénovirus humain. Malgré la perte de 18% de perméabilité dû à la greffe de l’hydrogel, les taux d’élimination du HAdv-2 et du MS2 ont été augmentés respectivement de 4 log10 et 3 log10 par rapport à la membrane sans traitement.
Selon Moshe Herzberg, « il est encore trop tôt pour commencer à rechercher des partenaires potentiels pour le développement et la commercialisation de ces produits. Néanmoins, d’ici quelques années, cette technologie pourrait être une aubaine pour les villes dont l’accès à l’eau est restreint et, de façon plus générale, pour les régions du monde connaissant une désertification accélérée à cause du réchauffement climatique, déjà observable au Moyen-Orient et dans certaines régions d’Israël ».
Auteur : Henri-Baptiste MARJAULT, doctorant à l’Université Hébraïque de Jérusalem pour BVST
Publication dans Water Research, juin 2017
* Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2017