Université de Tel-Aviv : changer l'ADN des bactéries pathogènes pour restaurer leur sensibilité aux antibiotiques

[:fr]Le Pr Udi Qimron de l’université de Tel Aviv et son équipe s’étaient déjà illustrés en 2015 en utilisant des techniques de séquençage à haut débit de l’ADN qui ont permis aux chercheurs d’identifier une nouvelle petite protéine (Gp 0,6) qui inhibe une autre protéine nécessaire à la survie de la bactérie. (voir article précédent dans Israël Science Info)

A nouveau, une équipe de la Faculté de Médecine de l’Université de Tel-Aviv (Dr. Ido Yosef et Moran Goren et les doctorants Rea Globus et Shahar Molshanski-Mor sous la direction du Prof. Udi Qimron) qui a développé une technologie de pointe susceptible de neutraliser l’activité nuisible des bactéries pathogènes et de restaurer leur sensibilité aux antibiotiques. La nouvelle méthode, basée sur l’élargissement de la gamme d’action des bactériophages, virus infectant les bactéries, servira de base au développement de médicaments innovants.

La résistance aux antibiotiques développée par les bactéries est l’une des plus grandes menaces connues pour la médecine actuelle. A présent, les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont développé une technologie de pointe basée sur l’élargissement de la gamme d’action des bactériophages (nom composé de ‘bactérie’ et ‘phage’ – manger), virus qui attaquent les bactéries dans le corps humain en leur insérant un nouvel ADN qui perturbe leur activité.

Un seul bactériophage pour affronter des dizaines de bactéries

« Ces dernières années, la science utilise les capacités du génie génétique pour lutter contre les bactéries pathogènes, y compris celles qui résistent aux antibiotiques, et redeviennent agressives et dangereuses », explique le Pr Qimron. « Nous tentons de modifier les propriétés des bactéries en changeant  leur ADN. De cette façon, nous pouvons leur donner les caractéristiques que nous choisissons, et neutraliser leurs fonctionnalités nuisibles pour l’homme, comme la création de toxines, la production de maladies et la résistance aux antibiotiques ».

Le fait d’utiliser les bactériophages contenus dans le corps humain, possédant une ‘expérience’ de milliards d’années d’évolution dans la pénétration des bactéries, pour leur introduire un nouvel ADN, est courant. Mais, selon le Pr Qimron, « le processus s’est heurté jusqu’ici à un obstacle important : chaque bactériophage attaque de manière sélective un nombre très limité de types de bactéries. En d’autres termes, pour introduire de l’ADN dans une bactérie particulière les chercheurs doivent utiliser le bactériophage spécifique qui lui convient, ce qui rend la technique difficile, et réduit en grande partie ses possibilités. Nous avons mis au point un bactériophage capable de s’attaquer à un nombre considérable de microbes, et donc d’élargir la gamme des hôtes bactériens auxquels il peut injecter l’ADN désiré ».

Transformer les bactériophages

Dans une première étape, les chercheurs ont conçus des bactériophages qui convenaient à leur but. « Chaque bactériophage se compose d’une tête et d’une queue », explique le Pr Qimron. « La tête contient du matériel génétique et la queue cible et se connecte à une bactérie spécifique, et lui injecte ce matériel. En utilisant des techniques de génie génétique, nous avons pu transformer les bactériophages de la tête à la queue. Nous avons introduit dans la tête l’ADN que nous désirions, par exemple de l’ADN qui augmente la sensibilité des bactéries aux antibiotiques, et nous avons relié à chaque tête la queue qui lui convient, pour qu’elle se fixe sur les bonnes bactéries ». Comme preuve du potentiel du processus innovant de ces croisements, les chercheurs ont créé un bactériophage capable d’injecter l’ADN sélectionné à des dizaines d’espèces différentes de bactéries.

La deuxième partie de l’étude visait à améliorer la capacité des bactériophages a transférer de l’ADN à la bactérie choisie. « Nous avons adopté la méthode de l’évolution accélérée en laboratoire », explique le Pr Qimron. «Nous avons mis en présence in vitro une bactérie avec des milliards de bactériophages possédant des queues différentes. Seuls ceux dont la queue convenait à la bactérie ont pu y introduire l’ADN. Cela a créé une sélection évolutionnaire en faveur de ces queues. Après un grand nombre de cycles de sélection, nous avons pu produire des bactériophages à la queue qui injectent de l’ADN à cette même bactérie avec une efficacité multipliée ».

Udi Qimron conclut : « changer l’ADN des bactéries pathogènes en utilisant des bactériophages est une technologie prometteuse dans la lutte contre de nombreuses maladies. Entre autre, elle peut aider à restaurer la sensibilité aux antibiotiques des bactéries qui ont développé une résistance aux médicaments communs. Nous croyons que notre technique contribuera à de grands progrès dans ce sens, et servira de base pour de futurs médicaments innovants ».

La recherche a été financée par le Fonds Momentum de Ramot, la société de commercialisation de technologies de l’Université de Tel-Aviv, créé dans le but de financer la recherche de pointe. Le projet a été identifié il y a deux ans à son stade préliminaire et a bénéficié d’un financement à hauteur de 700 000 dollars à ce jour, exceptionnel dans le champ universitaire, qui a permis le développement des recherches à un stade avancé.

Publication dans Molecular Cell, juin 2017.

Auteur, Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédactrice en chef de la newsletter Université de Tel-Aviv/AFAUTA[:en]Antimicrobial resistance is one of the biggest threats to global health, affecting anyone, at any age, in any country, according to the World Health Organization. Currently, 700,000 deaths each year are attributed to antimicrobial resistance, a figure which could increase to 10 million a year by 2050 save further intervention.

New breakthrough technology from Tel Aviv University facilitates DNA delivery into drug-resistant bacterial pathogens, enabling their manipulation. The research expands the range of bacteriophages, which are the primary tool for introducing DNA into pathogenic bacteria to neutralize their lethal activity. A single type of bacteriophage can be adapted to a wide range of bacteria, an innovation which will likely accelerate the development of potential drugs based on this principle.

Prof. Udi Qimron of the Department of Clinical Microbiology and Immunology at TAU’s Sackler Faculty of Medicine led the research team, which also included Dr. Ido Yosef, Dr. Moran Goren, Rea Globus and Shahar Molshanski, all of Prof. Qimron’s lab. The study was recently published in Molecular Cell and featured on its cover.

For the research, the team genetically engineered bacteriophages to contain the desired DNA rather than their own genome. They also designed combinations of nanoparticles from different bacteriophages, resulting in hybrids that are able to recognize new bacteria, including pathogenic bacteria. The researchers further used directed evolution to select hybrid particles able to transfer DNA with optimal efficiency.

« DNA manipulation of pathogens includes sensitization to antibiotics, killing of pathogens, disabling pathogens’ virulence factors and more, » Prof. Qimron said. « We’ve developed a technology that significantly expands DNA delivery into bacterial pathogens. This may indeed be a milestone, because it opens up many opportunities for DNA manipulations of bacteria that were impossible to accomplish before.

« This could pave the way to changing the human microbiome — the combined genetic material of the microorganisms in humans — by replacing virulent bacteria with a-virulent bacteria and replacing antibiotic-resistant bacteria with antibiotic-sensitive bacteria, as well as changing environmental pathogens, » Prof. Qimron continued.

« We have applied for a patent on this technology and are developing products that would use this technology to deliver DNA into bacterial pathogens, rendering them a-virulent and sensitive to antibiotics, » Prof. Qimron said.

The research has been granted $700,000 from the Momentum Fund, a unique $24,000,000 fund established by Ramot, Tel Aviv University’s business engagement center. This funding enables the advanced development of this technology within TAU laboratories. The Momentum Fund invests in promising breakthrough technologies in a wide range of fields, including pharmaceuticals, healthcare, high-tech and the physical sciences. Tata Group is the lead investor of the Momentum Fund. Singapore-based Temaske is another key investor.

Publication in Molecular Cell, June 2017[:]