Ouest France. 185 entrepreneurs bretons partis de Rennes se sont rendus en Israël. La start-up nation leur ouvre grand les bras, se présente comme un eldorado où investir et s’implanter. «Quand on parle d’Israël, c’est souvent pour les guerres et les conflits » explique, Bruno Cressard, vice-président de l’union des entreprises d’Ille-et-Vilaine.
Ces 185 patrons sont partis à découverte de ce jeune pays d’à peine 20 000 km2, qui a fêté ses soixante-dix ans au Printemps dernier. «La plus jeune économie du Proche-Orient a été construite par des défricheurs. Il y a une culture du risque », rappelle Bruno Cressard.
Culture du risque
Une culture du risque, un dynamisme économique qui intrigue et impressionne les entrepreneurs bretons. Avec 8,5 millions d’habitants, Israël compte environ 7 000 start-ups dans les frontières 3 milliards d’euros ont été investis en 2015… contre 10 000 start-up en France (1,8 milliard d’investissement en 2015).
Le pays brille aussi avec 11 licences (Taboola, IronSource, Outbrain …), ces start-ups valorisées à plus d’un milliard de dollars, quand France ne peut pas revendiquer que trois (OVH, BlaBlaCar et vente-privée.com) .
«Notre matière première c’est la matière grise»
«Israël se porte pas mal du tout», explique Dan Catarivas, directeur du service international de l’Association des fabricants d’Israël (Medef israélien). « Moïse ayant décidé de s’implanter dans le seul pays du Moyen-Orient, il n’y a pas de pétrole, il est souriant, notre matière première c’est la matière grise. »
Les espaces de coworking poussent partout. Les centres de recherche, dans lequel Israël investit plus de 4% du PIB, aussi. Les succès de Waze, application de trafic routinier, créé en 2008 et racheté 1,1 milliard de dollars par Google en 2013, ou Mobileye (système anti-collision pour voitures autonomes) rachetée par Intel pour 15 milliards de dollars dollars l’an dernier, tournons la tête du pays, l’âge médian est de 30 ans. «Ici, chacun veut être son patron. Cette idée de petits jeunes qui créent leur entreprise et la revendent à l’étranger, c’est le modèle actuel en Israël », reconnaît le représentant du patronat du pays.
Les jeunes Israéliens se disputent entre eux, en essayant de multiplier ces «Exit» : le nombre de rachat de start-up a explosé de 110% en 2017.
Climat favorable… et obstacles psychologiques
« Il y a un climat d’innovation exceptionnel, avec un support de l’Etat qui participe au risque des entreprises », souligne François Petit, chef du service économique de l’ambassade de France en Israël. « Une culture business très forte, qui va droit au but, ajoute Florent Delavalle, son adjoint, un Nantais. C’est un marché à ne pas négliger. Entre 100 000 et 150 000 Français vivent en Israël. 6 000 PME françaises exportent ici dans le domaine du business traditionnel. »
«On reste beaucoup moins visibles que les Américains, les Allemands, les Japonais…» En cause ? « Les obstacles psychologiques, notamment autour des questions de sécurité, restent forts ».
« Et pourtant, on est bel et bien dans une économie fluide », reconnaît un des participants de la délégation bretonne, Maurice Bourrigaud, directeur général de la Banque populaire dans le Grand Ouest. Lui en est à son troisième séjour en Israël. Il n’oublie pas «une certaine paupérisation en cours» avec une économie à deux vitesses, une économie entre high-tech (8% du PIB) et le reste. Comme les autres patrons bretons, il est cependant agréablement surpris par la vie paisible et très consommatrice qui bruisse à Tel Aviv, avec ses airs de Barcelone, ses bars et restaurants, ses joggeurs en front de plage …
«Israël est aujourd’hui un État très stable, avec un mouvement de balancier à droite, mais pas pire qu’en Pologne ou en Hongrie. Mieux vaut s’interdire de juger ici. Il n’y a pas de situation plus complexe au monde. »
«C’est l’endroit rêvé»
Julia Neustadt, country manager chez Yves Rocher, responsable de la communication avec son enthousiasme aux patrons bretons. L’entreprise bretonne de cosmétiques s’est installée en Israël il y a trois ans. «Il y a une monnaie stable, une population très jeune, avec une grande appétence pour la cosmétique. C’est l’endroit rêvé. »
Même discours très positif de Franck Meloull, ancien conseiller du Premier ministre Dominique de Villepin et aujourd’hui président d’i24News, dont les studios sont installés à Jaffa. Cette chaîne d’information internationale, « née d’un rêve de Patrick Drahi » , le tycoon des médias et des télécoms, affiche une ligne éditoriale « anti-anxiogène » décomplexée et assumée. « On ne veut plus voir le Moyen-Orient comme un problème, mais comme une solution. »
Quitte à se voir taxé de propagande ? « Si on était une chaîne de propagande, on aurait été diffusé d’abord en Israël… or c’est le dernier pays où on a été diffusé (I24News n’a été autorisé que fin mai 2018 par le Parlement israélien à être diffusée sur l’ensemble du territoire israélien, NDLR). »
« Venez, ici, il n’y a pas de limite »
Alors ? « C’est un État qui fonctionne comme une entreprise », se dit Julien Chainay, avocat rennais, associé du cabinet Efficia. Ils sont beaucoup plus agiles. Il n’y a pas de peur de l’échec. Mais l’entrepreneur rennais constate quand même un décalage : « Alors qu’on se demande en France comment produire moins, eux se demandent comment produire plus. »
Les Israéliens multiplient en tout cas les appels du pied aux patrons bretons. Amiram Appelbaum, responsable scientifique au ministère de l’économie et de l’industrie, confie « être très impressionné » par la taille inédite de la délégation. Et ouvre grand les bras : « Venez. Ici, il n’y a pas de limite. »
Source Ouest France
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