Avant de passer un examen, la meilleure chose est de prendre une profonde respiration. Selon les recherches effectuées dans le laboratoire de neurobiologie du Pr Noam Sobel à l’institut Weizmann (Israël), les personnes qui inspirent lorsqu’on leur présente une tâche visuo-spatiale étaient plus aptes à la remplir que celles qui expirent. Cette étude suggère que le système olfactif pourrait avoir façonné l’évolution de la fonction cérébrale bien au-delà de la fonction de base de l’odorat.
Cela pourrait conduire aussi à la recherche de méthodes pour aider les enfants et les adultes présentant des troubles de l’attention et de l’apprentissage à améliorer leurs compétences grâce à une respiration nasale contrôlée.
Le Dr Ofer Perl, qui a dirigé la recherche en tant qu’étudiant diplômé dans le laboratoire du Pr Sobel, explique que l’odorat est le sens le plus ancien : «Même les plantes et les bactéries peuvent sentir les molécules dans leur environnement et réagir. Tous les mammifères terrestres sentent en absorbant de l’air par les voies nasales et en transmettant des signaux par les nerfs au cerveau». Certaines théories suggèrent que ce sens ancien a servi de modèle au développement d’autres parties du cerveau, que chaque sens supplémentaire a évolué à l’aide du modèle précédemment défini. De là est née l’idée qu’inhaler pourrait préparer le cerveau à assimiler de nouvelles informations en synchronisant les deux processus.
Des études menées dans les années 1940 avaient montré que les zones du cerveau impliquées dans le traitement des odeurs – et donc dans l’inhalation – étaient liées à celles qui créaient de nouveaux souvenirs.
Cette nouvelle étude émet l’hypothèse que des parties du cerveau impliquées dans un fonctionnement cognitif supérieur pourraient aussi avoir évolué selon le même modèle de base, même si elles n’ont aucun lien avec l’odorat. «Chez d’autres mammifères, l’odorat, l’inhalation et le traitement de l’information vont de pair. Notre hypothèse affirmait que ce n’était pas seulement le système olfactif, mais tout le cerveau qui se préparait à traiter de nouvelles informations par inhalation. Nous pensons à cela comme à un cerveau renifleur », explique Noam Sobel.
Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont conçu une expérience dans laquelle ils pouvaient mesurer le flux d’air à travers les narines des sujets et, en même temps, leur présenter des problèmes de test à résoudre. Ceux-ci comprenaient des problèmes de mathématiques, des problèmes de visualisation spatiale (décider si un dessin d’une figure tridimensionnelle peut exister dans la réalité) et des tests verbaux (décider si les mots présentés à l’écran sont réels).
Les sujets ont été invités à cliquer sur un bouton, une fois lorsqu’ils ont répondu à une question et une fois lorsqu’ils sont prêts pour la question suivante. Les chercheurs ont noté que lorsque les sujets traversaient les problèmes, ils prenaient l’air juste avant d’appuyer sur le bouton correspondant à la question. L’expérience a été conçue pour que les chercheurs s’assurent que les sujets ne sachent pas que leurs inhalations étaient surveillées, et ils ont exclu un scénario dans lequel le fait d’appuyer sur un bouton était lui-même un motif d’inspiration plutôt que de préparation à la tâche.
Ensuite, les chercheurs ont modifié le format, ne donnant aux sujets que les problèmes d’espace à résoudre, mais la moitié ont été présentés comme les personnes testées inspirées, la moitié lorsqu’elles exhalaient. L’inhalation s’est avérée être liée de manière significative à la réussite des problèmes du test. Au cours de l’expérience, les chercheurs avaient mesuré l’activité électrique cérébrale des sujets à l’aide de l’EEG. Ils ont également constaté des différences entre inhaler et exhaler, notamment en ce qui concerne la connectivité entre différentes parties du cerveau. Cela était vrai aussi bien pendant les périodes de repos que lors de la résolution de problèmes, avec des modèles de connectivité altérés liés à l’inhalation.
En outre, plus l’écart entre les deux niveaux de connectivité est grand, plus l’inhalation semble aider les sujets à résoudre leurs problèmes. «On pourrait penser que le cerveau associe l’inhalation à l’oxygénation et se prépare ainsi à mieux se concentrer sur les questions de test, mais le délai ne convient pas. Cela se produit en moins de 200 millisecondes, bien avant que l’oxygène ne passe des poumons au cerveau. Nos résultats montrent que ce n’est pas seulement le système olfactif qui est sensible à l’inhalation et à l’expiration, c’est tout le cerveau. Nous pensons que nous pourrions généraliser et dire que le cerveau fonctionne mieux avec la respiration », déclare Noam Sobel.
Les résultats pourraient aider, entre autres, à expliquer pourquoi le monde semble flou lorsque nos narines sont bouchées. Le Pr Sobel souligne que le mot inspiration signifie à la fois respirer et mobiliser l’intellect ou les émotions. Et ceux qui pratiquent la méditation savent que la respiration est la clé pour contrôler les émotions et les pensées. Notre sens de l’odorat a, d’une façon ou d’une autre, très probablement fourni le prototype de l’évolution du reste de notre cerveau.
Publication dans Nature Human Behavior, 11 mars 2019
Traduction/adaptation : Israël Science Info