Matière noire : Weizmann (Israël) collabore à XENON1T, plus gros détecteur au monde, inauguré au Gran Sasso (Italie)
[:fr]Il y a cinq fois plus de matière noire dans l’univers que de matière normale, celle qui constitue les atomes et les particules. Bien que la matière noire soit présente en grande quantité, on ignore sa véritable nature. Le scientifique Ranny Budnik de l’Institut Weizmann des Sciences (Israël), participe au projet XENON1T qui constitue l’un des projets pour la recherche de matière noire. XENON1T fait appel à la même technique de détection que celle utilisée par XENON100. Il est le plus gros détecteur au xénon liquide construit à ce jour, avec une sensibilité sur les sections efficaces d’interactions WIMPs-nucléons d’environ deux ordres de grandeurs supérieurs à celle des détecteurs actuels. Il a été conçu pour trouver la matière noire avec une sensibilité jamais atteinte. Ranny Budnik explique : « Ma principale activité en ce moment est le projet de détection directe XENON Dark Matter, situé au Laboratori nationalisation del Gran Sasso (GNL) dans le centre de l’Italie. Weizmann est impliqué dans de nombreux aspects de ce projet, et contribue de manière significative à la construction du détecteur XENON1T« . 120 scientifiques participent au projet XENON de 24 nationalités (France, Allemagne, USA, Portugal, Israël, Pays-Bas, Suisse, Italie, Suède, Emirats Arabes Unis…) , et 21 instituts de recherche dans le monde.
Inauguration de XENON1T au Laboratoire National du Gran Sasso (LNGS)2
Aujourd’hui, une collaboration internationale de scientifiques impliquant notamment le Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées (Subatech, CNRS/Ecole des Mines de Nantes/Université de Nantes)1 a inauguré, au laboratoire souterrain du Gran Sasso en Italie, le nouvel instrument XENON1T. Ce dernier a été conçu pour chercher la matière noire avec une sensibilité jamais atteinte. La matière noire est un des ingrédients de base de l’Univers et, depuis plusieurs décennies, des recherches sont menées dans des expériences au sein de laboratoires souterrains pour tenter de l’observer directement. Cependant, jusqu’à ce jour, la matière noire n’a pu être observée qu’indirectement, via ses interactions gravitationnelles avec la matière ordinaire qui régissent l’évolution du cosmos aux grandes échelles de distance. Du point de vue de l’infiniment petit, on imagine que la matière noire est une nouvelle particule élémentaire, stable, qui échappe encore aux expériences. « Nous nous attendons à ce qu’environ 100 000 particules de matière noire passent chaque seconde à travers une surface équivalente à l’ongle du pouce », dit Dominique Thers, chercheur de l’Ecole des Mines de Nantes au laboratoire Subatech. « Le fait que nous ne les ayons pas encore détectées montre que leur chance d’interagir avec les atomes de notre détecteur est extrêmement faible et que nous avons besoin d’instruments encore plus sensibles pour les trouver ».
La cérémonie d’inauguration du nouvel instrument XENON1T a eu lieu au Laboratoire National du Gran Sasso (LNGS)2, un des plus grands laboratoires souterrains du monde. « Nous devons installer notre expérience profondément sous terre en utilisant la roche de la montagne pour la protéger des rayons cosmiques » dit Dominique Thers, qui a participé à l’inauguration avec les représentants des agences et organismes financeurs du projet, des journalistes, des entreprises et de nombreux collègues. Environ quatre-vingts visiteurs ont assisté à la cérémonie sur le site expérimental situé dans une caverne qui mesure 100 m de long, 20 m de large et 18 m de haut. Le nouvel instrument XENON1T y est installé à l’intérieur d’un château d’eau de 10 m de diamètre afin de le protéger de la radioactivité naturelle de l’environnement. D’autres participants ont suivi les présentations d’introduction données, en surface, dans un amphithéâtre du LNGS où Elena Aprile, professeur à l’Université Columbia (New York) et fondatrice du projet XENON, a illustré l’évolution des objectifs scientifiques de la collaboration depuis ses premiers pas avec un détecteur comprenant 3 kg de xénon il y a 15 ans, jusqu’à l’instrument d’aujourd’hui XENON1T qui rassemble une masse totale de 3500 kg de xénon.
Combattre la radioactivité
XENON1T utilise un gaz noble, du xénon ultra-‐pur liquéfié à -‐95° C, comme cible de détection de la matière noire. « Pour avoir une chance d’observer les interactions rares d’une particule de matière noire dans votre détecteur, vous devez construire un instrument avec une grande masse et un environnement radioactif extrêmement bas », rapporte Dominique Thers. « Autrement vous n’aurez aucune chance de trouver quelque chose à cause des signaux dus au bruit de fond ». C’est pourquoi les scientifiques de XENON ont soigneusement choisi la matière utilisée pour la construction du détecteur, s’assurant en particulier que sa contamination intrinsèque avec des isotopes radioactifs satisfasse aux exigences de l’expérience. Le chercheur explique : « On doit bien se rendre compte que les objets sans aucune radioactivité n’existent pas. Des traces infimes d’impuretés radioactives sont présentes partout dans les choses les plus simples comme les blocs de métaux, les murs des laboratoires ou encore le corps humain. Nous essayons de réduire et de contrôler ces polluants radioactifs autant que possible ».
Les scientifiques de XENON mesurent des flashs minuscules de lumière ainsi que de très faibles courants afin de reconstruire la position de l’interaction des particules de matière noire ou ordinaires dans le détecteur et l’énergie qui y est déposée. La lumière générée est observée par 248 photo-‐détecteurs ultra sensibles, à même de détecter un unique photon. Un cryostat à double paroi isolé par du vide -‐ une espèce de gigantesque bouteille thermos -‐ contient le xénon liquide cryogénique. Le xénon gazeux est refroidi et purifié dans le bâtiment de trois étages voisin du château d’eau hébergeant l’infrastructure de XENON1T. Avec sa façade transparente, le bâtiment au caractère futuriste permet aux visiteurs de voir les scientifiques à l’œuvre à l’intérieur. Une sphère gigantesque en acier inoxydable équipée de tubes et de valves est installée au rez-‐de-‐chaussée. « Elle peut contenir jusqu’à 7,6 tonnes de xénon à l’état liquide ou gazeux » précise Dominique Thers. « C’est plus de deux fois la capacité dont nous avons besoin pour XENON1T. Cela nous permettra d’augmenter rapidement la sensibilité de l’expérience en proposant un détecteur plus massif dans un avenir proche ».
La matière noire en ligne de mire
Lorsqu’elle sera entièrement opérationnelle, XENON1T sera l’expérience de matière noire la plus sensible au monde. « L’inauguration intervient au bon moment », dit Dominique Thers dont le groupe au laboratoire Subatech de Nantes est responsable du fonctionnement de la sphère stockant le xénon. « L’expérience vient d’être achevée il y a quelques jours et nous avons déjà commencé à évaluer comment elle fonctionne. » Les premiers résultats arriveront début 2016 ; une semaine d’observation sera suffisante pour prendre la tête des expériences engagées dans le domaine. L’expérience atteindra ses objectifs après deux ans de prise de données, comme l’explique la collaboration dans une étude détaillée, publiée le jour de l’inauguration. « Bien sûr, nous voulons détecter les particules de matière noire », dit Dominique Thers, « mais dans le cas où nous ne trouverions, après deux ans, que les prémisses d’un signal, nous serions dans une excellente position pour le valider à l’aide de la prochaine étape du projet, XENONnT. » XENONnT utilisera en grande partie les infrastructures déjà existantes, améliorant la sensibilité à la matière noire par un autre ordre de grandeur.[:en]
Ranny Budnik, Weizmann Institute of Sciences, is involved in the international team of XENON1T Project. Ranny Budnik: « My main activity at this time is the XENON Dark Matter direct detection project, located at Laboratori Nationali del Gran Sasso (LNGS) in central Italy. The Weizmann group is involved in many aspects of this project, and contributing significantly to the construction of the next phase detector XENON1T. I am also interested in other subjects related to astro-particle physics, which are looking for future prospects of detecting new and interesting physics. These include basic physics of xenon detectors, new detectors for nuclear recoils with extremely low energy threshold, and future detectors for Cosmic Rays. All these activities are based on-campus. »
There is five times more dark matter in the Universe than so-called normal matter — the atoms and molecules that we know. Yet we still don’t know what makes up this dark component. Yesterday, an international collaboration of scientists inaugurated the new XENON1T experiment, which has been designed to search for dark matter with unprecedented sensitivity, in the Gran Sasso Underground Laboratory in Italy.
The Weizmann Institute’s Dr. Ran Budnik, head of the Weizmann Institute team that is participating in the experiment, explains: “Until now, evidence for dark matter – the matter thought to make up most of the Universe – has only been obtained indirectly, via inconsistencies in the gravitational interactions governing the dynamics of the cosmos.” The main candidate for dark matter is a stable elementary particle. This particle has escaped detection so far, although the researchers have a good idea of how it might look. “We expect that about 100,000 dark matter particles are passing each second through an area the size of a thumbnail,” says Budnik. “The fact that we have not detected them yet tells us that the likelihood of them interacting with the atoms of our detector is very small, and that we need extremely sensitive instruments in order to find the rare signature of such a particle.“ Budnik is a member of the international XENON Collaboration, which consists of 20 research groups from Israel, the US, Germany, Italy, Switzerland, Portugal, France, the Netherlands, Sweden and Abu Dhabi. XENON1T was inaugurated yesterday.
The event took place at the Laboratory Nazionali del Gran Sasso (LNGS), one of the largest underground laboratories in the world. “We need to put our experiment deep underground, using about 1,400m of solid rock to shield it from cosmic rays“, says Budnik. About 80 visitors were able to be physically present at the ceremony in the experimental site – the 110m long, 15m wide, 15m high Hall B of the LNGS laboratory. They shared this space with the XENON1T instrument, which is installed inside a 10m-diameter water shield that protects it from radioactive background signals. More guests followed the presentations in the LNGS auditorium, where Prof. Elena Aprile of Columbia University, New York, founder of the XENON project, illustrated the evolution of the XENON program from its early beginnings – a 3kg detector installed 15 years ago – to the present-day instrument XENON1T with a total mass of 3,500kg.
Reducing radiation
XENON1T employs the ultra-pure noble gas xenon in its liquid state, at –95°C. “If we are to have any chance of seeing rare interactions of a dark matter particle, we need an instrument with a large mass and an extremely low radioactive background,” says Budnik. “Objects without any radioactivity do not exist. But we try to reduce and control for these radioactive contaminants as much as possible.”
Within the new Xenon setup are 248 photosensors, so sensitive they are able to detect the flash of light from a single photon. This setup – liquid xenon and detectors, are contained in a sort of double -walled vacuum flask. The xenon gas is purified, cooled and piped in a three-story facility that is glass-walled for visitors. A sphere that can accommodate 7.6 tons of liquid xenon sits on the ground floor. “This is more than two times the capacity we need for XENON1T, as we plan to increase the sensitivity of the experiment in the near future,” says Budnik.
Aiming for a dark matter detection
Budnik, whose group is responsible for the control system, the active water shield around the detector and the external calibration system for the new experiment: “The detector has been completed just a few days ago and we have already started to evaluate how it performs. The first results are expected for early 2016. “Even if we find mere hints in the next two years, we are in an excellent position to move on; we are already preparing the next step of the project, called XENONnT, which will increase the sensitivity to dark matter by another order of magnitude.”
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