Une étude menée par le doctorant Roi Maor sous la direction du Prof. Tamar Dayan de l’Ecole de Zoologie et du Musée Steinhardt d’Histoire naturelle de l’Université de Tel-Aviv a confirmé une hypothèse formulée dès les années 30, selon laquelle les ancêtres des mammifères étaient adaptés à l’activité nocturne pour éviter de côtoyer les dinosaures, et sont devenus des animaux diurnes peu après leur disparition. L’étude montre comment la répartition du temps d’activité a permis une coexistence stable entre les différentes espèces et souligne le lien entre le passage à l’activité diurne et la prolifération des mammifères. Elle a été réalisée en collaboration avec des scientifiques de l’University College London (UCL).
Roi Maor
« Depuis de nombreuses années, les scientifiques se demandaient comment les mammifères ont pu survivre pendant plus de 150 millions d’années dans le monde alors que régnaient les dinosaures », commente le Prof. Dayan, directrice du musée Steinhardt. « Ils étaient alors de petite taille, non diversifiés, et incapables d’avoir le dessus dans une quelconque compétition contre ces mastodontes. Une des hypothèses étaient que les ancêtres des mammifères se sont adaptés à une activité nocturne, car les dinosaures, qui sont des reptiles ont besoin de la lumière du soleil pour se réchauffer et vivre, et étaient actifs dans la journée. Ainsi les mammifères ont pu exister dans la même zone géographique que les dinosaures alors qu’ils appartenaient à une niche écologique totalement différente, celle de l’environnement nocturne. Cette hypothèse était basée en partie sur le fait que jusqu’à aujourd’hui, la grande majorité des mammifères sont nocturnes. Les singes, dont l’homme fait partie, sont en fait les seuls mammifères dont le sens de la vue s’optimise de manière significative à la lumière du jour ».
Un lien immédiat en termes d’évolution
Les chercheurs ont recherché quand exactement l’activité quotidienne est apparue chez les mammifères, et si cette apparition était liée d’une manière quelconque à la disparition des dinosaures. « Nous avons relevé les modèles d’activité de 2 415 espèces de mammifères (diurnes, nocturnes et mixtes). Puis, au moyen d’algorithmes statistiques, nous avons calculé les modèles d’activité des ancêtres de ces espèces, en remontant jusqu’à l’ancêtre le plus éloigné de chaque mammifère vivant aujourd’hui », dit Roi Maor. « Pour réaliser cette étude, nous avons pris en compte tous les types de mammifères: les mammifères placentaires, dont l’homme fait partie, et qui constituent la plupart des espèces autour de nous, les marsupiaux à poche comme le kangourou et les monotrèmes comme l’ornithorynque, qui pondent des œufs mais allaitent leurs petits ».
Prof. Tamar Dayan
Les calculs ont montré comme prévu que les ancêtres des mammifères étaient actifs la nuit, de même que leurs successeurs proches. La vraie découverte réside dans ce qui s’est passé ensuite : on a constaté qu’une activité diurne partielle est apparue chez les mammifères environ 200 000 ans après l’extinction des dinosaures. Selon Maor, « Cette constatation précise est véritablement étonnante. Nous l’avons vérifié par trois méthodes statistiques différentes, et les résultats sont restés les mêmes. En termes d’évolution il s’agit d’un changement immédiat : il semble que le lien entre la disparition des dinosaures et l’apparition de l’activité diurne chez les mammifères soit très étroit. Au début sont apparus des mammifères actifs à la fois le jour et la nuit, puis se sont développés des mammifères essentiellement diurnes, dont le principal est l’ancêtre du singe ».
« Il s’agit de la première étude qui montre des preuves irréfutables du fait que les mammifères diurnes soient apparus uniquement après la disparition des dinosaures », conclut le Prof. Dayan. « La possibilité de fonctionner pendant la journée avec la fin du règne des dinosaures est probablement l’une des causes de la prolifération des mammifères, et du développement rapide d’un éventail différencié des espèces depuis. De plus, l’étude souligne que la répartition du temps d’activité, comme celle des autres ressources de la nature, permet la coexistence stable entre les différentes espèces ».
Publication dans la revue Nature Ecology and Evolution, 6 nov. 2017