Selon la NASA, les dix-neuf années les plus chaudes se sont produites depuis 2000, sachant que 2016 et 2020 ont été, à égalité, les plus chaudes jamais enregistrées. Les canicules font la Une des journaux du monde entier, le Royaume-Uni a atteint 40°C pour la toute première fois. D’autres extrêmes climatiques se produisent. Des fontes de neige plus précoces affectent les zones en altitude, les incendies de forêt violents se multiplient, tandis que des trombes de pluie, suivies de périodes sèches, deviennent la norme. Mais si les vagues de chaleur et les sécheresses sévères deviennent une tendance lourde à travers le monde, qu’est-ce que l’avenir apportera aux forêts tempérées et aux régions cultivées dans le monde ?
Actuellement, plus d’un tiers des terres émergées de la Terre est constitué de terres arides. Les scientifiques étudient depuis des années les adaptations uniques de la vie dans le désert, qui fonctionnent selon leurs propres règles longtemps considérées comme concernant exclusivement les zones arides.
Les zones humides affectées
Une nouvelle étude dirigée par le Pr José Grünzweig de l’Université Hébraïque de Jérusalem, et coécrite par le Dr Omer Tzuk de l’Université de Tel Aviv et le Pr Ehud Meron de l’Université Ben Gourion du Néguev, entre autres, suggère que le changement climatique a pour effet que ces «mécanismes des terres arides» affectent de plus en plus les zones plus les zones humides de la Terre, telles que les terres cultivées et les forêts des régions tempérées. Pour mieux prédire comment les zones les plus humides du monde fonctionneront à l’avenir, l’équipe recommande de commencer à appliquer les leçons tirées du fonctionnement de la vie dans les régions arides.
Cette étude affirme que ces nouvelles données peuvent faire progresser la capacité d’adaptation pour résister aux extrêmes climatiques et réduire leurs impacts sur la nature et les personnes.
Suite à une recontre de la Fédération écologique européenne (EEF) et à une action de la Coopération européenne en science et technologie (COST), l’équipe a compilé une liste des règles de vie uniques qui régissent les écosystèmes des zones arides. Bon nombre de ces processus clés ont été considérés comme pertinents uniquement pour les régions arides, notamment : cycle rapide entre les conditions humides et sèches qui influencent l’activité des plantes et des animaux ; redistribution de l’eau dans les sols par les racines des plantes ; et la formation de croûtes vivantes à la surface des sols par des organismes microscopiques.
Accélération des mécanismes
Dans l’ensemble, l’équipe a identifié une douzaine de mécanismes différents des terres arides affectant plusieurs processus, notamment la distribution de la végétation, la croissance des plantes, le débit d’eau, le bilan énergétique, le cycle du carbone et des nutriments et la décomposition des matières mortes. Ces mécanismes des terres arides sont contrôlés par des facteurs environnementaux, tels qu’un rayonnement solaire intense, des températures élevées, de grandes étendues dénudées entre les plantes et une disponibilité irrégulière de l’eau.
Les mécanismes ont également été classés comme plus susceptibles de réagir rapidement, ceux que l’on pourrait s’attendre à voir se produire à la suite d’une sécheresse à court terme (par exemple, les cycles sec-humide, la chaleur et la lumière du soleil décomposant les matières mortes) et de réagir lentement – ceux cela se produirait après des décennies de conditions sèches (par exemple, formation de croûte vivante sur les sols) en raison de changements dans la distribution des plantes.
Les chercheurs ont présenté ces 12 mécanismes des terres arides qui sont des processus de routine dans les terres arides mais que l’on ne trouve pas couramment dans les systèmes humides. Ensuite, ils ont classé ces mécanismes en fonction de la probabilité qu’ils se produisent dans des systèmes plus humides à l’avenir. Les chercheurs ont demandé : quels types de changements seraient nécessaires pour commencer à les voir dans des systèmes plus humides ? Pour les chercheurs, il est clair qu’un nouveau schéma sans précédent est en train d’émerger, qui était considéré comme absent ou insignifiant dans la plupart des biomes sur Terre.
Grande sécheresse en Europe
Ces mécanismes des terres arides se produisent maintenant, avec une fréquence croissante, dans les régions tempérées. À l’avenir, ceux-ci augmenteront probablement en fréquence et deviendront plus pertinents en raison des conditions plus chaudes et plus sèches dues au changement climatique. Par exemple, une grande partie de l’Europe a connu une grave sécheresse et une vague de chaleur à l’été 2018. En conséquence, la faible couverture végétale dans les champs agricoles pendant cette période a probablement conduit à des processus biologiques de type désertique se produisant dans ces endroits généralement humides (voir Danemark été 2018 image). Cet été, une nouvelle vague de chaleur brûle à nouveau l’Europe. Dans ces conditions, la croissance des plantes a considérablement diminué dans ces systèmes, ce qui conduit à une plus grande exposition du sol nu à la surface qui n’est pas couverte par les plantes.
Pour mieux comprendre les futures ramifications potentielles des mécanismes des zones arides sur des éléments tels que la répartition de la végétation et la décomposition des matières mortes, l’équipe a pris ses données sur les zones arides et les a modélisées pour montrer comment les forces motrices des zones arides s’appliqueront de plus en plus aux régions tempérées dans les conditions climatiques futures. Les résultats et les conséquences à long terme ont été stupéfiants. Par exemple, leurs modèles prédisent que la superficie totale non aride avec une température moyenne de la couche arable > 40 °C devrait augmenter d’environ 17 millions de km2 (environ l’équivalent de la superficie totale des États-Unis et du Brésil) d’ici la fin du siècle.
En outre, l’humidité de la couche arable devrait diminuer sur 74 % de la superficie terrestre mondiale actuellement non classée comme zone aride. Les chercheurs notent que les modèles mathématiques sont couramment utilisés pour prédire comment les systèmes se comporteront dans des conditions plus sèches ou plus chaudes, mais on suppose généralement que les règles de fonctionnement resteront les mêmes, même si le climat change.
Adapter les modèles mathématiques
Les chercheurs se sont alors demandé : et si les règles de fonctionnement du système avaient changé et que les modèles établis n’en avaient pas vraiment tenu compte ? La sécheresse des sols entraînera l’émergence de nombreux mécanismes des terres arides, tels que la redistribution de l’eau du sol via les racines des plantes. D’autres mécanismes réagiront aux changements de végétation, avec une végétation plus clairsemée augmentant la prévalence d’organismes formant des croûtes à la surface du sol et augmentant le rôle de la lumière du soleil dans la décomposition des feuilles mortes.
Certains changements projetés se produiront dans des régions à forte densité humaine et affecteront considérablement le bien-être de la société dans ces régions. Les chercheurs notent qu’ils auront besoin de poursuivre leurs recherches sur les écosystèmes sous la fréquence et la gravité croissantes des sécheresses et des vagues de chaleur afin d’améliorer leur compréhension des processus émergents sous-jacents. En fin de compte, les chercheurs espèrent qu’une meilleure compréhension de ces systèmes désertiques adaptés de manière unique conduira la société à établir des attentes réalistes pour l’avenir des zones historiquement tempérées et plus humides, avant qu’il ne soit trop tard pour répondre à l’appel de la Nature.
Publication dans Nature Ecology and Evolution 25 juillet 2022
Traduit et adapté par Esther Amar pour Israël Science Info