Des chercheurs de l’Institut Weizmann, en collaboration avec des collègues de l’université de Pennsylvanie, ont montré que parfois, une unique cellule du muscle cardiaque peut battre comme plus de deux dizaines de cœurs. Ces résultats donnent un aperçu très détaillé du mécanisme qui se trouve derrière les contractions, régulières ou irrégulières, des cellules du muscle cardiaque. Cette recherche pourrait aider à déterminer les limites des thérapies existantes pour les battements de cœur anormaux, et suggérer à l’avenir des moyens de mettre au point de nouvelles thérapies.
Chaque cellule du muscle cardiaque se compose de nombreux filaments parallèles comprenant des sous-unités répétées. Quand le cœur bat, chaque filament se contracte individuellement pour produire les contractions des cellules musculaires. Dans des conditions optimales, tous les filaments devraient se contracter de manière synchronisée, assurant ainsi la plus grande amplitude de contraction possible pour chaque cellule musculaire, et en fin de compte des battements du cœur entier les plus forts et les plus efficaces. Cependant, un nouveau modèle théorique proposé et analysé par le Pr Samuel Safran et le Dr (post doctorant) Kinjal Dasbiswas, au département des Matériaux et interfaces de l’Institut Weizmann, suggère que les filaments se contractent ensemble seulement lorsque leurs sous-unités, et les bordures des sous-unités, sont alignées les unes avec les autres. Du fait qu’en général ces alignements ne se produisent qu’entre un nombre limité de filaments voisins, ceux-ci se contractent en faisceaux, mais chacun de ces faisceaux se contracte en décalage avec les autres.
Par conséquent, une cellule cardiaque ne suit pas nécessairement le rythme d’une entité uniforme, et au contraire, le nombre des différentes entités qui battent chacune séparément dans la cellule dépend du nombre de faisceaux, lequel peut dépasser deux dizaines. Cette théorie, qui utilise les méthodes de la physique statistique, a ensuite prédit que l’alignement des filaments dans la cellule du muscle cardiaque dépend de l’environnement physique dans lequel se trouve la cellule, et plus spécifiquement de l’élasticité d’une structure de soutien, la matrice extracellulaire. L’alignement est meilleur lorsque cette structure n’est ni trop molle ni trop rigide.
La prédiction a pris en considération différentes forces agissant à petite échelle, en particulier les forces mécaniques exercées sur chaque sous-unité de filament par les filaments voisins, qui sont transmises par la matrice extracellulaire. Prenant en considération que seuls des filaments structurellement alignés battent ensemble, les théoriciens de l’Institut Weizmann ont réussi à expliquer de manière quantitative les découvertes expérimentales faites par leurs collaborateurs de l’université de Pennsylvanie, le professeur Dennis Discher et la docteure Stephanie Majkut. Au cours de ces expériences, les scientifiques ont placé des cellules cardiaques embryonnaires de poussins sur des supports plus ou moins rigides, et ils ont trouvé que deux propriétés très différentes – l’alignement structural des filaments et l’intensité du battement de la cellule – dépendent de la rigidité du support.
En fournissant une base théorique à ces expériences, le modèle de l’Institut Weizmann, pourrait aider à expliquer comment les filaments s’alignent dans les cellules musculaires cardiaques durant le développement embryonnaire, et comment leur arrangement influence le fonctionnement du muscle dans le cœur adulte. Cette corrélation suggère que les moyens actuels utilisés pour le traitement des battements cardiaques irréguliers pourraient dans une certaine mesure être limités par l’ordre structurel des filaments cardiaques musculaires. Mais à l’avenir, les nouvelles découvertes pourraient permettre de mettre au point des traitements améliorés des maladies cardiaques.
Par exemple, si un jour de nouvelles cellules cardiaques pourront être cultivées pour remplacer les cellules malades, leur environnement de croissance pourrait être manipulé de façon à organiser leur structure dans le‘bon ordre’ et, pour paraphraser Keats, tous les filaments pourraient battre comme un seul.
Publication dans Nature Communications, janvier 2015
La recherche du professeur Samuel Safran est financée par le Gerhardt M.J. Schmidt Minerva Center on Supramolecular Architectures, qu’il dirige ; US-Israel Binational Science Foundation ; Israel Science Foundation ; Antonio and Noga Villalon, Winnetka (Etats-Unis) ; Clore Center for Biological Physics ; Kimmelman Center for Structural Biology ; et Kimmel Stem Cell Research Institute. Le professeur Safran est titulaire de la Fern and Manfred Steinfeld Professorial Chair. La recherche du docteur Kinjal Dasbiswas est financée par une bourse de recherche du Council of Higher Education.