Israël-France : Bar-Ilan et le CNRS créent un nano-trampoline pour sonder le comportement quantique thermique
[:fr]Des chercheurs de l’Université Bar-Ilan en Israël et du CNRS Grenoble (Institut Néel, France) ont développé une expérience unique pour détecter les événements quantiques thermiques dans les films supraconducteurs ultra-minces. Cette nouvelle recherche, qui sera publiée dans la revue Nature Communications, améliore la compréhension des phénomènes de base qui se produisent dans les nano-systèmes proches de la température du zéro absolu.Une transition de phase est un terme général pour désigner des phénomènes physiques dans lesquels un système transite d’un état à un autre suite à un changement de température. On peut trouver de nombreux exemples dans le quotidien comme la transition de la glace en eau (solide vers le liquide) à zéro degré centigrade, ou de l’eau en vapeur (liquide au gaz) à 100 degrés.
La température à laquelle la transition a lieu est appelée point critique. Près de ce point se produisent des phénomènes physiques intéressants. Par exemple, lorsque l’eau est chauffée, de petites régions gazeuses se forment et l’eau est dite en ébullition. Lorsque la température du liquide est élevée vers le point critique, la taille des bulles de gaz augmente. Quand la taille de la bulle devient comparable à la longueur d’onde de la lumière, la lumière est dispersée et fait apparaître le liquide transparent comme «laiteux» – phénomène connu sous le nom d’opalescence critique.
Au cours des dernières années, la communauté scientifique a montré un intérêt croissant pour les transitions de phase quantiques dans lesquelles un système transite entre deux états de symétrie différente à la température du zéro absolu (-273 degrés) suite à la variation d’un paramètre physique tel que le champ magnétique, la pression ou la composition chimique à la place de la température. Dans ces transitions, le changement n’est pas dû à l’énergie thermique fournie au système par le chauffage, mais plutôt à des fluctuations quantiques. Bien que le zéro absolu ne soit pas physiquement réalisable, les caractéristiques de la transition peuvent être détectées dans le comportement à très basse température du système près du point critique quantique. Ces caractéristiques comprennent les «bulles quantiques» d’une phase dans l’autre. La taille et la durée de vie de ces bulles quantiques augmentent lorsque le système est amené vers le point critique, donnant lieu à un équivalent quantique de l’opalescence critique.
La prévision théorique de cette « criticité » quantique a été fournie il y a quelques décennies, mais la mesurer expérimentalement est resté jusque-là impossible. Aviad Frydman du département de physique de Bar-Ilan et son étudiant Shachaf Poran, ainsi que Olivier Bourgeois de l’Institut Néel de Grenoble, ont fourni pour la première fois une réponse « thermique » à ces questions. Dans les transitions de phase normales, il existe une quantité mesurable unique qui est utilisée pour détecter un point critique. C’est la chaleur spécifique qui mesure la quantité d’énergie thermique qui doit être fournie à un système pour augmenter sa température d’un degré. L’augmentation de la température d’un système de deux degrés nécessite deux fois l’énergie nécessaire pour l’augmenter d’un degré. Cependant, à proximité d’une transition de phase, cela n’est plus le cas. Une grande partie de l’énergie est investie dans la création des bulles (ou des fluctuations) et, par conséquent, plus d’énergie doit être investi pour générer un changement de température similaire. En conséquence, la chaleur spécifique augmente près du point critique et sa mesure fournit des informations sur les fluctuations.
Mesurer la chaleur spécifique d’un système proche d’un point critique quantique pose un défi expérimental très important. Premièrement, les mesures doivent être effectuées à basse température, et deuxièmement, les systèmes étudiés sont des couches ultra-minces qui nécessitent des mesures extrêmement sensibles. Les groupes de Frydman et de Bourgeois ont surmonté ces obstacles en développant un design expérimental unique basé sur une fine membrane suspendue dans le vide par des ponts très étroits, formant ainsi un «nano-trampoline» thermique. Cette configuration a permis des mesures de chaleur spécifique des couches minces proche d’une transition de phase quantique d’un état supraconducteur à un état électriquement isolant proche de la température du zéro absolu.
La mesure effectuée par les groupes Frydman et Bourgeois est la première du genre. Les résultats démontrent que, tout comme dans le cas d’une transition de phase thermique, la chaleur spécifique augmente de façon similaire au voisinage d’un point critique quantique et peut être utilisée comme sonde de criticité quantique. Ce travail devrait être une étape importante dans la compréhension des processus physiques qui régissent le comportement des systèmes ultra-minces aux très basses températures.
La recherche a été soutenue par le Laboratoire d’Excellence LANEF à Grenoble (ANR-10-LABX-51-01) au travers de la chaire d’Aviad Frydman accueillie dans le groupe d’O. Bourgeois à l’Institut Néel CNRS.[:en]A research group from Bar-Ilan University, in collaboration with French colleagues at CNRS Grenoble, has developed a unique experiment to detect quantum events in ultra-thin films. This novel research, to be published in the scientific journal Nature Communications, enhances the understanding of basic phenomena that occur in nano-sized systems close to absolute zero temperature.
Transitions, Phases and Critical Points
A phase transition is a general term for physical phenomena wherein a system transits from one state to another as a result of changing the temperature. Everyday examples are the transition from ice to water (solid to liquid) at zero degrees centigrade, and from water to vapor (liquid to gas) at 100 degrees.
The temperature at which transition takes place is called the critical point. Near this point interesting physical phenomena occur. For example, as water is heated, small gas regions start forming and the water bubbles. As the temperature of the liquid is raised towards the critical point the size of the gas bubbles grows. As the size of the bubble becomes comparable to the wavelength of light, the light is scattered and causes the normally transparent liquid to appear « milky » – a phenomenon known as critical opalescence.
In recent years the scientific community has shown growing interest in quantum phase transitions in which a system transits between two states at absolute zero temperature (-273 degrees) as a result of manipulating a physical parameter such as magnetic field, pressure or chemical composition instead of temperature. In these transitions the change occurs not due the thermal energy provided to the system by heating but rather by quantum fluctuations. Although absolute zero is not physically attainable, characteristics of the transition can be detected in the system’s very low-temperature behavior near the quantum critical point. Such characteristics include « quantum bubbles » of one phase in the other. The size and lifetime of these quantum bubbles increase as the system is tuned towards the critical point, giving rise to a quantum equivalent of critical opalescence.
The theoretical prediction of such quantum criticality was provided a few decades ago, but how to measure this experimentally has remained a mystery. Prof. Aviad Frydman of Bar-Ilan University’s Department of Physics and Institute of Nanotechnology and Advanced Materials, and his student Shachar Poran, together with Dr. Olivier Bourgeois of CNRS Grenoble, have for the first time provided the answer.
Creating a Nano-trampoline
In normal phase transitions there is a unique measurable quantity which is used to detect a critical point. This is the specific heat which measures the amount of heat energy that should be supplied to a system in order to raise its temperature by one degree. Increasing the temperature of a system by two degrees requires twice the energy that is needed for increasing it by one degree. However, close to a phase transition this is no longer the case. Much of the energy is invested in creating the bubbles (or fluctuations) and, therefore, more energy must be invested to generate a similar change in temperature. As a result, the specific heat rises near the critical point and its measurement provides information on the fluctuations.
Measuring specific heat of a system close to a quantum critical point poses a much greater challenge. Firstly, the measurements must be carried out at low temperatures. Secondly, the systems under study are nano-thin layers which require extremely sensitive measurements. Frydman’s group overcame these obstacles by developing a unique experimental design based on a thin membrane suspended in air by very narrow bridges, thereby forming a « nano-trampoline ». This setup enabled specific heat measurements of the thin films through a quantum phase transition from a superconducting state to an electrically insulating state close to absolute zero temperature.
The measurement performed by Frydman’s group is the first of its kind. The results demonstrate that just as in the case of a thermal phase transition, the specific heat similarly increases in the vicinity of a quantum critical point, and can be used as a probe for quantum criticality. This work is expected to be a milestone in the understanding of physical processes that govern the behavior of ultrathin systems at ultralow temperatures.
Prof. Frydman will be presenting this research at a number of international conferences in the coming weeks. The research was supported by the Laboratoire d’Excellence LANEF in Grenoble (ANR-10-LABX-51-01) for Prof. Frydman.
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