Un ancien résident du Moshav Dishon au nord d’Israël, raconte : « la nuit, les fedayin venaient enterrer des mines sur le terrain de football local quand nous dormions. Un jour, en janvier 1967, Yosef Cohen, un jeune homme de 18 ans en permission, a marché dessus durant un match et il est mort. C’était difficile de surveiller un Moshav entier ». En Israël, dans certaines régions, comme dans 70 pays dans le monde, les mines antipersonnel font encore des blessés graves. En 2015, une jeune officière israélienne a sauté sur une mine alors qu’elle marchait le long de la barrière de sécurité près de la rivière Saar. En 2010, Daniel Yuval, 10 ans, a perdu sa jambe lors d’une promenade sur les hauteurs du Golan. En mai 2013, le soldat, Roi Alphi, est mort alors qu’il nettoyait un champ de mines, toujours sur le Golan. Certaines zones de la vallée de la Arava et le long de la vallée du Jourdain sont également touchées.
Or, une équipe pluridisciplinaire de chercheurs israéliens (agriculture, informatique, ingénierie génétique) vient de découvrir une solution inédite pour détecter à distance les mines antipersonnel enterrées, à l’aide de bactéries fluorescentes enfermées dans des billes polymères éclairées par un système de balayage laser. Ce système est basé sur l’observation que toutes les mines terrestres laissent échapper des quantités minimes de vapeurs qui s’accumulent dans le sol au-dessus d’elles et sont un marqueur de leur présence.
Le principal défi dans la lutte contre les champs de mines est la détection. Les technologies actuelles n’ont guère évolué depuis la seconde guerre mondiale : les équipes de déminage risquent leurs membres et leur vie en entrant physiquement dans les champs de mines. Il existe un besoin criant de solutions efficaces pour la détection à distance des mines terrestres et des munitions non explosées.
Ce problème humanitaire a pris d’immenses proportions au niveau mondial. Environ un demi-million de personnes dans le monde souffre de blessures infligées par des mines et chaque année 15 à 20 000 personnes supplémentaires sont blessées ou tuées. Plus de 100 millions de ces engins sont encore enterrés sur la planète. Les territoires infestés des mines ne servent plus à rien car la population a peur de les utiliser. Les habitants manquent alors de nourriture et souffrent de malnutrition, avec de graves effets sur la santé et la croissance des enfants. Le bétail non plus n’est pas à l’abri. Une fois blessé, il est condamné à mourir de faim et de soif.
Les chercheurs de l’Université Hébraïque de Jérusalem (UHJ) ont présenté un nouveau système opérationnel combinant des bactéries et des lasers pour localiser à distance les mines enterrées et les munitions non explosées.
Ils ont conçu des bactéries vivantes qui émettent un signal fluorescent lorsqu’elles entrent en contact avec ces vapeurs. Ce signal peut être enregistré et quantifié à partir d’un site distant.
Des bactéries génétiquement modifiées ont été encapsulées dans de petites billes polymères et dispersées à la surface d’un champ test, dans lequel de vraies mines antipersonnel ont été enterrées. À l’aide d’un système à balayage laser, le champ a été inspecté à distance et l’emplacement des mines terrestres enterrées a été déterminé. Cela semble être la première démonstration d’un système de détection des mines terrestres.
« Les données sur le terrain montrent que nos bio-capteurs sont efficaces pour détecter des mines terrestres. Pour que cela soit possible, plusieurs défis doivent être surmontés, telles que l’amélioration de la sensibilité et la stabilité des bactéries des capteurs, l’amélioration de la vitesse de balayage pour couvrir de vastes zones, et rendre l’appareil plus compact pour être utilisé à bord d’un véhicule léger sans pilote ou d’un drone », a déclaré le Pr Shimshon Belkin, de l’Institut de sciences de la vie de l’UHJ, responsable de l’ingénierie génétique des capteurs bactériens.
Les groupes de recherche participant à cette étude ont été dirigés par le Pr Shimshon Belkin à l’Institut Alexander Silberman des sciences de la vie ; le Pr Aharon J. Agranat du Département de physique appliquée et du Centre Brojde pour l’ingénierie et l’informatique innovantes (conception et construction du système de balayage à distance) ; le Pr Amos Nussinovitch de la Faculté d’agriculture, d’alimentation et d’environnement de Robert H. Smith (encapsulation de bactéries dans des billes polymères).
Publication dans Nature Biotechnology, 11 avril 2017
Traduction/adaptation Esther Amar pour Israël Science Info