Désengorger les files d’attente de plus en plus longues, faciliter le travail des radiologues et éviter les erreurs de diagnostic. C’est ce que vise une nouvelle technologie, fruit d’une collaboration entre le Pr Hayit Greenspan, directrice du Laboratoire de traitement d’image médicale du Département d’Ingénierie biomédicale de l’Université de Tel-Aviv et le Pr Eli Konen, chef du Département d’Imagerie médicale de l’hôpital Sheba à Ramat Gan, qui va rendre possible le décodage informatisé des IRM par un processus plus rapide et plus précis que le déchiffrement humain. Ces développements, qui devraient révolutionner le diagnostic et le traitement médical des prochaines années ont été présentés lors d’une Conférence intitulée « Radiologie informatisée : pont entre la technologie et la radiologie » qui s’est tenue la semaine dernière à l’Université de Tel-Aviv.
Le Pr Hayit Greenspan, spécialiste de renommée internationale dans le domaine du traitement des images médicales s’est concentrée ces dernières années sur la recherche de solutions au problème posé par l’interprétation du nombre toujours croissant des examens IRM et des écographies, outils considérés aujourd’hui comme indispensables au diagnostic médical, résultant en une explosion des délais d’attente pour les patients, avec parfois de graves conséquences sur la dégradation de leur condition.
Des examens de plus en plus nombreux et complexes
Selon les chercheurs, le problème ne réside pas seulement dans le petit nombre de dispositifs, mais également dans la grave pénurie de radiologues par rapport au nombre de tests effectués et leur sophistication de plus en plus importante. « La quantité de données auxquelles nous devons faire face est énorme et l’interprétation devient de plus en plus complexe. Il y a 20 ans, un scanner abdominal était composé de 100 images ; nous parlons à présent d’environ 1500 images, qui sont également de meilleure qualité. De plus, ces tests sont aujourd’hui beaucoup plus accessibles et disponibles. Cela signifie que les radiologues doivent traiter davantage d’informations en moins de temps. Nous croulons sous les quantités de données ». Conséquence : même les examens réalisés dans les services d’urgence doivent parfois attendre plusieurs heures avant d’être déchiffrés.
La réponse trouvée par la chercheuse à cette situation vient de l’univers des Big Data et de l’intelligence artificielle, en particulier d’une branche nommée «apprentissage en profondeur», basée sur la mise au point d’un modèle de traitement de données composés d’algorithmes sophistiqués permettant le stockage, l’évaluation, la recherche et l’analyse d’une grande quantité d’informations en temps réel. Des systèmes de ce type sont à la base de l’analyse de sites comme Google et Facebook.
« Dans notre laboratoire nous développons des outils informatisés allant du traitement d’image aux logiciels d’apprentissage intelligents, capables d’identifier différentes parties du corps » explique le Pr Greenspan. La collaboration avec le Pr Konen, démarrée il y a huit ans, a rapidement abouti au développement d’algorithme capable d’identifier une hypertrophie cardiaque, un œdème pulmonaire et une pneumonie sur une radio pulmonaire.
Rapidité et précision, diminuer les risques d’erreur
Depuis, le laboratoire du Pr Greenspan a mis au point un grand nombre de dispositifs, dont certains ont déjà été enregistrés comme brevets commerciaux, entre autre un système capable de détecter des lésions cancéreuses dans le cerveau et le foie sur des images issues de scanners et d’IRM avec rapidité et précision. De même a été développé un système automatisé de suivi, comparaison et quantification des résultats, tenant compte non seulement des données du patient mais aussi de celles d’autres malades présentant des cas similaires.
Selon les chercheurs, ces outils pourraient même permettre de combler l’écart professionnel existant aujourd’hui entre un radiologue débutant et son collègue expérimenté, diminuant le risque d’erreur, et de créer un ordre de priorités davantage pertinent pour le traitement des patients. « Ils vont nous permettre de donner des réponses de meilleure qualité dans un temps beaucoup plus court. Dans le cas de la médecine d’urgence, ils pourront changer complètement le modèle de travail et permettre d’établir des priorités pour l’interprétation et le diagnostic selon la gravité des cas constatés, et non nécessairement dans l’ordre des examens réalisés, comme on le fait aujourd’hui » ajoutent-ils.
Cela dit, les chercheurs insistent sur le fait que ces systèmes constituent des auxiliaires importants au travail du radiologue, mais bien sûr pas un substitut : « Par analogie, il s’agit non pas d’une voiture sans chauffeur, mais plutôt d’un système d’avertissement empêchant une collision avec le mur« .
Dr Sivan Cohen-Wiesenfeld, rédactrice de recherche pour AFAUTA, association des amis français de l’Université de Tel Aviv