Alors que le scandale de la Dépakine* éclate, ce médicament antiépileptique commercialisé par le laboratoire Sanofi signalé comme étant l’origine de nombreux problèmes de développement du foetus chez les femmes enceintes, Esther Amar, fondatrice et directrice Israël Science Info rappelle « qu’en octobre dernier, les Universités de Bonn et de Jérusalem ont publié une étude qui pourrait faire grandement avancer la mise au point de traitements de cette maladie qui compte près de 500 000 patients en France et 100 nouveaux cas par jour« .
santeblog. Environ un patient sur 3 atteint d’épilepsie temporale, la forme d’épilepsie la plus fréquente chez l’adulte, ne répond pas aux médicaments. En découvrant un interrupteur de l’épilepsie, ces chercheurs de l’Université de Bonn identifient une cible très prometteuse pour réduire la fréquence et la sévérité des crises. Les conclusions, présentées dans la revue Nature Communications ouvrent des options thérapeutiques pour les patients atteints de formes réfractaires de la maladie.
Contrairement à l’idée généralement reçue, l’épilepsie n’est pas une affection neurologique rare. Environ une personne sur 20 connaîtra, au cours de sa vie, une crise d’épilepsie, plus ou moins sévère. Durant cette crise, les cellules nerveuses vont » s’enflammer » à une fréquence très rapide provoquant comme un court-circuit dans le cerveau et des convulsions dans le corps. Ces décharges synchrones dans le cerveau sont plus fréquentes dans le lobe temporal.
Les scientifiques de l’Université de Bonn et de l’Université hébraïque de Jérusalem (Israël) décodent, avec ces travaux, la cascade de signaux associée à la crise. Ils identifient un interrupteur dont le blocage, chez des souris modèles d’épilepsie, entraine une réduction significative de la fréquence et de la sévérité des crises. Ils utilisent également une nouvelle technologie qui leur permet d’observer la cascade moléculaire qui précède la survenue d’une crise.
Inhiber un interrupteur génétique des crises
L’hypothèse de départ est qu’avant une crise d’épilepsie, la concentration en ions de zinc libres augmente dans l’hippocampe, une zone située dans le lobe temporal. L’équipe identifie une voie de signalisation impliquée dans l’apparition du trouble épileptique. Alors que le nombre d’ions de zinc augmente avant la crise (ou après une lésion cérébrale transitoire), ces ions se regroupent en grand nombre sur un interrupteur, MTF1 (pour metal-regulatory transcription factor 1). Cet attroupement induit une forte augmentation de la quantité de canaux d’ions dans les cellules nerveuses et finalement augmente le risque de crises d’épilepsie. En inhibant » génétiquement » l’interrupteur MTF1 chez des souris modèles d’épilepsie, les chercheurs constatent que les crises se font plus rares et moins sévères. En conclusion, il s’agit de parvenir à inhiber les ions zinc ou le facteur de transcription MTF1 pour empêcher ou réduire les crises.
Pouvoir aussi prévoir la crise chez l’Homme
Ces travaux ont aussi été l’opportunité de développer une nouvelle méthode d’observation à l’échelle moléculaire. Ici, les chercheurs ont introduit, grâce à un virus, une fluorescence des molécules en cas de production active de canaux d’ions calcium. Les faisceaux de lumière émanant de ces molécules fluorescentes (voir visuel ci-contre) peuvent être mesurés à partir du sommet des crânes des souris. En bref, la fluorescence indique que la souris prépare une crise d’épilepsie. Une technique qui pourrait donc, être très utile, aussi, chez l’Homme.
Source : Nature Communications oct, 2015
Article mis en ligne sur santeblog par P. Bernanose, D. de publication
* C’est le Canard Enchaîné qui a dévoilé l’affaire : la Dépakine, médicament antiépileptique commercialisé par le laboratoire Sanofi, a été prescrite à plus de 10000 femmes enceintes entre 2007 et 2014, alors même que celle-ci avait été signalée comme étant l’origine de nombreux problèmes de développement. Une situation alarmante puisque 30 à 40% des enfants exposés in utero seraient l’objet de troubles du développement, et de malformations pour 11% d’entre eux. Libération en parlait en juillet.