La préparation mondiale contre le Coronavirus est-elle suffisante? Les chauve-souris ont-elles vraiment contribué à sa diffusion ? Comment le réchauffement climatique contribue-t-il à la propagation de maladies telles que le Corona et le SRAS? Quel est le lien entre le processus d’urbanisation et la diffusion des virus ? Et comment construit-on deux hôpitaux en dix jours ? Les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv répondent à nos interrogations.
Tout le monde cherche un bouc émissaire pour expliquer l’éruption et la propagation du virus mortel du Corona, et une fois encore, comme lors de celles de l’Ebola et du SRAS il y a quelques années, les principales suspectes sont les chauves-souris.
Le Dr. Maya Weinberg de l’École de zoologie de l’UTA, membre du groupe de recherche du Prof. Yossi Yovel, prend leur défense : « Il est vrai qu’il existe une correspondance de 96% entre le génome du Coronavirus trouvé chez les premiers patients touchés et celui des chauves-souris. Mais cela ne suffit pas. Tout d’abord, pour établir ce type de relation, nous préférons travailler avec des taux de correspondance d’au moins 99%. Deuxièmement, le Corona est un virus à multiples facettes, et je ne serais pas surprise si aujourd’hui, plusieurs semaines après le déclenchement du virus, les virus détectés chez les patients hospitalisés présentent une autre séquence génétique ».
Le suspect immédiat
Se pourrait-il que l’infection ait été causée par la consommation de chauves-souris malades ? : « La réponse est oui. Une chauve-souris malade peut être contagieuse. Bien sûr il est fortement déconseillé de manger des animaux malades, que ce soit des chauves-souris, des rats ou des poulets. Il faut consommer uniquement la viande des animaux après inspection des services vétérinaires sanitaires », explique le Dr. Weinberg.
Bien qu’elles soient souvent désignées d’un doigt accusateur, la chauves-souris n’est pas considérée comme un animal capable de provoquer une infection. « Un animal propagateur, doit remplir deux conditions : la première, c’est qu’il ne meurt pas du virus qu’il transporte, et la seconde, que le virus se reproduire dans les fluides et les organes de son corps. C’est ainsi que se crée l’ADN viral capable de se propager. Les chauves-souris présentent pas ces deux conditions », explique-t-elle. « Leur système immunitaire s’ajuste et se corrige en permanence. Par exemple, lorsqu’elles volent la nuit pour chercher leur nourriture, leur température corporelle monte à 42 degrés, ce qui nettoie naturellement leur organisme et diminue les agents pathogènes. De plus, elles ont la capacité de combattre l’ADN étranger ou en décomposition, et possèdent également des protéines antivirales que notre corps n’exprime qu’en temps de maladie, mais qui se trouve dans leur sang de manière permanente ».
Le gouvernement qui a construit deux hôpitaux en une semaine
Pour faire face au fardeau croissant de l’hospitalisation, le gouvernement chinois a entrepris une tâche qui semble à priori impossible : mettre en place deux hôpitaux en dix jours (et dix nuits) pour prodiguer des soins aux patients atteints du Corona. Plus de 10000 travailleurs travaillant 24 heures sur 24, ont pu mettre sur pied deux hôpitaux capables d’absorber environ 1500 patients chacun dans la ville de Wuhan, où le virus est apparu pour la première fois.
Pour le Prof. Asaf Goldschmidt, du Département des études de l’Asie de l’Est, cela n’est pas surprenant. Dans un article récent, il montre comment, sous la dynastie Song aux XIe et XIIe siècles, le gouvernement chinois s’était organisé pour lutter contre le déclenchement des épidémies.
« L’État chinois est organisé en administrations, dont certaines s’occupent de santé publique, d’aide médicale et de distribution de la nourriture. Une telle organisation était déjà sur pied en chine, bien avant la bureaucratie occidentalisée, avec pour objectif principal la collecte efficace des impôts. Et les Chinois avaient déjà compris alors ce que les défenseurs de l’État providence disent aujourd’hui : pour pouvoir collecter des impôts, l’État être capable de rendre quelque chose à ses citoyens », explique le Prof. Goldschmidt.
« Une partie du statut de l’Empereur de Chine dérivait de sa volonté d’aider son peuple en temps de détresse. Lorsque des catastrophes naturelles ou des épidémies se produisaient, les Chinois voyaient cela comme un signe donnés par les dieux à l’Empereur pour quil améliore son comportement, notamment son y compris sa préoccupation du bien-être de son peuple. Aujourd’hui encore, la légitimité du Parti communiste est dérivée en partie de son souci pour la population », conclut-il.
De l’Extrême-Orient au Moyen-Orient
Mais le Coronavirus, s’est rapidement propagé en dehors des frontières de la Chine. Le Dr. Bruria Adini est Directrice du Département de la gestion des urgences et de la médecine des catastrophes de l’École de santé publique de l’UTA, où les étudiants sont exposés aux divers risques auxquels est confrontée la société en Israël et dans le monde, discutent de leurs implications et contribuent à l’accumulation des connaissances grâce à des activités d’apprentissage et de recherche.
« Être capable de se confronter aux maladies transmissibles est un défi mondial, et l’État d’Israël, en tant que membre de la communauté internationale, est déterminé à travailler efficacement dans ce but », explique le Dr. Adini. « Cette préparation comprend la formulation d’une plate-forme et de procédures, l’entretien de stocks d’équipement, de médicaments et de vaccins (si disponibles pour les différents cas), et la préparation quotidienne afin qu’en cas d’urgence les mesures vitales, telles que l’analyse épidémiologique, la mise en quarantaine, et les soins médicaux puissent être prises rapidement.
Le système de santé en particulier, et les systèmes d’urgence d’Israël en général, se préparent depuis plusieurs décennies à une variété de dangers, y compris ceux résultant de la propagation d’agents pathogènes tels que les virus ou les bactéries (par éruption naturelle ou par suite d’actes de terreur biologique). Lorsqu’un événement a un impact potentiel sur la société en Israël, comme c’est le cas actuellement du Conavirus, défini par l’Organisation mondiale de la santé comme un événement d’urgence, il est bien sûr du devoir de l’État de prendre des précautions et de réduire la gravité de son impact sur la société en Israël ».
Le réchauffement climatique nuit à la santé
« Il est important de savoir qu’avec le réchauffement climatique, de plus en plus de nouvelles épidémies comme la Corona et le SRAS vont se produire« , note le Dr. Adini. « Cela s’explique par le fait que la déforestation et l’expansion de l’urbanisation ou de terres agricoles rapprochent les humains de la nature sauvage (animaux et végétation), ce qui les rend plus sensibles aux virus naturels. Au fil des siècles, de nombreux virus ont survécu chez less animaux sauvages et se sont développés de manière à ne pas nuire à leur hôte naturel, mais lorsqu’ils passent des animaux aux humains, ils peuvent rapidement causer de gros dégâts. Le temps peut également affecter la propagation du virus. Par exemple, le degré d’humidité de l’air peut lui permettre de survivre plus longtemps (par exemple, lorsque la personne éternue) par rapport à un air plus sec, ce qui contribue également au processus de transmission du virus ».
Les dispositions prises jusqu’à présent sont-elles suffisantes pour empêcher la propagation du virus ?
« Un des problèmes majeurs réside dans le fait que dans un nombre important de pays dans le monde, il n’existe pas de système suffisamment bien développé pour surveiller l’ensemble de la population affectée, y compris l’identification précoce de la population exposée et infectée. Par conséquent, le nombre total de porteurs et ou de malades peut être inconnu, ce qui nécessite que tous les pays se préparent à un schéma qui pourrait être plus sévère que celui connu jusqu’à présent.
Faire face à une maladie infectieuse, dans laquelle les personnes sont contagieuses avant même de présenter des symptômes visibles, est un défi important, même pour les grands pays. Étant donné que la maladie n’a pas de vaccin ni de traitement médicamenteux, il est important de prendre des mesures pour contenir l’événement, telles que la protection des personnes à risque, la mise en quarantaine des personnes ayant été exposées au virus, l’isolation des malades et la restriction des mouvements de populations, pour empêcher la propagation du virus et minimiser ses effets néfastes. Des mesures appropriées sont en train d’être prises, mais il n’est pas certain qu’au début de l’épidémie en Chine, ces mesures aient été prises aussi rapidement qu’il aurait fallu.
L’État d’Israël prend des mesures de précaution, notamment en distribuant des vêtements de protection aux équipes médicales et aux autres intervenants, en adoptant une politique d’isolement des malades et de mise en quarantaine systématique des personnes susceptibles d’avoir été exposées au virus, et ce jusqu’au la négation du développement effectif de la maladie. L’État d’Israël a également une très bonne capacité à fournir des soins de soutien aux patients ».
Pensez-vous qu’on puisse se reposer sur les informations actuellement diffusées sur le Coronavirus ? « Il faut se baser uniquement sur les rapports et les directives des responsables, et considérer les rapports informels avec circonspection. La peur est un état de fait naturel dans ces situations, et la connaissance réduit l’anxiété. Dans une situation de peur et de grande incertitude, les réseaux sociaux répandent de nombreuses rumeurs et fake news, qui déforment la réalité et provoquent des tensions et de l’anxiété au-delà de ce qui est nécessaire. Il est important de veiller à suivre les directives de prudence et d’hygiène du ministère de la Santé ».
Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv