Université de Tel-Aviv : les différences sexuelles n'ont pas de base génétique mais sont le résultat de l'environnement !
[:fr]D’après une étude menée par le Pr Daphna Joel de l’École de psychologie et de l’École des neurosciences de l’Université de Tel-Aviv, en collaboration avec le Pr Cordelia Fine de l’Université de Melbourne en Australie et le Pr John Dupré de l’Université d’Exeter en Grande-Bretagne, une grande partie des différences sexuelles n’ont aucune base génétique et sont le résultat de l’environnement. Selon les chercheurs, des milliers d’années de vie dans un environnement sexo-spécifique ont « dispensé » nos gènes de la nécessité de développer les mécanismes qui assurent les différences de comportement entre les sexes.
Nul ne doute plus que l’environnement joue un rôle important dans la perpétuation des différences entre les hommes et les femmes en termes de comportement, de préférences et de capacités. Mais beaucoup pensent que ces distinctions existeraient même dans un environnement totalement égalitaire car elles découlent selon eux de différences biologiques entre les sexes. Pourtant, selon Daphna Joel : « Le fait qu’un comportement particulier réapparaisse à chaque génération ne signifie pas nécessairement qu’il soit inscrit dans nos gènes« .
Des moutons élevés par des chèvres préfèreront s’accoupler avec des chèvres
Pour essayer de comprendre l’hypothèse des chercheurs, il faut déconstruire l’analogie généralement admise entre l’hérédité, transfert d’informations de génération en génération, et la génétique, transfert de l’information d’une génération à l’autre par les gènes. Les développements récents des théories de l’évolution, notamment les travaux du Pr Hava Yablonka de l’Université de Tel-Aviv, montrent que la transmission intergénérationnelle peut également se produire en dehors des gènes, par exemple par l’épigénétique, le comportement ou les symboles.
« Lorsque l’environnement est suffisamment stable, il peut fournir les conditions de l’apparition d’un comportement qui passe d’une génération à l’autre« , explique le Pr Joel. « Par exemple, on pense généralement que les moutons préfèrent s’accoupler avec des moutons – préférence qui présente un avantage clair sur le plan de l’évolution – pour des raisons génétiques. Mais des expériences ont montré que des moutons élevés par des chèvres préféreront s’accoupler avec des chèvres plutôt qu’avec d’autres moutons« .
En d’autres termes, les gènes ne sont pas les seuls facteurs de l’hérédité. L’animal hérite aussi d’un environnement comprenant entre autre des animaux du même type que lui. Un tel environnement diminue la nécessité de développer les mécanismes génétiques responsables du développement des préférences sexuelles. Une génération de changements environnementaux suffit donc à modifier totalement les préférences sexuelles : au lieu de préférer les moutons, l’agneau élevé avec des chèvres optera pour les chèvres. Cela peut sembler surprenant, mais c’est ne l’est pas : dans la nature pendant des générations les agneaux ont toujours été élevé par des brebis, et donc il n’a jamais existé de conditions dans lesquelles une sélection génétique aurait pu s’opérer pour que les moutons préfèrent s’accoupler avec des moutons plutôt qu’avec des chèvres par exemple.
Les différences de comportement peuvent découler d’un environnement permanent au fil des générations
Selon les chercheurs, ces principes peuvent également être vrais pour les différences entre les femmes et les hommes : « le fait que les humains vivent depuis des milliers d’années dans des environnements extrêmement sexo-spécifiques, où garçons et filles sont élevés de manière très différente depuis leur naissance, permet d’émettre l’hypothèse qu’il n’y a aucune pression sur les gènes pour qu’ils développent une quelconque préférence. Donc au moins une grande partie des différences que nous connaissons entre les sexes n’a pas de fondement génétique, justement parce que l’environnement les a provoqué au fil des générations. Il est possible par exemple que les filles préfèrent jouer à la poupée et les garçons au ballon non parce que c’est « inscrit dans nos gènes« , mais parce que nous apprenons de notre environnement. Il se trouve que la capacité d’une guenon à prendre soin de son enfant dépend du fait qu’elle ait grandi avec d’autres singes. Les différences de comportement ne proviennent donc pas forcément des gènes mais peuvent découler d’un environnement permanent au fil des générations
« La perspective selon laquelle la plupart des différences entre les sexes découlent de notre environnement sexo-specifique au lieu d’être inscrites dans nos gènes est plutôt une bonne nouvelle« , conclue le Pr Joel. « En effet, à l’encontre du potentiel génétique, l’environnement culturel peut être modifié. Mais il faut se rappeler que nous vivons dans un monde très sexué, depuis les jouets donnés aux bébés jusqu’à l’attitude de nos parents, en passant par celle des enseignants, des amis, la presse, la littérature, le cinéma, la télévision, et même les annonces publicitaires ; et donc il ne suffit pas de modifier un seul aspect culturel pour provoquer un changement dans les différences entre les sexes au niveau de la population« .
Publication dans Trends in Cognitive Sciences, août 2017
Auteur, Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédactrice en chef de la newsletter Université de Tel-Aviv/AFAUTA[:en]The different ways men and women behave, passed down from generation to generation, can be inherited from our social environment — not just from genes, according to a new study.
Rather than the sexes acting differently because of genetic inheritance, the human environment and culture allow for the transfer of some gender-specific behavior traits from generation to generation. New advances in evolutionary theory, and current models of how sex influences the brain, suggest that the interactions between the genetic and hormonal components of sex, along with other factors, create variability between individuals for some gender-related traits, while environmental factors supply the stable conditions needed for the reproduction of those traits in each generation.
The study was conducted by Prof. Cordelia Fine of the University of Melbourne, Prof. John Dupré of the University of Exeter and Prof. Daphna Joel from Tel Aviv University. It was recently published in Trends in Cognitive Sciences.
These two important shifts in scientific thinking point to the possibility that gender roles examined across different generations are sometimes best explained in terms of inherited socio-environmental conditions. « Even in non-human mammals, adaptive traits that have reliably developed in offspring for thousands of years can disappear within a few generations, if the relevant environmental conditions change, » said Prof. Dupré.
« Genetic inheritance continues to be critical for the capacity to quickly learn an adaptive behavior, but environmental factors that are stable over generations remove any selective pressure for the development of parallel genetic mechanisms, » Prof. Dupré observed.
The researchers studied recent thinking from evolution theory and recent findings from studies of the relations between sex and the brain for the study.
As part of another study, Prof. Joel and colleagues found that human brains are composed of unique mosaics of features, some more common in one sex than in the other.
« Masculine and feminine behaviors cannot be explained by the existence of male and female brains, as has previously been suggested, » Prof. Joel said. « Our research suggests that intergenerational inheritance of gender-specific traits may be better explained by highly stable features of the social environment. »
The article says non-genetic mechanisms may be particularly important in humans because our culture strongly encourages us to have male or female roles. The enormous human capacity to learn also allows for information to be passed from generation to generation.
« We need to question the pervasive assumption that it is always biological sex, via its direct action on the brain, that does the ‘heavy lifting’ when it comes to the gender traits we inherit and display, » Prof. Fine said.
Publication in Trends in Cognitive Sciences, August 2017[:]