Lorsqu’une supernova (explosion d’une étoile éloignée) a été découverte l’an dernier, les astrophysiciens du monde entier se sont précipités pour observer ce feu d’artifice à l’aide de télescopes. Dans un dernier éclat spectaculaire, l’étoile – rare car ayant une masse plus de dix fois celle de notre soleil –donne des informations sur la vie de ces corps cosmiques fascinants, et permet de se faire une image de la formation des éléments lourds dans l’univers.
Pour comprendre l’étoile qui a produit la supernova, les chercheurs de Weizmann ont identifié la composition des éléments rejetés juste avant le début de l’explosion.
Le Pr Avishay Gal-Yam, du département de Physique des particules et d’astrophysique de l’Institut Weizmann, explique que « l’étoile peut être identifiée par la proportion d’éléments tels que le carbone, l’oxygène et l’azote détectés dans la matière rejetée dans l’espace. Ces éléments sont créés dans la fusion nucléaire qui alimente les étoiles en énergie. Dans notre soleil, les atomes d’hydrogène (atome le plus léger) fusionnent pour donner naissance à un atome d’hélium – et s’arrêtent là ; mais dans les étoiles massives et plus chaudes, la fusion continue : les atomes d’hélium s’unissent pour former des éléments de plus en plus lourds – jusqu’à devenir des atomes de fer ».
Selon les chercheurs de Weizmann, ces étoiles sont organisées en couches, comme les oignons : les éléments les plus lourds, par exemple le fer, se trouvent dans leur centre, tandis que les plus légers forment les couches externes. En bordure des étoiles, les vents stellaires soufflent les matériaux des couches externes vers l’espace. Dans les étoiles comme celle qui a explosé, le vent est si violent qu’il peut projeter au loin, tous les 10 000 ans, une masse égale à celle de notre soleil. A un certain moment de la vie de l’étoile, l’hydrogène léger qui forme sa couche extérieure s’épuise, et elle commence à rejeter l’hélium, l’oxygène, le carbone et l’azote.
Sous la surface se trouve une couche réunissant hydrogène, hélium et les éléments plus lourds.
Cette couche doit être assez élevée pour contenir de l’hydrogène, mais aussi assez chaude pour produire les températures extrêmes nécessaires à la fusion nucléaire. Les chercheurs s’intéressent à cette couche car c’est là que se forme l’azote. Contrairement au carbone qui contient six protons (par fusion de trois atomes d’hélium), et à l’oxygène, qui en a huit (provenant de quatre atomes d’hélium), l’azote a sept protons, un nombre impair ! Ceci signifie qu’il doit être le résultat d’une fusion entre des atomes pairs et impairs, par exemple trois d’héliums et un d’hydrogène. Par conséquent, si l’on mesure les quantités d’azote, on pourra découvrir ce qui se trouve sous la surface de ces étoiles.
Lorsque le vent chasse les couches extérieures de l’étoile, son cœur continue à amasser du fer jusqu’à ce qu’il devienne si lourd qu’il perd sa stabilité. A ce point, le cœur s’effondre dans un mouvement soudain et violent, rejetant les couches externes pour produire la brillante supernova que nous observons. On ne peut observer les éléments éjectés dans le vent stellaire, juste avant l’explosion, que dans un espace de temps limité, jusqu’à un jour environ après la déflagration finale. Cela est dû au fait que la radiation intense produite par le choc de l’explosion arrache les électrons de leurs atomes. Les télescopes équipés de spectrographes dirigés vers la supernova peuvent saisir les spectres des éléments, c’est-à-dire la lumière émise lorsque les électrons s’unissent à nouveau aux atomes.
Mais ils doivent faire ces observations rapidement, avant que les débris de l’explosion (qui se dispersent rapidement) balayent jusqu’aux restes les plus petits du vent et effacent cette dernière trace de l’étoile mourante. La course pour observer les spectres du vent de la supernova a commencé avec les télescopes robotiques de l’observatoire du Mont Palomar, en Californie, qui font partie du programme iPTF dirigé par le professeur Shri Kulkarni, de Caltech (California Institute of Technology). Ces télescopes robotiques sont programmés pour trouver des événements transitoires – des changements soudains dans le ciel nocturne qui pourraient être de nouvelles supernovae – et alerter les membres du groupe.
A l’autre bout du monde, le Dr Iair Arcavi, à l’époque doctorant dans le groupe du Pr Gal-Yam, a appris la nouvelle. A l’heure où les chercheurs américains dormaient, il a analysé les données, a compris ce qu’elles signifiaient, et a pris contact avec le Dr Assaf Horesh, aujourd’hui à l’Institut Weizmann, mais à l’époque postdoctorant à Caltech. Le Dr Horesh a fait alors des observations spectroscopiques à l’observatoire Keck, à Hawaï, qui est plus à l’ouest que Palomar, ce qui lui a permis de continuer sa recherche lorsqu’il faisait déjà jour en Californie, alors qu’à Hawaï c’était encore la nuit. Grâce à la rapidité de son travail, il a réussi à enregistrer les spectres d’émission des matières emportées par le vent à peine quinze heures après que l’étoile a explosé.
L’étude des données obtenues par le Pr Gal-Yam, et les docteurs Arcavi et Horesh, et leurs collègues, a permis de confirmer les spectres enregistrés et a montré que l’étoile qui avait explosé avait bien un vent riche en azote, semblable à ceux des étoiles Wolf-Rayet que l’on connaît dans notre galaxie. C’est la première fois, selon le Pr Gal-Yam, que ces observations sont faites. Maintenant que le groupe a montré que la combinaison d’une organisation mondiale efficace avec la mobilisation de télescopes un peu partout dans le monde peut servir à capturer des événements éphémères, ses membres espèrent qu’ils auront la possibilité de voir d’autres explosions de jeunes supernovae.
Selon le Pr Gal-Yam, il est important de comprendre comment vivent et meurent ces étoiles, et pas seulement parce qu’elles nous donnent des informations sur le fonctionnement de l’univers. Il ajoute : « Les éléments plus lourds, ceux qui ont une masse plus grande que celle de l’hélium, sont créé dans les fourneaux de fusion des grandes étoiles et sont dispersés par les explosions de supernovae. Un si grand nombre de questions – sur les origines et l’abondance relative des différents éléments – sont soulevées par ces processus qui ont eu lieu un peu partout dans le cosmos. »
Publication dans Nature, 22 mail 2014.