Une étude sur des souris de laboratoire menée par le Dr Noam Shomron de l’Ecole de médecine de l’Université de Tel-Aviv, en collaboration avec un laboratoire du MIT (USA), a réussi à stopper complétement la production des métastases engendrées par les tumeurs cancéreuses du sein vers d’autres organes du corps, grâce à des micro ARN qui désactivent les gènes permettant aux cellules malignes de changer de forme pour pénétrer dans la circulation sanguine. Selon les chercheurs, ce traitement a de grandes chances d’être efficace également chez les femmes atteintes du cancer du sein en raison de la grande similitude entre les gènes examinés dans les tumeurs des souris et celles des femmes.
Le Dr Natalie Artzi du MIT, le Dr Daphna Weisglass-Volkov et la doctorante Avital Gilam du laboratoire du Dr Shomron ont participé à cette étude.
« Le cancer du sein est le plus meurtrier des cancers chez les femmes ; une femme sur huit dans le monde connaitra la maladie durant sa vie », déclare le D. Shomron. « Les chercheurs du monde entier investissent d’énormes efforts dans le développement de traitements sophistiqués, mais le succès reste encore très limité : la survie des malades 5 ans après le diagnostic n’a augmenté que de 3% au cours des 20 dernières années, et les chances de guérison diminuent considérablement après le développement des métastases. Notre recherche apporte une nouvelle approche de la question: au lieu de se concentrer sur le traitement de la tumeur primaire elle-même, nous avons décidé de mettre l’accent sur la formation des métastases. Si nous parvenons à faire en sorte que le cancer reste local, nous pourrons le traiter beaucoup plus efficacement ».
Les chercheurs ont donc cherché comment stopper le mécanisme par lequel les cellules cancéreuses se déplacent afin qu’elles ne puissent pas migrer de la tumeur primaire vers les organes vitaux du corps. « Au moment de la migration, la cellule se rétrécit pour s’infiltrer dans la circulation sanguine », explique le Dr. Shomron. « Lorsqu’elle atteint sa destination, elle change de forme une fois de plus afin de sortir des vaisseaux sanguins pour s’enraciner dans le nouvel organe. Nous avons dévoilé le mécanisme génétique qui génère ces changements des cellules cancéreuses et cherché un moyen de le neutraliser ».
Les chercheurs ont tout d’abord tenté d’identifier les gènes spécifiques impliqués dans la modification de la forme de la cellule cancéreuse, au moyen d’outils de pointe dans le domaine de la bio-informatique. « Nous avons utilisé d’énormes bases de données en Israël et à l’étranger, et avons croisé quatre types de données : les mutations de l’ADN qui caractérisent le cancer du sein, un sous-ensemble de gènes responsables de la modification de la forme de la cellule, des gènes qui présentent des domaines de liaisons avec des microARN régulateurs (capables d’extinction de l’expression d’un gène) et des données cliniques sur les mutations effectivement enregistrées chez les patientes atteintes du cancer du sein, obtenues auprès du Prof. Eitan Friedman du Centre médical Sheba à Tel Hashomer ».
Le recoupement des données a permis d’identifier un gène spécifique appartenant aux quatre groupes. Les chercheurs ont alors fait l’hypothèse que la désactivation de ce gène permettrait de diminuer considérablement la capacité du cancer de se déplacer et de produire des métastases. Pour la vérifier, ils ont produit deux types de molécules de microARN, naturellement responsables du contrôle du gène concerné et ont désactivé celui-ci. Ils ont ensuite testé la nouvelle thérapie sur des souris de laboratoire.
« Trois semaines après le début du traitement, les souris traitées par les micro-ARN étaient presque totalement exemptes de tumeurs secondaires » rapporte le chercheur. « Cela signifie que nous avons réussi à arrêter la propagation du cancer. Nous pensons que le nouveau traitement que nous avons mis au point, qui s’est montré efficace chez des souris de laboratoire, possède le même potentiel chez les femmes atteintes du cancer du sein en raison de la grande similitude entre les gènes examinés à la fois chez les souris et chez les femmes dans les tumeurs ».
Le Dr Shomron et son équipe vérifient à présent où et comment agit le traitement : le micro-ARN s’enroule-t-il autour de la tumeur primaire, se lie-t-il aux cibles en empêchant l’épanchement des cellules cancéreuses dans la circulation sanguine ? agit-il sur les cellules malignes pendant leur circulation dans le sang ? est-il efficace également pour le traitement des métastases déjà installées dans le nouvel organe? Les chercheurs espèrent que les réponses à ces questions pourront conduire vers le début d’un processus de développement de médicaments innovants et efficaces pour soigner le cancer du sein.
Auteur Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédactrice en chef du site des Amis français et des Amis francophones de l’Université de Tel-Aviv
Publication dans Nature Communications, le 19/09/16