Université Ben Gourion : le spectre de l'antimatière observé pour la première fois

[:fr]Sciences et Avenir. Les scientifiques du Cern ont réalisé la première mesure du spectre optique d’un atome d’antimatière. Matière et antimatière sont identiques mais dotées d’une charge opposée : elles s’annihilent au contact l’une de l’autre. Lors du Big Bang, ces deux entités ont théoriquement été produites en quantité égale, mais l’univers se compose uniquement de matière, l’antimatière semble s’être volatilisée. Personne ne sait encore vraiment pourquoi. Il existe peut-être une infime différence entre les propriétés de la matière et celles de l’antimatière qui pourrait apporter un début d’explication. Pour la dénicher, les scientifiques produisent des anti-atomes dans des laboratoires hautement sophistiquées et analysent leurs caractéristiques. Au CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, dont les locaux sont situés près de Genève, la recherche sur l’antimatière est une activité pratiquée depuis plus de vingt ans. Aujourd’hui, les scientifiques utilisent l’expérience ALPHA pour fabriquer, piéger et analyser les atomes d’antimatière, plus exactement d’antihydrogène. C’est dans le cadre de cette expérimentation qu’ils ont obtenu, pour la première fois, une mesure du spectre optique de l’antihydrogène.

NDLR : Esther Amar, fondatrice d’Israël Science Info, précise : « Des scientifiques du RU, du Danemark, des USA, du Canada et du Japon ont participé à cette découverte capitale. Le doctorant Snir Cohen du département de physique de l’université Ben Gourion du Néguev en Israël est également impliqué dans ces travaux. Rappelons qu’en 2015, 3 éminents chercheurs israéliens ont été nommés à des postes clés au CERN à Genève : le Pr Eliezer Rabinovici, en tant que vice-président du CERN ; M. Eli Marzel, qui a intégré le Comité consultatif permanent du CERN pour les audits ; le Pr Yossi Nir, de l’Institut Weizmann, est devenu membre du Comité qui définit la politique scientifique du CERN. Israël a rejoint le CERN en septembre 2014, ces trois nominations montrent la contribution considérable d’Israël dans le domaine de la recherche scientifique ».

PhD student Snir Cohen, BGU
PhD student Snir Cohen, BGU

Ce résultat conforte le modèle standard

Tous les éléments qui forment la matière, et leurs opposés associés à l’antimatière, sont composés d’atomes (ou d’anti-atomes) comprenant un noyau et des électrons (ou des positrons) qui tournent autour sur des orbites définies. Lorsque les électrons transitent d’une orbite à l’autre, ils absorbent ou émettent de la lumière à des longueurs d’onde spécifiques, qui constituent le spectre de l’atome. Chaque élément a un spectre caractéristique qui lui est propre et, grâce à cette mesure, les astronomes peuvent détailler la composition d’un astre ou d’un nuage de gaz situés à des années-lumière de la Terre. Le spectre de l’hydrogène, l’atome le plus simple, est parfaitement connu mais celui de l’antihydrogène était jusqu’à présent indéfini. Grâce à l’expérience ALPHA, les scientifiques ont pu créer plusieurs atomes d’antihydrogène et les conserver suffisamment longtemps au sein d’un piège magnétique pour pouvoir les exciter à l’aide d’un laser et étudier la transition du positron entre deux niveaux. Ils ont ainsi observé la raie spectrale associée à cette transition et l’ont comparé avec celle de l’atome d’hydrogène.

Conclusion : la raie spectrale de l’hydrogène et de l’antihydrogène est identique pour le niveau d’énergie observé. Ce résultat conforte le modèle standard prédisant que l’hydrogène et l’antihydrogène doivent avoir des caractéristiques spectroscopiques identiques. De nouvelles expériences vont être enclenchées afin d’obtenir des mesures plus précises portant sur un plus grand nombre de transitions. Elles permettront peut-être cette fois d’observer d’infimes différences qui expliqueraient pourquoi la matière a pris le pas sur l’antimatière dans l’univers.

Source Joël Ignasse pour Sciences et Avenir

Publication dans Nature 19 décembre 2016[:en]

PhD student Snir Cohen of Ben Gurion University of the Negev is associated to this research. The spectrum of the hydrogen atom has played a central part in fundamental physics in the past 200 years. Historical examples of its significance include the wavelength measurements of absorption lines in the solar spectrum by Fraunhofer, the identification of transition lines by Balmer, Lyman et al., the empirical description of allowed wavelengths by Rydberg, the quantum model of Bohr, the capability of quantum electrodynamics to precisely predict transition frequencies, and modern measurements of the 1S–2S transition by Hänsch1 to a precision of a few parts in 1015. Recently, we have achieved the technological advances to allow us to focus on antihydrogen—the antimatter equivalent of hydrogen2,3,4. The Standard Model predicts that there should have been equal amounts of matter and antimatter in the primordial Universe after the Big Bang, but today’s Universe is observed to consist almost entirely of ordinary matter. This motivates physicists to carefully study antimatter, to see if there is a small asymmetry in the laws of physics that govern the two types of matter. In particular, the CPT (charge conjugation, parity reversal, time reversal) Theorem, a cornerstone of the Standard Model, requires that hydrogen and antihydrogen have the same spectrum. Here we report the observation of the 1S–2S transition in magnetically trapped atoms of antihydrogen in the ALPHA-2 apparatus at CERN. We determine that the frequency of the transition, driven by two photons from a laser at 243 nm, is consistent with that expected for hydrogen in the same environment. This laser excitation of a quantum state of an atom of antimatter represents a highly precise measurement performed on an anti-atom. Our result is consistent with CPT invariance at a relative precision of ~2 × 10−10.

PhD student Snir Cohen, BGU
PhD student Snir Cohen, BGU

Publication in Nature December 19th 2016

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