La découverte du boson de Higgs a eu lieu en 2012 dans le grand collisionneur de hadrons du CERN, une installation souterraine où des particules subatomiques sont propulsées à la vitesse proche de celle de la lumière dans un anneau de 27 km de long pour reproduire les conditions de la création de l’univers. Il y a plus de 50 ans, la première hypothèse sur l’existence du boson de Higgs avait été inspirée par l’étude sur les supraconducteurs, une catégorie particulière de métaux qui, une fois refroidis à des températures très basses, permettent aux électrons de se déplacer sans résistance.
Une équipe de chercheurs dirigée par des physiciens israéliens de l’université Bar-Ilan et allemands vient de montrer, pour la première fois, la présence d’un boson de Higgs dans des matériaux supraconducteurs.
Contrairement à la très dispendieuse installation du CERN (4,75 milliards de dollars) ces résultats ont été atteints dans un laboratoire « normal » à un coût relativement faible. Grâce à cette nouvelle approche, il pourrait bientôt être possible de résoudre des mystères de longue date de la physique fondamentale, à travers des expériences menées non pas dans un accélérateur coûtant des milliards de dollars, mais sur une simple table de laboratoire.
La découverte du boson de Higgs avait validé l’hypothèse du Modèle Standard, qui prédit que les particules acquièrent une masse en traversant le champ de Higgs qui ralentit leur mouvement à travers le vide de l’espace. «Tout comme les expériences du CERN ont révélé l’existence du boson de Higgs dans un accélérateur à haute énergie, nous avons révélé un analogue du boson de Higgs dans des supraconducteurs », explique le Pr Aviad Frydman, du département de physique de l’Université Bar-Ilan, qui a dirigé l’étude avec le Pr Martin Dressel, de l’Université de Stuttgart, dans le cadre d’une collaboration internationale incluant d’autres chercheurs d’Israël, d’Inde et des États-Unis. Le doctorant Daniel Sherman, membre du laboratoire d’Aviad Frydman, a mené une grande partie de l’étude et figure en tant que premier auteur dans la publication.
Aviad Frydman explique : « le boson de Higgs n’avait jamais été observé dans les supraconducteurs à cause de difficultés techniques, difficultés que nous avons réussi à surmonter. »
Aviad Frydman et ses collègues ont ainsi trouvé une nouvelle méthode pour conduire les expériences sur les bosons de Higgs. « Nous avons utilisé les propriétés supraconductrices de films ultra-minces très désordonnés de Niobium nitrite (NbN) et d’Oxyde d’indium (InO), près du point critique quantique qui sépare l’isolant du supraconducteur. Cela a permis de créer les conditions pour produire un boson de Higgs à des énergies relativement basses».
Selon Aviad Frydman, cette observation est importante car elle révèle comment ce type de processus se comporte dans des conditions d’énergie radicalement différentes. «Exciter un boson de Higgs dans un accélérateur de particules nécessite des niveaux d’énergie énormes, mesurés en gigaélectronvolts, ou 109 eV » explique le Pr Frydman. « Le même phénomène se produit dans les supraconducteurs à une échelle d’énergie totalement différente, juste un millième d’un seul électron. C’est fascinant de voir comment, dans des systèmes très différents, la même physique fondamentale est à l’œuvre.»
En outre, la nature robuste du boson de Higgs récemment observé dans un supraconducteur pourrait faciliter la recherche de la controversée « particule de Dieu », le « chaînon manquant » insaisissable du Modèle Standard.
Le Pr Aviad Frydman, membre du Département de physique de l’Université Bar-Ilan, professeur à l’Institut BINA (Nanotechnologie et Matériaux Avancés), est un expert en physique mésoscopique, discipline qui étudie les problèmes de physique fondamentale quand un objet macroscopique est miniaturisé. Le Pr Frydman étudie le magnétisme de basse dimension et la supraconductivité, des sujets de grand intérêt pour les chercheurs, car ils sont à la clé du potentiel des nanotechnologies pour fabriquer des dispositifs électroniques super miniaturisés.
Publication dans Nature Physics, janvier 2015