Les problèmes d’alimentation sont extrêmement présents dans nos sociétés occidentales. Parmi eux, le binge eating, pratique qui consiste à s’alimenter très rapidement avec de la nourriture riche en calories. Les chercheurs cherchent à comprendre les causes de ce phénomène, qui pourrait être dû, au moins partiellement, au stress prénatal de la mère.
Le stress affecte notre corps de multiples manières : perte ou prise de poids, problèmes psychiques ou cardiaques… Ce champ de recherche est généralement difficile à faire progresser tant les maladies mentales sont encore peu reconnues dans nos sociétés et du fait de la complexité du cerveau. Il est cependant légitime de s’interroger sur les moments où ce stress est le plus nocif pour notre corps. D’après les statistiques, une partie des chercheurs affirment que le moment le plus critique se situe durant la période prénatale, pendant le développement de l’embryon.
Pour la première fois, des chercheurs de l’institut Weizmann en Israël, épaulés par des chercheurs allemands de l’institut Max Plank, ont montré le lien de causalité entre le stress prénatal et le binge eating. Ce problème alimentaire est caractérisé par une consommation massive de nourriture riche en calories durant une brève période de temps. Ce binge eating touche entre 1.9 et 3.6 % des femmes et deux fois moins d’hommes. Cette tendance est généralement accompagnée de risques de pression artérielle élevée, diabète, problèmes cardiaques mais aussi dépressions et faible estime de soi.
Ce phénomène, présent chez l’humain, se retrouve également chez la souris, là encore, avec une prévalence des cas chez les souris femelles. Ceci laisse à penser que les mécanismes en place chez la souris sont similaires à ceux de l’humain, et décorrélés au moins partiellement de l’influence sociétale.
Professeur Alon Chen, Institut Weizmann
Le Pr Alon Chen et son équipe à Weizmann ont développé un modèle pour déclencher le stress chez la souris durant la période prénatale, avec un contrôle optimal grâce à l’hormone CRF (corticotropin-releasing factor). Après dix semaines, ces nouvelles souris ainsi que des souris nées de mère non stressée ont eu la possibilité de s’alimenter avec un régime calorifique et dans une faible période temporelle. Le résultat est sans appel : les souris issues d’une gestation sous stress sont plus enclines au binge eating.
Pour aller plus loin, les scientifiques ont répété cette expérience et ont étudié les embryons avant leur naissance. La différence moléculaire entre les cerveaux d’embryons stressés et ceux des embryons de référence est très importante. Cette différence tend à disparaître après la naissance des souris, mais se retrouve lorsque celles-ci sont en face d’une situation où elles sont enclines au binge eating. Ces résultats montrent que ce caractère est plus épigénétique que génétique, c’est-à-dire que cette tendance se développe par synergie entre gène et facteur à risque environnementaux.
Le dernier résultat de cette étude est le plus intéressant. Sous un régime contrôlé, fort en vitamines B12 et B6 et d’autre composés dit méthylés, les scientifiques ont réussi à supprimer le trouble alimentaire pour des souris nées de mère stressée. Des résultats qui, s’ils s’avèrent identiques chez l’humain, pourraient aider des millions de femmes et d’hommes.
Publication dans Cell Metabolism, 30 mai 2017
Auteur : Samuel Cousin, post-doctorant à l’Institut Weizmann, pour le BVST