L’avion est un moyen de transport terriblement polluant : il émet trois fois plus de gaz à effet de serre que la voiture, alors même que le trafic aérien pourrait tripler d’ici à 2030. Son impact sur le climat a doublé en vingt ans et cette source de pollution connaît la plus forte croissance. La conception intégrée de systèmes énergétiques pour les avions est donc l’enjeu majeur de ces prochaines années. Au niveau européen, le programme ACARE (Advisory Council for Aeronautics Research in Europe) impose au transport aérien des contraintes environnementales de réduction du bruit, des émissions polluantes (NOx, HC, fumées, CO2) et de la consommation. Parmi les solutions envisagées, les piles à combustible (PAC) représentent une source d’énergie embarquée qui peut se substituer au moteur pour la production d’électricité. Leur rendement énergétique est élevé (> 45 %), leur fonctionnement est silencieux et l’absence d’émissions est un atout phare.
Dans ce domaine, les travaux du Dr Shani Elitsur à la faculté d’Ingénierie aérospatiale du Technion – Institut Technologique Israélien – représentent une belle avancée. Avec son équipe de chercheurs, le Dr Elitzur vient de développer un moyen de produire de l’hydrogène à partir d’eau et d’aluminium. Cette méthode, brevetée, peut être utilisée à bord des avions en plein vol pour produire de l’hydrogène avec de l’eau (y compris les eaux usées de l’avion) et des particules d’aluminium, en toute sécurité et à moindre coût. L’hydrogène peut ensuite être transformé en énergie électrique pour une utilisation en vol. Cette percée pourrait ouvrir la voie à des avions moins polluants et plus électriques qui remplaceraient les systèmes hydrauliques et pneumatiques généralement alimentés par le moteur principal.
« L’hydrogène produit à bord de l’avion pendant le vol peut être acheminé vers une pile à combustible pour la production d’énergie électrique », a déclaré le Dr Shani Elitzur, chercheur principal de l’étude au Technion. « Cette technologie offre une bonne réponse à plusieurs défis, tels que le stockage de l’hydrogène, en évitant les problèmes liés au stockage de l’hydrogène à l’état liquide ou gazeux ». Bien que l’utilisation des combustibles à partir d’hydrogène représentent depuis un certain temps une solution potentielle d’énergie plus verte, le stockage de l’hydrogène reste un problème. Les ingénieurs ont contourné ce problème en utilisant des piles combustible non polluantes – Proton Exchange Membrane (PEM), Pile à combustible à membrane échangeuse de protons – et un processus d’activation de l’aluminium, breveté par les co-auteurs de l’étude, le Pr Alon Gany et le Dr Valery Rosenband. La recherche du Dr Elitzur portait sur la réaction entre la poudre d’aluminium et l’eau (de différents types) pour produire de l’hydrogène.
La technologie repose sur la réaction chimique entre la poudre d’aluminium et l’eau. L’eau douce ou les eaux usées déjà à bord de l’avion, peuvent être utilisées pour l’activation, l’avion n’a donc pas besoin de transporter d’eau supplémentaire. La réaction spontanée et continue entre l’aluminium en poudre et l’eau est activée par le processus thermochimique d’activation de l’aluminium que les chercheurs ont développé. Les propriétés protectrices du film d’oxyde ou d’hydroxyde couvrant la surface des particules d’aluminium sont modifiées par une petite fraction d’activateur à base de lithium diffusé en aluminium, permettant à l’eau à température ambiante de réagir spontanément avec l’aluminium. Le processus génère de la chaleur, ce qui, selon les chercheurs, peut être utilisé pour un certain nombre de tâches, y compris l’eau de chauffage et les aliments dans la cuisine, les opérations de dégivrage ou le chauffage du carburant de l’avion avant le démarrage des moteurs.
Cette technologie fournirait « l’hydrogène produit à bord de l’avion pendant le vol qui peut être acheminé vers une pile à combustible pour la production d’énergie électrique », décrit Shani Elitzur.
Selon les chercheurs, leur technologie fournirait : des opérations plus silencieuses à bord ; des réductions drastiques d’émissions de CO2 ; stockage compact, pas besoin de réservoirs de stockage d’hydrogène à bord ; production d’énergie électrique plus efficace ; une réduction du câblage (plusieurs piles à combustible peuvent être situées près de leur point d’utilisation) : efficacité thermique (la chaleur générée par pile à combustible peut être utilisée pour le dégivrage, le chauffage par jet d’essence) : des vapeurs inflammables réduites dans les réservoirs de carburant (production de gaz inerte).
Les fabricants d’aéronefs, Boeing ou Airbus, mènent des recherches sur l’utilisation à bord de piles à combustible. Selon les chercheurs de Technion, les piles à combustible peuvent jouer un rôle d’économie d’énergie dans des opérations de maintenance pour des tours de dégivrage ou des tours de piste. «La production et le stockage efficaces de l’hydrogène représentent l’avenir pour des besoins énergétiques efficaces et sans danger pour les avions», a résumé le Pr Gany.
Publication dans the International Journal of Hydrogen Energy, mars 2017
Par Esther Amar pour Israël Science Info et Muriel Touaty, DG du Technion France