Sécurité alimentaire : l'Université de Tel-Aviv réussit à séquencer le génome du blé
[:fr]L’Institut de recherche sur les céréales de la Faculté des sciences de la vie de l’Université de Tel Aviv, étude dirigée par le Dr Assaf Distelfeld, a réussi à séquencer le génome du blé, identifiant les mutations génétiques qui ont transformé le blé sauvage répandant ses graines à tout vent en céréale domestique cultivable par l’homme. Selon les chercheurs, l’étude permettra de comprendre d’autres traits essentiels du blé moderne, comme la tolérance à la sécheresse ou la résistance aux maladies et aura un impact significatif sur la sécurité alimentaire mondiale.
La recherche a été réalisée en collaboration avec la société israélienne NRGene, et des laboratoires de pointe en Allemagne, en Italie, au Canada, en Israël et aux États-Unis. La vue d’un champ de blé chargé d’épis mûrs attendant la récolte est l’un des spectacles qui nous semblent les plus naturels et les plus anciens du monde. Ce n’est pourtant pas le cas. En effet, selon les scientifiques, la structure de l’épi de blé dont les graines forment une grappe serrée les uns contre les autres est le résultat d’un processus d’acculturation de la céréale par l’homme avec le développement de l’agriculture, il y a environ 10 000 ans seulement. Cette caractéristique constitue la principale différence entre le blé domestique récolté par l’homme, et son ancêtre, le blé sauvage, dont les épis s’égrenaient et diffusaient leurs semences dans toutes les directions, pour qu’elles germent à une certaine distance les unes des autres après la saison des pluies.
Un « tunnel à remonter le temps »
« D’un point de vue biologique et historique, nous avons créé un tunnel à remonter le temps que nous pouvons utiliser pour étudier le blé tel qu’il existait avant les origines de l’agriculture », déclare le Dr. Distelfeld. « En le comparant avec le blé moderne nous avons pu identifier les gènes précis qui ont permis la domestication, la transition du blé poussant dans la nature vers les variétés modernes. Alors que les grains de blé sauvage tombaient de leur axe et se dispersaient, ceux du blé domestique restent attachées à la tige : la modification de deux gènes explique cette transformation qui a permis aux humains de récolter le blé« .
Dr Assaf Distelfeld
La recherche novatrice a démarré par le décodage du génome du blé sauvage grâce à l’utilisation d’un algorithme mis au point par la société NRGene de Ness Ziona. « Le génome du blé est considéré comme l’un des plus complexes dans la nature: 17 milliards de composantes de base (nucléotides) pour le blé tendre (utilisé pour le pain) et 12 milliards pour le blé sauvage et le blé dur (qui sert pour les pâtes). Par comparaison, le génome humain n’en compte qu’un demi-milliard« , explique Assaf Distelfeld. « Au cours de la dernière décennie, des chercheurs du monde entier, financés par d’énormes budgets, ont tenté de séquencer le génome du blé, mais leurs résultats restaient incomplets. La technologie de NRGene nous a permis, à l’aide de budgets relativement limités, d’assembler enfin le puzzle du génome du blé sauvage à l’Université de Tel-Aviv« .
« Lorsqu’on séquence l’ADN par des technologies conventionnelles, on obtient un grand nombre de séquences d’ADN court d’une longueur de 250 composantes chacune« , explique le doctorant Raz Avni, parmi les auteurs de l’étude. « Le logiciel de NRGene nous a permis de construire à partir de ces courtes séquences des séquences beaucoup plus longues, de 7 000 000 de blocs en moyenne. Dans notre laboratoire, nous avons cherché à organiser ces séquences longues dans un ordre exact pour construire le génome entier. A cette fin, nous avons développé une « population génétique » composée de 150 éléments descendants de deux parents, le blé de culture et le blé sauvage. Nous avons cartographié cette population au moyen de milliers de marqueurs génétiques, et avons fabriqué à partir d’eux des sortes « d’ancres », qui ont constitué l’ordre d’assemblage des séquences longues. En fin de compte, nous avons reconstruit environ 90% du génome du blé sauvage soit près de 10,5 milliards de composants, contenant 65 000 gènes« .
Améliorer les caractéristiques du blé moderne pour assurer la sécurité alimentaire mondiale
Les chercheurs se sont ensuite interrogés sur le rôle des différents gènes, en particulier de ceux responsables des caractéristiques spécifiques du blé : « Le premier trait que nous avons recherché dans le génome est celui qui différencie le blé domestique du blé sauvage: la réunion des graines en épis, au lieu de leur dispersion« , explique le Dr. Distelfeld. « Pour ce faire, nous avons divisé notre population génétique en plusieurs groupes: les plantes ayant hérité de la caractéristique de l’intégration des épis, et celles dont les épis se désarticulent entièrement ou partiellement. Une comparaison entre l’ADN de ces différents groupes a révélé deux mutations spécifiques, qui n’apparaissent que dans le blé aux épis articulés« .
Pour vérifier que ces mutations étaient bien celles responsables de l’acculturation du blé au début de l’agriculture, la doctorante Moran Nave a comparé 113 plants de blé sauvage de différentes régions du Moyen-Orient, d’Israël à la Turquie en passant par l’Iran, l’Irak et la Syrie, et 94 variétés de blé domestique du monde entier. Les résultats ont été concluants: les deux mutations ont été retrouvées dans toutes les souches de blé de culture et dans aucune de blé sauvage.
« Pour nous, ce n’est que la première étape« , conclut le Dr. Distelfeld. « Avec les outils dont nous disposons aujourd’hui, nous pourrons identifier dans le génome du blé également les gènes responsables d’autres fonctions, comme la valeur nutritionnelle, la productivité, la résistance aux ravageurs ou face à l’évolution des conditions climatiques telles que le froid, la chaleur et la sécheresse etc. Ces informations constitueront une base vitale pour l’amélioration future des variétés de blé que l’homme fait pousser, et auront un impact significatif sur la sécurité alimentaire mondiale au 21ème siècle« .
Publication dans Science, 7 juillet 2017
Auteur, Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédactrice en chef de la newsletter Université de Tel-Aviv/AFAUTA[:en]A global team of researchers has published the first-ever Wild Emmer wheat genome sequence in Science magazine. Wild Emmer wheat is the original form of nearly all the domesticated wheat in the world, including durum (pasta) and bread wheat. Wild emmer is too low-yielding to be of use to farmers today, but it contains many attractive characteristics that are being used by plant breeders to improve wheat.
The study was led by Dr. Assaf Distelfeld of Tel Aviv University‘s School of Plant Sciences and Food Security and Institute for Cereal Crops Improvement, in collaboration with several dozen scientists from institutions around the world and an Israel-based company, NRGene, which developed the bioinformatics technology that accelerated the research.
« This research is a synergistic partnership among public and private entities, » said Dr. Daniel Chamovitz, Dean of TAU’s George S. Wise Faculty of Life Sciences, who was also involved in the research. « Ultimately, this research will have a significant impact on global food security. »
« Our ability to generate the Wild Emmer wheat genome sequence so rapidly is a huge step forward in genomic research, » said Dr. Curtis Pozniak from the University of Saskatchewan, a project team member and Chair of the Canadian Ministry of Agriculture Strategic Research Program. « Wheat accounts for almost 20% of the calories humans consume worldwide, so a strong focus on improving the yield and quality of wheat is essential for our future food supply. »
« From a biological and historical viewpoint, we have created a ‘time tunnel’ we can use to examine wheat from before the origins of agriculture, » said Dr. Distelfeld. « Our comparison to modern wheat has enabled us to identify the precise genes that allowed domestication — the transition from wheat grown in the wild to modern day varieties. While the seeds of wild wheat readily fall off the plant and scatter, a change in two genes meant that in domesticated wheat, the seeds remained attached to the stalk; it is this trait that enabled humans to harvest wheat. »
« This new resource allowed us to identify a number of other genes controlling main traits that were selected by early humans during wheat domestication and that served as foundation for developing modern wheat cultivars, » said Dr. Eduard Akhunov of Kansas State University. « These genes provide invaluable resource for empowering future breeding efforts. Wild Emmer is known as a source of novel variation that can help to improve the nutritional quality of grain as well as tolerance to diseases and water-limiting conditions. »
« New genomic tools are already being implemented to identify novel genes for wheat production improvement under changing environment, » explains Dr. Zvi Peleg of the Hebrew University of Jerusalem, Israel. « While many modern wheat cultivars are susceptible to water stress, Wild Emmer has undergone a long evolutionary history under the drought-prone Mediterranean climate. Thus, utilization of the wild genes in wheat breeding program promote producing more yield for less water. »
« The wheat genome is much more complex than most of the other crops and has a genome three times the size of a human genome. » said Dr. Gil Ronen, NRGene’s CEO. « Still, the computational technology we developed has allowed us to quickly assemble the very large and complex genome found in Wild Emmer’s 14 chromosomes, to a standard never achieved before in genomic studies. »
For the first time, the sequences of the 14 chromosomes of wild emmer wheat are collapsed into a refined order, thanks to additional technology that utilizes DNA and protein links. « It was originally tested in humans and recently demonstrated in barley, both of which have smaller genomes than Wild Emmer wheat, » says Dr. Nils Stein, the Head of Genomics of Genetic Resources at Leibniz Institute of Plant Genetics and Crop Plant Research in Germany. « These innovative technologies have changed the game in assembling the large cereal genomes. »
« This sequencing approach used for Wild Emmer wheat is unprecedented and has paved the way to sequence durum wheat (the domesticated form of Wild Emmer). Now we can better understand how humanity transformed this wild plant into a modern, high-yielding durum wheat, » said Dr. Luigi Cattivelli, coauthor of the work and coordinator of the International Durum Wheat Genome Sequencing Consortium.
« We now have the tools to study crops directly and to make and apply our discoveries more efficiently than ever before, » concluded Dr. Distelfeld.
Publication in Science, July 7th 2017[:]