Selon le Prof. Talma Hendler de l’Ecole des sciences psychologiques de la Faculté de médecine et de l’École des neurosciences de l’Université Tel-Aviv, les schémas d’activité cérébrale des spectateurs de films sont similaires à ceux observés chez de nombreux schizophrènes.
Lors d’un événement récent parrainé par l’Académie américaine des arts et des sciences du cinéma, le Prof. Talma Hendler a présenté une étude sur les réactions mentales et émotionnelles de spectateurs ayant visionné l’une des scènes finales de Black Swan, thriller psychologique sorti en 2010 dans lequel Nina, ballerine jouée par Natalie Portman, finit par perdre le contact avec la réalité, s’imaginant qui lui pousse un plumage noir et qu’elle devient elle-même le cygne qu’elle incarne. Présentant des images d’IRM cérébraux des spectateurs de la scène, elle conclut que le modèle d’activité cérébrale du public qui regarde cette scène ressemble à celui observé chez des personnes diagnostiquées comme schizophrènes : « A mesure que Nina devient folle, le public lui-même ressent quelque chose proche de la schizophrénie».
Le Prof. Hendler et son équipe de recherche étudient les mécanismes cérébraux à l’œuvre dans les réactions mentales et émotionnelles, utilisant des méthodes de neuro-imagerie comme l’IRM et l’électroencéphalogramme. Dans ce cadre, ils ont examiné les circuits du cerveau qui jouent un rôle dans l’empathie, capacité de reconnaitre et partager les émotions d’une autre personne. Ils ont retrouvé les traces d’au moins deux sortes d’empathie enregistrées par le cerveau du spectateur, chacune liés à un réseau différent de zones cérébrales. La première ‘l’empathie mentale’ exige de sortir de soi pour penser ou ressentir ce qu’une autre personne pense ou ressent. La seconde, ‘l’empathie incarnée’, est une forme d’empathie intuitive et primale que l’on peut ressentir, par exemple, lorsque l’on voit quelqu’un battu ou blessé.
Lors de l’événement, le prof. Hendler a présenté des images d’IRM cérébraux de sujets ayant visionné la scène dramatique de Black Swan, constatant que lorsqu’une plume sortait du dos de Nina, le réseau ‘empathie mentale’ prédominait, tandis que celui de ‘l’empathie incarnée’ était totalement flou. Ce modèle, qui fait prévaloir le réseau de l’empathie mentale même face à une expérience viscérale, est celui dont elle a été témoin chez ses patients atteints de schizophrénie. « C’est comme s’ils devaient réfléchir à l’impact émotionnel de situations que d’autres personnes saisissent de manière intuitive et automatique » dit-elle.
Comparant ces résultats avec des images IRM de spectateurs ayant visionnés d’autres types de films émotionnels, comme par exemple ‘Ma meilleure ennemie’, film de Chris Colombus avec l’actrice Susan Sarandon, elle a cependant remarqué que d’autres types de scène, comme par exemple l’émouvant face-à-face mère-fils de ce film, pouvaient éveiller l’empathie incarnée, suggérant que les cinéastes pourraient jouer sur ces différentes réactions pour influencer l’expérience du spectateur.
Le réalisateur du film, Darren Aronofsky, un des plus grands producteurs de thrillers, présent lors du panel, a été impressionné par la recherche, déclarant qu’«il semblerait qu’il y ait encore du chemin jusqu’à ce que l’industrie du cinéma réalise des films d’après les réactions émotionnelles et cérébrales des spectateurs, mais qu’il est possible que le genre du Thriller soit sous peu rebaptisé ‘expérience schizophrénique’ ».