Le Pr Roy Mukamel et le doctorant Ori Ossmy de l’Ecole de psychologie et de l’Ecole des neurosciences de l’Université de Tel Aviv ont montré qu’une personne peut entrainer sa main faible et l’améliorer, même sans l’exercer de manière volontaire, en trompant le cerveau par l’utilisation de la technologie de la réalité virtuelle. Selon les chercheurs le nouveau dispositif pourra à l’avenir être utilisé pour aider les victimes d’AVC à récupérer une bonne mobilité.
« Le processus de réhabilitation des victimes de lésions cérébrales en général, et celles d’accident vasculaire cérébral en particulier, est actuellement basé sur l’entrainement actif de l’organe affecté« , explique le Pr Mukamel. « La difficulté est que l’organe, par exemple la main, est très affaibli à la suite de la lésion neurologique, et donc la progression est ardue, épuisante et lente. Dans notre étude, menée à ce stade sur des groupes de sujets en bonne santé, nous avons cherché à examiner d’autres moyens d’améliorer les performances de la main, sans avoir à l’activer de manière volontaire« .
Quand la main gauche sait ce que fait la droite
Dans une première étape, on a remis à 18 sujets des lunettes de réalité virtuelle, dans lesquelles on leur présentait des mains virtuelles comme une extension naturelle de leur corps, dont les mouvements étaient contrôlés par les chercheurs grâce à un logiciel particulier. Par ailleurs, les participants ont revêtu des gants équipés de détecteurs de mouvement, qui permettaient aux chercheurs de suivre les actions de leurs vrais doigts. Dans cette situation, ils ont dû effectuer une tâche qui consistait à exercer leur main droite à réaliser une séquence donnée d’attouchements des doigts par le pouce.
Au cours l’entrainement, les chercheurs ont renversé l’image présentée aux sujets dans les lunettes : pendant qu’ils exerçaient leur main droite, on leur a présenté virtuellement leur main gauche, effectuant le mouvement en temps réel. Un examen pratiqué en fin d’entrainement a révélé que la dextérité de la vraie main gauche des participants, qui ne s’était pas du tout déplacée au cours de l’exercice, s’était nettement améliorée, selon l’indice défini pour l’étude: une augmentation de 15% du nombre d’exécutions exactes de la tâche en 30 secondes.
Pr Roy Mukamel
Dans la deuxième phase de l’étude, les chercheurs ont ajouté un deuxième dispositif et ont demandé à 18 nouveaux patients de poser les deux mains sur un appareil qui les empêchait de déplacer volontairement la main gauche, mais la faisait bouger de manière automatique en fonction des mouvements de la main droite. En d’autres termes, le patient entraînait sa main droite de manière volontaire, et la main gauche imitait ses actions avec exactitude, mais d’une manière complètement passive.
« Cette combinaison des deux techniques, la vision de la réalité virtuelle et le mouvement passif de la main gauche, a donné les meilleurs résultats« , explique le Pr Mukamel. « Les performances de la main gauche après un entrainement combiné se sont améliorées de près de 30%, bien que dans la pratique la personne n’ai entrainé physiquement que sa main droite. »
Une activité neuronale dans le lobe pariétal
Dans la troisième phase de l’étude, les chercheurs ont examiné l’activité du cerveau de 18 patients supplémentaires pendant l’exécution de la tâche, en utilisant la technologie d’IRMf (imagerie fonctionnelle par résonance magnétique). Ils ont constaté une activité neuronale claire dans la région du cerveau appelée le lobe pariétal, qui est impliquée dans le traitement de l’information sensorielle et la perception spatiale. En outre, le degré d’activité observé dans les lobes pariétaux sur les deux côtés du cerveau pendant l’exercice était indicatif du degré d’amélioration de l’exécution de la tâche par la main gauche, toujours en l’absence d’entraînement physique actif et volontaire de cette main.
« Nos résultats pourront aider au développement de thérapies innovantes pour les patients atteints de lésion neuronale d’un des deux côtés du corps (hémiparésie), par exemple suite à un accident vasculaire cérébral« , conclut le Pr Mukamel. « Il est possible que les technologies fondées sur cette nouvelle approche permettent dans l’avenir à ces patients d’améliorer les fonctions de leur main atteinte en entrainant leur main saine, exercice plus aisé et plus pratique. Il s’agit d’une méthode d’entrainement indirecte qui utilise la réalité virtuelle pour tromper le cerveau. »
L’étude a pour le moment été réalisée sur des sujets sains. Les chercheurs travaillent actuellement à un projet dans le prolongement de celui-ci portant sur des patients atteints de lésions cérébrales en processus de réadaptation, pour tester si la méthode qui a bien fonctionné chez des sujets en bonne santé, pourra aider ces patients à améliorer le fonctionnement de leur membre affecté en entrainant l’autre.
Publication dans Cell Reports
Auteur, Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD Rédactrice en chef de la newsletter Université de Tel-Aviv/AFAUTA