Dans la nature, les vagues comme celles des océans débutent par des oscillations locales dans l’eau, qui s’étendent de manière ondulatoire, à partir de leur point d’origine. Mais les fans de la série télévisée Star Trek se rappellent sûrement une autre sorte de modèle de vagues : le « rayon tracteur ». Si elle existait vraiment, la technologie du rayon tracteur serait basée sur des ondes allant dans la direction opposée, convergeant de loin dans l’espace vers leur point d’origine. Dans cette série télévisée, le vaisseau spatial imaginaire Enterprise émettait un rayon tracteur, tel un lasso de cow-boy, pour qu’il se fixe sur un objet flottant dans l’espace, et l’attire vers le vaisseau.
Le Pr Gregory Falkovich, du département des Systèmes complexes, a travaillé avec le groupe de recherche du Pr Michael Shats de la National University of Australia (à Canberra), et ils ont récemment montré que cette idée pourrait bien ne pas être que de la science-fiction.
En fait, le concept de base a ses racines dans une recherche de George Stokes, physicien et mathématicien anglais du XIXe siècle, qui a étudié en détail la physique des vagues. Pour cela, il a placé de petites sphères dans des liquides et a observé leur mouvement dans les ondulations. A l’époque, la théorie généralement acceptée voulait que si une onde est très petite, une sphère minuscule la chevauchant se déplace dans un cercle fer mé. Stokes a découvert que ce mouvement sphérique n’était pas exactement un cercle fermé. Au contraire, il trace une spirale qui s’enroule vers l’intérieur. Cette idée, connue aujourd’hui sous le nom de « dérive de Stokes » a été considérée comme essentiellement théorique. On pourrait réussir à créer les conditions nécessaires en laboratoire, mais il serait difficile, dans la nature, de trouver des ondes assez petites pour pouvoir présenter la dérive de Stokes.
Les collaborateurs du Pr Falkovich, aidés par des technologies d’observation du XXIe siècle, sont revenus aux expériences de Stokes pour observer les particules qui se déplacent dans des ondes de lumière très petites. Ils ont eu la surprise de découvrir qu’une représentation tridimensionnelle du trajet de ces particules ressemble à celui d’un ivrogne qui veut rentrer chez lui. Mais, dans leur recherche collaborative, les chercheurs ont montré que, non seulement ce mouvement n’est pas aléatoire, mais qu’il est prévisible et peut même être planifié à l’avance.
Après avoir compris cela, les chercheurs ont démontré le principe en utilisant deux tourbillons contrôlés de liquide. Entre eux une vague s’écoulait « en marche arrière » vers le point d’origine des oscillations qui l’avaient provoquée. Une partie des chercheurs de ce groupe ont déjà pris en considération la possibilité de créer dans l’eau des « rayons tracteurs » qui pourraient, par exemple, se jeter sur des bateaux pirates dans l’océan Indien et seraient capables de les attirer. Des idées plus modestes (mais toujours pour l’avenir) comprennent l’utilisation de ces vagues pour nettoyer la pollution de l’océan.