Une équipe internationale de chercheurs de l’Université d’Oxford, de l’Université de Birmingham et de l’Université Ben Gourion du Néguev en Israël a constaté que la manière dont les internautes utilisent le web est étroitement liée aux schémas et rythmes du monde naturel. Cette découverte inattendue pourrait induire de nouveaux modes de surveillance de l’évolution de la biodiversité sur la planète. Elle montre aussi à quel niveau les individus s’inquiètent pour la nature, quelles espèces et quelles zones pourraient le mieux être protégées.
« Nous vivons à une époque de dégradation des écosystèmes naturels et d’effondrement de la biodiversité. De nouveaux outils et approches sont nécessaires pour faire face à ces défis gigantesques », a déclaré le Dr Uri Roll, maître de conférences à la BGU.
« Ce domaine de recherche en plein essor, la culturomique*, vise à comprendre l’interaction homme-nature telle qu’elle se manifeste dans de vastes référentiels numériques, Ceci est fait dans le but de mieux comprendre comment les gens interagissent avec la nature et d’utiliser ces informations pour permettre des mesures de conservation plus rationnelles et efficaces », ajoute le Dr Uri Roll.
L’équipe a utilisé les pages Wikipedia et les données eBird pour étudier le comportement des internautes qui s’intéressent aux plantes et aux animaux, selon les saisons. Ils ont rassemblé une masse de données de 2,33 milliards de pages vues sur près de trois ans, pour 31 715 espèces réparties, dans 245 publications Wikipedia.
Ces modèles suggèrent que le comportement en ligne des personnes correspond au rythme de la nature. Ils ont constaté que les saisons influent beaucoup sur les visites des pages Wikipedia, pour de nombreuses espèces de plantes et d’animaux. Plus du quart des visiteurs ont manifesté un intérêt saisonnier.
Les chercheurs pensent qu’il serait possible de mesurer les changements, la rareté ou l’abondance d’espèces en vérifiant l’activité Internet qui les concerne.
Les pages pour les plantes à fleurs suscitent des requêtes saisonnières plus fortes que celles des conifères, qui n’ont pas de saison de floraison. Les pages consacrées aux insectes et aux oiseaux sont plus saisonnières que celles de nombreux mammifères.
De plus, les chercheurs ont identifié des réactions saisonnières aux événements culturels. Les pages vues sur le dindon sauvage en anglais, par exemple, ont montré des pics annuels répétés autour de Thanksgiving et les dates de chasse printanière aux États-Unis. La Shark Week* a également suscité un regain d’intérêt pour les pages sur les requins.
«Les gens sont de plus en plus déconnectés de la nature. Nous ne nous attendions pas vraiment à ce que leur activité en ligne réponde aux caractéristiques de la nature. Que l’activité en ligne soit fortement corrélée avec des phénomènes naturels suggère que les gens s’intéressent au monde qui les entoure. C’est très enthousiasmant », ajoute John Mittermeier, auteur principal et doctorant à l’Université d’Oxford.
L’équipe estime qu’il est très possible d’appliquer ces méthodes aux politiques et actions de protection de la nature, telles que la sélection d’espèces vedettes ou de zones emblématiques. Le fait de pouvoir identifier un pic saisonnier d’intérêt pour une espèce particulière pourrait aider une ONG à décider quand et comment lancer une campagne de financement particulière.
Traduit et adapté par Esther Amar pour Israël Science Info
Publication dans PLoS Biology, 5 mars 2019
* La culturomique est une nouvelle discipline qui étudie, à l’aide d’ordinateurs, la culture humaine en explorant les écrits, les séquences de mots produits par nos sociétés
* Pendant une semaine complète la chaîne Discovery diffuse uniquement des documentaires sur les requins