Cannabis médical : à la pointe de la recherche, Israël veut en exporter pour 1 milliard de dollars par an

Une serre de Breath of Life à Beit Shemesh Une serre de Breath of Life à Beit Shemesh

newsfeed. Après avoir inclus la culture de cannabis médical dans le secteur agricole, Israël devrait rapidement commencer à exporter son cannabis médical. La décision avait été prise en août dernier par un comité interministériel composé des Ministres de la Santé et des Finances.

Les projections financières estiment les revenus de l’export entre 260 millions et plus d’1 milliard de dollars. Pour le moment, le pays n’exporte que de la technologie médicale pour le cannabis, mais pas la plante elle-même.

Israël se positionne déjà comme le pays leader sur la recherche sur le cannabis et les technologies de santé, attirant des investissements internationaux (plus de 100 millions de dollars l’an dernier) en plus de se positionner comme un exportateur de cannabis médical. Les premières recherches datent des années 1960, lorsque le Pr Raphaël Mechoulam et son équipe ont découvert le THC (delta-9-tétrahydrocannabinol).

Lors de CannMed 2016 (Faculté de médecine de Harvard, USA), le Dr Raphaël Mechoulam, père de la recherche sur la marijuana, a été récompensé pour l’ensemble de sa carrière et ses recherches sur les cannabinoïdes dans la médecine personnalisée

Avec un marché mondial du cannabis estimé à 50 milliards dollars d’ici à 2025, le gouvernement israélien ouvre les vannes de l’industrie nationale afin de cultiver un cannabis médical de qualité et efficace, au sein d’une chaîne de production aussi fiable, de la culture à la distribution en passant par la transformation du produit.

Actuellement, environ 120 études ont lieu en Israël, dont des essais cliniques sur les effets du cannabis sur l’autisme, l’épilepsie, le psoriasis ou les acouphènes. Plus de 500 entreprises israéliennes ont postulé pour décrocher des licences de culture, de transformation ou d’exportation de produits à base de cannabis.

Le pays est un des seuls à faciliter les essais cliniques du cannabis sur les humains. Le gouvernement investit également massivement dans les projets de recherche, avec près de 3 millions de dollars attribués au secteur.

Israël produira du cannabis sur son sol et a noué des partenariats aux Etats-Unis pour en cultiver là-bas, l’import de cannabis étant interdit sur le sol américain. Il exportera ensuite ses produits à base de cannabis vers l’Europe, où il existe peu de production médicale légale au-delà des Pays-Bas, et l’Amérique du Sud.

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Le ministre israélien de l’Agriculture a classé le cannabis médical en tant que secteur agricole officiel. Sous cette nouvelle classification, entre 15 et 20 agriculteurs de cannabis auront accès aux aides du gouvernement, financières et de formation. Les fonctionnaires du ministère ont calculé que la culture de cannabis n’était rentable que sur de grandes fermes, avec au moins 0,4 hectares consacrés aux plants de cannabis.

« L’usage du cannabis à des fins médicales est relativement nouveau en Israël et dans le monde, et son statut est toujours controversé » ont déclaré les représentants du ministère. « Vendre et consommer du cannabis est toujours illégal dans la plupart des pays du monde, mais il apparaît que l’utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques gagne en popularité dans beaucoup de pays, et un nombre toujours plus grand d’études confirme les effets positifs du cannabis, tout en montrant ses risques et ses dommages. »

Le ministère a également alloué environ 2 millions d’euros à 13 nouvelles études biochimiques pour chercher de meilleures méthodes pour cultiver le cannabis médical. « Ces études permettront aux chercheurs de conduire des recherches fondamentales et appliqués, et de développer les outils et l’infrastructure de recherche pour la prochaine génération de produits médicaux au cannabis ». Le ministère de l’Agriculture prévoit que les exports de cannabis israélien rapporteront entre 250 et 1 milliard d’euros par an.

Israël a contraventionnalisé la possession et la consommation de cannabis en début d’année. Les usagers étant pris en flagrant délit de consommation en public et ayant moins de 15 grammes sur eux de cannabis non-médical risquent désormais une amende de 1000 shekels (environ 250€). Le pays devrait rapidement se tourner vers une vraie dépénalisation de l’usage adulte de cannabis.

Auteur Aurélien Bernard pour newsfeed

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Lire aussi ci-dessous le reportage du journal La Croix

Convaincu des vertus médicales de la plante, le pays est à la pointe de la recherche dans ce domaine. Espérant des retombées financières à l’exportation.

« Au milieu des orangeraies et oliveraies du bourg de Kfar Pines, dans le nord d’Israël­, seul un étrange panneau barré du mot « Nirvana » semble annoncer la proximité des parcelles du domaine de la société BOL Pharma – Breath of Life (« Souffle de la vie »). Elles sont entièrement entourées d’une haute barrière épaissie par des entrelacs de cactus, et surmontées de caméras de surveillance. Des vigiles armés patrouillent, et il faut montrer patte blanche à son unique accès.

À l’intérieur, sous serres, des rangées de plants de cannabis médicinal en pots s’étirent à perte de vue sur des étagères. Blouses, calots et gants blancs en plastique, des employés s’affairent. Un système informatique contrôle les paramètres biochimiques des 230 variétés d’herbe cultivées ici en hydroponie. « Nos serres s’étendent sur dix hectares, et nous allons bientôt inaugurer un autre domaine encore plus vaste dans le sud, dans le désert du Néguev », indique Tamir Gedo, le PDG de BOL Pharma.

Société BOL Pharma, Kfar Pines

« Avec 300 jours d’ensoleillement par an et un taux idéal de pluviosité, Israël est une terre idéale pour le cannabis thérapeutique. L’ère des opiacés et de leurs déplorables effets secondaires (nausées, accoutumance, problèmes respiratoires, etc.) s’achève, celle des cannabinoïdes a commencé », se félicite-t-il. Neuf autres domaines conventionnés y sont consacrés, et pas moins de 200 entrepreneurs sont candidats pour profiter du rigoureux programme national lancé il y a dix ans par le ministre de la santé Yaakov Litzman.

Les perspectives sont vastes : un pactole susceptible, dans quelques années, de dépasser 20 milliards d’euros uniquement sur le marché américain. Pas moins de 29 États américains ont déjà approuvé la consommation de cannabis médicinal, mais, en vertu d’une loi fédérale du Congrès à majorité républicaine, la recherche sur cette plante considérée comme un « dangereux narcotique » est interdite.

« Nous avons pris beaucoup d’avance, et les champions de la bio-tec en Europe, en particulier en France, peuvent profiter de nos semences et de notre savoir-faire », déclare Tamir Gedo. Avec le feu vert du ministère de l’agriculture, Israël a même commencé à exporter des bourgeons de cannabis médicinal. Si le terme « cannabis » désigne l’ensemble de la plante, « marijuana » concerne ses feuilles et fleurs femelles séchées, tandis que le « hachich » est une pâte confectionnée avec ses fleurs.

Précurseur de cette aventure, le Pr Raphael Mechoulam de l’Université hébraïque de Jérusalem, 86 ans, a isolé en 1964 le tétrahydrocannabinol (THC), c’est-à-dire l’unique composant actif de la plante qui produit l’effet psychotrope, ainsi que le cannabidiol (CBD) aux propriétés anti-inflammatoires.

Une quarantaine de sociétés israéliennes se consacrent aujourd’hui à la recherche scientifique dans ce domaine. Les unes et les autres ont mis au point des techniques pointues de culture permettant d’obtenir des taux plus élevés de THC ou CBD. Elles sont aussi parvenues à synthétiser ou à produire chimiquement ces derniers pour stabiliser leur ratio exact dans divers médicaments.

Zwi Bentwich, professeur en biologie médicale et directeur des recherches scientifiques de la société Tikun Olam (littéralement : « Réparation du monde »), mentionne ainsi la souche génétique Avidekel développée par son équipe. « Elle comporte une concentration élevée de 18 % de CBD et de 0,8 % seulement de THC. N’ayant pas d’effet psychotrope, elle peut donc sans danger soigner des enfants souffrant d’épilepsie », dit-il.

Résultat de ces recherches tous azimuts : 27 000 patients – contre 10 000 il y a cinq ans – viennent régulièrement dans les dispensaires israéliens délivrant des dérivés du cannabis pour toutes sortes d’affections, notamment les acouphènes, le syndrome de La Tourette, la maladie de Crohn, celle de Parkinson, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, le psoriasis, certains effets secondaires des traitements du cancer, etc. Sous la direction du Dr Adi Aran, une équipe de l’hôpital Shaaré Tzedek à Jérusalem mène actuellement des essais cliniques sur les symptômes de l’autisme, comme l’insomnie et l’agressivité.

Au siège de Bol Pharma, sur les présentoirs, on découvre toutes sortes de gadgets et solutions pour administrer les médicaments : gélules, inhalations, cachets, sprays, pommades, huiles, patchs, parfois même sous forme de cigarettes, biscuits, bonbons ou chocolats. « Tout cela sera bientôt banalisé et disponible sur simple prescription du médecin de famille », veut croire Tamir Gedo. « Le CBD est bon pour l’organisme, et le cerveau en produit d’ailleurs naturellement. Le jour viendra où il sera communément ajouté au lait, comme la vitamine D », ajoute-t-il.

Dans le cadre du programme national mis en place, des contingents de médecins généralistes, psychiatres, pédiatres et oncologues sont formés pour prescrire ces nouveaux médicaments. Un Institut national pour la recherche sur le cannabis est en voie de création sous la supervision du fameux Institut de recherches agronomiques « Volcani » à Rehovot. Des centaines d’experts mondiaux doivent se retrouver ces jours-ci pour la conférence Canna Tech de Tel-Aviv. Clou de la réunion : une tournée dans la vallée subdésertique de l’Arava (sud), appelée à se transformer en grenier à cannabis médicinal. Super-Pharm, principale chaîne de pharmacies, étudie de son côté comment stocker et distribuer en toute sécurité ces produits dans les 225 succursales de son réseau national.

Pionnier pour le cannabis thérapeutique, Israël s’est en revanche toujours voulu prohibitionniste pour son usage récréatif. Sur la voie publique, ce dernier sera désormais décriminalisé. Le gouvernement s’y est récemment résigné, mais il continuera de le pénaliser avec des avertissements et des amendes ».

Auteur : Joël correspondant à Jérusalem pour La Croix, 21 mars 2017

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