Steven Weinberg, l’un des plus grands physiciens théoriciens de tous les temps, est décédé le 23 juillet à l’âge de 88 ans. Il avait révolutionné la physique des particules, la théorie quantique des champs et la cosmologie grâce à des percées conceptuelles qui, aujourd’hui encore, constituent le fondement de notre compréhension de la réalité physique. Steven Weinberg fait partie des très rares personnes qui, dans l’histoire de la civilisation, ont radicalement changé notre façon de voir l’Univers.
Steven Weinberg est né en 1933 à New York. Ses parents étaient des immigrants juifs ; son père, Frederick, travaillait comme sténographe au Tribunal, sa mère, Eva (née Israel), était femme au foyer. Steven s’est intéressé aux sciences dès l’âge de 16 ans grâce à un jeu de chimie offert par un cousin.
Weinberg est bien connu pour sa théorie unifiée des forces faibles et électromagnétiques, qui lui a valu en 1979 un prix Nobel, partagé avec Sheldon Glashow et Abdus Salam, et qui a permis de prédire les bosons vecteurs Z et W, découverts ultérieurement au CERN en 1983. S’il a pu construire cette théorie, c’est parce qu’il a compris que certaines nouvelles idées théoriques, dont on pensait initialement qu’elles pouvaient servir à la description des interactions fortes présentes dans le noyau, pouvaient en fait expliquer la nature de la force faible. « J’ai soudain compris qu’il s’agissait d’une théorie parfaitement valable, mais que ce n’était pas à l’interaction que j’avais en tête qu’il fallait l’appliquer. En effet, ce n’était pas à l’interaction forte que la théorie pouvait servir, mais bien aux interactions faible et électromagnétique », devait-il raconter bien plus tard.
Avec ses travaux, Weinberg a pu franchir une nouvelle étape dans l’unification des lois physiques, comme Newton lorsqu’il a compris que la chute d’une pomme sur Terre et le mouvement des planètes dans le ciel étaient deux phénomènes régis par la même force gravitationnelle, et comme Maxwell lorsqu’il a réalisé que les phénomènes électriques et magnétiques étaient l’expression d’une force unique.
Dans son travail, Weinberg a toujours fait porter ses efforts sur une vision globale de la physique et non sur la description d’un seul phénomène. Lors d’un déjeuner entre théoriciens, alors qu’un collègue le qualifiait de constructeur de modèles, il répondait dans un sourire : « Je ne suis pas un constructeur de modèles. Dans ma vie, je n’ai construit qu’un seul modèle ! »
En effet, l’héritage le plus marquant de Weinberg est son approche visionnaire de vastes domaines de la physique, consistant à partir de concepts théoriques complexes, à les réinterpréter de manière originale, puis à les appliquer à la description du monde physique. Un bon exemple est sa construction des théories effectives des champs, qui sont aujourd’hui encore l’outil de base pour comprendre le Modèle standard des interactions entre particules. Son mode de pensée inimitable a inspiré et guidé des générations de physiciens et demeurera une référence pour les générations futures.
Auteur : Pr Gian Francesco Giudice pour le CERN