Depuis le 18ème siècle, l’incroyable pouvoir régénératif de certains animaux fascine les scientifiques. Entre les hydres, les vers plats aquatiques et les lézards, la possibilité qu’ont ces espèces à renouveler certains de leurs membres et fonctions disparus présente un intérêt incroyable pour la recherche dans le domaine de la régénération de tissus. Des chercheurs de l’université de Tel-Aviv s’intéressent à Polycarpa mytiligera, un organisme marin qui possède cette capacité de régénération.
La microphagie suspensivore
Les organismes microphages suspensivores se nourrissent en extrayant des particules nutritives en suspension dans le milieu aquatique. Les ascidies tropicales (une classe d’animaux marins du sous-embranchement des tuniciers, eux mêmes sous embranchement des chordés) pratiquent ce système de microphagie. Parmi ces ascidies, Polycarpa mytiligera, un organisme des barrières de corail du golf d’Aqaba (adjacent à la mer rouge) pratiquant la microphagie suspensivore, a fait l’objet d’une nouvelle étude réalisée à l’université de Tel Aviv.
* voir légende plus bas
La Dr Noa Shenkar et son étudiante Tal Gordon ont relevé la capacité de cet organisme à éviscérer et régénérer son système digestif en 12 jours, ainsi que son organe de filtration et ses sacs branchiaux en 19 jours. Les chercheuses ont observé un phénomène semblable à la mort de l’organisme après son éviscération au cours duquel il se rétrécit et se maintient camouflé en se contractant. L’éviscération a lieu grâce à la rupture avec les sacs branchiaux qui permet d’éjecter l’appareil digestif ; la contraction est due à un système de pression mécanique et l’organisme se fait passer pour mort. Pourtant, s’en suit un phénomène de rajeunissement de l’organisme qui lui permet de regagner sa composition initiale, comme s’il « renaissait ».
Les polycarpa font partis des espèces d’ascidies les plus abondantes du monde et particulièrement du golf d’Aqaba. Les chercheurs ont donc observé ces polycarpa et le rejet de leur système digestif au cours de nombreuses expéditions marines en marquant chaque individu et en filmant le processus. C‘est de cette façon qu’ils ont pu découvrir la manière selon laquelle se produit l’éviscération (de quel coté de l’organisme), la survie de l’organisme après son éviscération et la reconstruction de ses organes.
Une étude à double intérêt
Cette étude publiée en 2015 dans le journal « scientifique report » présente un intérêt tout d’abord pour l’approfondissement de nos connaissances et de notre compréhension de l’éviscération des ascidies (qui sont des vertébrés, tout comme les humains).
Mais cette étude présente aussi une nouvelle direction pour l’avancée dans la recherche de régénération de tissus-mous, et de l’appareil digestif sous des aspects moléculaires, cellulaires et développementaux. Les ascidies et les humains ont de nombreux points communs et font tout deux partie de la famille des chordés. De ce fait, comprendre les ascidies nous rapproche de la compréhension des humains.
Publication dans Nature
Source BVST Israël
* (a) Evisceration in the field, arrow pointing to the gut expelled through the oral siphon (OS). CS- cloacal siphon. Scale bar 1 cm. (b) Eviscerated gut, including the stomach (St), intestine (Int), endocarp (Ec, a projection of the body wall into the atrial cavity), and part of the rectum (Re). Scale bar 1 mm. Photo: G. Koplovitz, T. Gordon.