L’homme est-il le seul mammifère qui acquiert la capacité de parler ? Une étude menée dans le laboratoire du Prof. Yossi Yovel du Département de zoologie et de l’Ecole des neurosciences de l’Université de Tel-Aviv, par les doctorants Yosef Prat et Lindsay Azoulay, a révélé que les bébés chauves-souris apprennent à communiquer dans le ‘dialecte’ qu’ils ont entendu pendant la première année de leur vie. Selon les chercheurs, cette étude met en lumière l’origine évolutive de la capacité d’acquisition du langage et soulève la question de la spécificité de l’homme à cet égard. « Depuis l’aube des temps on pense que la capacité d’apprendre une langue et de l’utiliser est un privilège de l’homme. Les chercheurs du monde entier tentent de vérifier l’exactitude de cette hypothèse, et étudient dans ce but les sons émis par les différentes espèces animales. Cependant, ces recherches ont jusqu’ici produit peu de résultats concluants. Dans notre laboratoire, nous avons décidé d’examiner le cas des bébés chauves-souris frugivores », explique le Prof. Yovel.
Pour les besoins de l’étude, les chauve-souriceaux ont été divisés en trois groupes de cinq. Au cours de la première année de vie, les petits de chaque groupe ont été exposés à une bande sonore différente comprenant des sons propres à l’espèce, sortes de « dialectes de chauve-souris »: la première contenait des sons à haute fréquence, la deuxième des sons à fréquences basses, et le troisième groupe a grandi avec une bande sonore complète, incluant tous les types de sons. Les voix émises par les bébés eux-mêmes ont été enregistrées et déchiffrées régulièrement.
« Nous avons découvert que les chauve-souriceaux apprennent et reproduisent le type de voix auquel ils ont été exposés », commente le Prof. Yovel. « On peut dire qu’ils apprennent à parler dans le « dialecte » qu’ils ont entendu dans leur enfance. Ces résultats montrent que la communication vocale des chauves-souris est au moins en partie acquise très tôt dans la vie. En d’autres termes, les jeunes chauves-souris ne naissent pas avec leur répertoire vocal complet, mais l’acquièrent à partir de leur environnement ».
Autre conclusion importante de l’étude : les chauve-souriceaux apprennent à partir de l’ensemble des voix qu’ils entendent, et pas nécessairement des « cours particuliers » de la mère qui les élève. Dans la nature, ce sont les sons du groupe, c’est-à-dire la colonie de chauves-souris qui vit dans la grotte où ils sont nés. Ceci est une nouveauté par rapport aux études menées jusqu’à présent sur le sujet, qui portaient pour la plupart sur des oisillons chanteurs, qui contrairement aux bébés chauves-souris apprennent à chanter directement de l’un des parents.
« Notre recherche met en lumière l’origine évolutive de la capacité à acquérir le langage et soulève des questions sur la spécificité de l’homme à cet égard », conclut le Prof. Yovel.
Publication dans PLoS Biology, 31 octobre 2017
Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter Université de Tel-Aviv/AFAUTA