Le Pr Oren Levy, de l’Université Bar-Ilan en Israël a déclaré : « on devrait associer les scientifiques à l’évaluation de l’impact de l’urbanisation sur les milieux marins avant de finaliser les plans d’aménagement municipaux ».
Les récifs coralliens du golfe d’Eilat se sont révélés particulièrement résistants au réchauffement climatique, à la hausse des températures de l’eau et aux épisodes de blanchissement qui paralysent leurs homologues ailleurs dans le monde. Mais les résultats d’une étude à long terme menée par une équipe internationale de scientifiques de la mer et du big data, confirment une menace différente pour le refuge corallien dans le sud d’Israël : le développement urbain massif près de la côte du Golfe a une effet dévastateur sur l’environnement marin local. Pendant une année entière, les chercheurs ont examiné comment l’urbanisation perturbait les biorythmes naturels, qui sont responsables du métabolisme, des cycles de croissance et de reproduction des coraux, et si l’urbanisation pouvait être un facteur de contribution négligé du déclin mondial des coraux.
Le Dr Yaeli Rosenberg et le Pr Oren Levy, directeur du laboratoire marin de la faculté des sciences de la vie Mina et Everard Goodman de l’Université Bar-Ilan, ont dirigé l’équipe, qui comprenait le Dr Shahar Alon (faculté d’ingénierie de l’Université Bar-Ilan) ; le laboratoire du Pr Aldo Shemesh (Institut Weizmann des sciences), l’unité des services bioinformatiques (Université de Haïfa), le laboratoire du professeur Chris Voolstra (Université de Constance, Allemagne) et le laboratoire du professeur David Miller (ARC Center of Excellence for James Cook University dans le Queensland, Australie). Deux sites dans le golfe d’Eilat, à la pointe nord de la mer Rouge, ont été échantillonnés, l’un à proximité immédiate de la ville d’Eilat et l’autre plus loin.
Comme toutes les villes, Eilat émet diverses formes de pollutions chimiques, lumineuses, hormonales et sonores qui peuvent être nocives pour les milieux marins. Tout au long de l’année, l’équipe a échantillonné les récifs à différentes phases de la lune et à différents moments de la journée, couvrant les cycles biologiques quotidiens, mensuels et saisonniers. De nombreuses techniques, telles que l’expression d’ARN, les études physiologiques, les mesures d’isotopes stables et l’analyse du microbiome ont été utilisées pour comprendre comment l’urbanisation modifie le biorythme. Malgré l’apparence relativement saine des coraux, les chercheurs ont découvert que les biorythmes naturels et les systèmes sensoriels environnementaux étaient fortement perturbés chez les coraux vivant à proximité de la ville d’Eilat.
Les cycles quotidiens et lunaires liés au métabolisme des coraux, à la prédation, à la diversité fonctionnelle microbienne et aux fonctions de l’horloge circadienne ont été perturbés par les conditions urbaines. Des modèles de saisonnalité altérés ont également été observés dans les microbiomes de la population de coraux urbains, ce qui signifie l’impact de l’urbanisation sur l’holobionte (l’organisme entier), plutôt que sur le corail hôte seul. « En apparence, les coraux semblent en bonne santé, mais en regardant plus de façon plus précise, nous avons vu de manière très concluante le fort effet de l’urbanisation », a déclaré Yaeli Rosenberg.
« La perturbation des cycles quotidiens et mensuels a entraîné une baisse des performances physiologiques et des cycles de reproduction qui ont disparu chez les coraux urbains », ajoute Oren Levy. En revanche, les coraux du site non urbain semblaient en bonne santé et leurs biorythmes montraient un cycle normal au cours des périodes d’échantillonnage. Le Pr Levy affirme que les scientifiques doivent être associés dans l’évaluation de l’impact potentiel de l’urbanisation sur les zones marines avant que les plans de développement municipaux ne soient finalisés. Oren Levy, dont les recherches portent également sur les rythmes biologiques chez les animaux marins, prépare actuellement une étude de l’impact de la pollution lumineuse sur les environnements marins à l’échelle mondiale. Avec la preuve que l’urbanisation est un facteur contribuant au déclin mondial des coraux, il prévoit d’étudier la combinaison de polluants sensoriels (pollution chimique, lumineuse, hormonale et sonore) sur les récifs coralliens pour déterminer les seuils de pollution auxquels ils peuvent résister.
Publication dans Global Change Biology, 25 février 2022
Traduction/adaptation par Esther Amar pour Israël Science Info