Une équipe de recherche dirigée par le Professeur Ron Lifshitz de l’Ecole de physique et astronomie de l’Université de Tel-Aviv, en collaboration avec le Professeur Michael Engel de l’Université du Michigan, a développé une nouvelle méthode permettant de programmer et de contrôler la formation de « cristaux mous » (soft particles) présentant des structures variées et des niveaux de symétrie différents. Le procédé pourra dans l’avenir conduire au développement de matériaux innovants, y compris des produits aux propriétés optiques de pointe.
En 1982, le Pr israélien Dan Shechtman découvrit un phénomène jusque-là considéré comme scientifiquement impossible : celui des cristaux dits « non périodiques », ou quasi-cristaux, dont les atomes ne se répètent pas nécessairement de manière identique. Jusqu’alors, les scientifiques pensaient que les atomes qui composent les cristaux étaient toujours disposés périodiquement, comme les carrés d’un échiquier ou les alvéoles hexagonales d’un rayon de miel. La découverte révolutionnaire du professeur Shechtman lui a valu le prix Nobel de chimie 30 ans plus tard.
Des cristaux sur commande
La plupart des cristaux de ce type sont des alliages métalliques solides. Récemment, les chercheurs ont découvert des quasi-cristaux en matériaux souples composés de très grosses molécules flexibles, dont la taille et la forme peuvent être modifiées avec une relative facilité. « Les matériaux sur lesquels nous travaillons sont constitués de grosses molécules flexibles, ayant l’aspect de boules d’éponge avec de longs cheveux », explique le Pr Lifshitz. « Nous nous sommes demandé si en planifiant la taille de la « boule » et la longueur des ‘cheveux’, nous pourrions faire en sorte que les molécules lors de leur formation s’organisent de manière telle que nous obtenions le cristal que nous souhaitons ».
Dans ce but, les chercheurs, dont le Pr Haïm Diamant et le doctorant Kobi Barkan de l’Ecole chimie de l’Université, ont modélisé le processus de cristallisation de ces matériaux mous, et ont fini par décoder le secret de la stabilité des cristaux créés, qu’ils soient périodiques ou non. Utilisant ce modèle mathématique, ils ont conçu des molécules de formes différentes et laissé l’ordinateur exécuter des simulations du processus de cristallisation afin de voir quel cristal serait obtenu. « Nous avons été ravis de constater que nous obtenions systématiquement le cristal que nous souhaitions » a déclaré Kobi Barkan. «Nous savons donc comment concevoir des cristaux périodiques avec une symétrie multiple de quatre et de six, et des quasi cristaux admettant une symétrie de dix à de douze ».
Produire des méta-matériaux
Les chercheurs prévoient qu’il sera possible dans l’avenir d’utiliser leur méthode pour produire des cristaux mous avec des fonctionnalités innovantes, véritablement « faits sur commande ». « Les cristaux en matériaux souples, constitués de grosses molécules, sont particulièrement adaptés pour la production de méta-matériaux, fabriqués industriellement et possédant des propriétés spécifiques n’existant pas dans la nature sous cette forme», conclut le professeur Lifshitz. « En raison de la taille des molécules, correspondant à la longueur d’onde de la lumière visible, il sera potentiellement possible de développer des matériaux ayant des propriétés optiques de pointe, qui sont actuellement produits artificiellement par des moyens nanotechnologiques avancés et coûteux. Nos cristaux se reproduisent d’eux-mêmes, mais c’est comme si nous guidions l’organisation de leurs molécules ».
Publication dans la revue Physical Review Letters Controlled Self-Assembly of Periodic and Aperiodic Cluster Crystals
Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédactrice de recherche, Université de Tel-Aviv/AFAUTA