Weizmann (Israël) : les microplastiques sont entraînés de l’océan vers l’atmosphère
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Alors que le plastique dans les océans se décompose en morceaux de plus en plus petits sans se décomposer chimiquement, les microplastiques qui en résultent deviennent un grave problème d’environnement. Une nouvelle étude de l’Institut Weizmann des Sciences (Israël) révèle un aspect troublant des microplastiques, définis comme des particules de moins de 5mm de diamètre. Ils sont emportés dans l’atmosphère et transportés par le vent vers des zones éloignées de l’océan, y compris dans des zones qui semblent épargnées.
L’aérosolisation est le processus ou l’acte de conversion d’une substance physique sous forme de particules suffisamment petites et légères pour être transportées dans l’air, c’est-à-dire en aérosol (wikipedia).
L’étude révèle que ces minuscules fragments peuvent rester en suspension dans l’air plusieurs heures ou plusieurs jours, augmentant le risque de nuire à l’environnement marin, de remonter la chaîne alimentaire et d’affecter la santé humaine. «Quelques études ont trouvé des microplastiques dans l’atmosphère juste au-dessus de l’eau près des rives», explique le Dr Miri Trainic, dans les groupes du Pr Ilan Koren du Département des sciences de la Terre et des planètes de l’Institut en collaboration avec celui du Pr Yinon Rudich du même département, et le Pr Assaf Vardi du Département des sciences végétales et environnementales de l’Institut. « Mais nous avons été surpris de trouver une quantité non négligeable au-dessus d’une eau apparemment vierge ».
Ilan Koren et Assaf Vardi collaborent depuis plusieurs années à des études visant à comprendre l’interaction entre l’océan et l’air. Si la manière dont les océans absorbent les matériaux de l’atmosphère a été bien étudiée, le processus inverse – l’aérosolisation, par laquelle des volatiles, des virus, des fragments d’algues et d’autres particules sont entraînés de l’eau de mer vers l’atmosphère – a été beaucoup moins étudié. Des échantillons d’aérosols ont été collectés pour les laboratoires Weizmann lors de la traversée du navire de recherche Tara en 2016, une goélette sur laquelle plusieurs équipes de recherche internationales se réunissent à la fois pour étudier les effets du changement climatique, principalement sur biodiversité marine.
L’équipe de Weizmann a posé leur équipement de mesure au sommet d’un des mâts de Tara (afin d’éviter les aérosols produits par la goélette elle-même) et le Dr J. Michel Flores, du groupe Koren, a rejoint la mission de collecte pendant que la goélette traversait l’océan Atlantique Nord.
Identifier et quantifier les morceaux de microplastiques piégés dans leurs échantillons d’aérosol ne fut pas chose facile car les particules furent difficiles à détecter au microscope. Pour comprendre quel plastique pénétrait dans l’atmosphère, l’équipe a effectué des mesures de spectroscopie portable Raman avec l’aide du Dr Iddo Pinkas du soutien à la recherche chimique de l’Institut afin de déterminer leur composition chimique et leur taille.
Les chercheurs ont détecté des niveaux élevés de plastiques courants (polystyrène, polyéthylène, polypropylène…) dans leurs échantillons. Ensuite, en calculant la forme et la masse des particules de microplastiques, ainsi que les directions et les vitesses moyennes du vent sur les océans, l’équipe a montré que la source de ces microplastiques était très probablement les sacs en plastique et autres déchets plastiques qui avaient été jetés près du rivage. et s’est frayé un chemin dans l’océan à des centaines de kilomètres. La vérification de l’eau de mer sous les sites d’échantillonnage a montré le même type de plastique que dans l’aérosol, ce qui appuie l’idée que les microplastiques pénètrent dans l’atmosphère par des bulles à la surface de l’océan ou sont ramassés par les vents et transportés par les courants d’air vers des régions éloignées. de l’océan.
«Une fois que les microplastiques sont dans l’atmosphère, ils sèchent et ils sont exposés à la lumière UV et aux composants atmosphériques avec lesquels ils interagissent chimiquement. Les particules qui retombent dans l’océan sont susceptibles d’être encore plus nocives ou toxiques qu’auparavant pour toute vie marine qui les ingère», explique Miri Trainic. «De plus, certains de ces plastiques deviennent des supports pour la croissance bactérienne de toutes sortes de bactéries marines, de sorte que le plastique en suspension dans l’air pourrait offrir un tour gratuit à certaines espèces, y compris les bactéries pathogènes qui sont nocives pour la vie marine et humains », ajoute Assaf Vardi.
«La quantité réelle de microplastique dans les aérosols océaniques est presque certainement supérieure à ce que nos mesures ont montré, car notre configuration n’a pas été en mesure de détecter ces particules en dessous de quelques micromètres. En plus des plastiques qui se décomposent en morceaux encore plus petits, il y a les nanoparticules qui sont ajoutées aux cosmétiques et qui sont facilement lavées dans l’océan, ou qui se forment dans l’océan par fragmentation microplastique», explique Miri Trainic. Dans le cas des particules de plastique, la taille importe parce que les particules plus légères peuvent rester en suspension pendant de plus longues périodes.
Lorsqu’elles atterrissent à la surface de l’eau, elles sont plus susceptibles d’être avalées par une faune marine tout aussi petite, qui, bien entendu, ne peut pas les digérer. Ainsi, chacune de ces particules peut nuire à un organisme marin ou remonter la chaîne alimentaire et dans notre corps. «Enfin, comme tous les aérosols, les microplastiques font partie des grands cycles planétaires, par exemple, le carbone et l’oxygène, car ils interagissent avec d’autres parties de l’atmosphère. Parce qu’ils sont à la fois légers et durables, nous verrons plus de microplastiques transportés dans l’air à mesure que les plastiques qui polluent déjà nos océans se décomposent, même si nous n’ajoutons plus de plastiques à nos voies navigables», déclare Ilan Koren.
Le Pr Ilan Koren est directeur du centre de Botton pour les sciences marines. Chef du Centre de la famille Sussman pour l’étude des sciences de l’environnement ; et chef du Centre de recherche sur l’eau et le climat de la Fondation Dr. Scholl.
Publication dans Nature 18 déc. 2020
Traduction/adaptation Esther Amar pour Israël Science Info
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As the plastic in our oceans breaks up into smaller and smaller bits without breaking down chemically, the resulting microplastics are becoming a serious ecological problem. A new study at the Weizmann Institute of Science reveals a troubling aspect of microplastics – defined as particles smaller than 5 mm across. They are swept up into the atmosphere and carried on the wind to far-flung parts of the ocean, including those that appear to be clear. Analysis reveals that such minuscule fragments can stay airborne for hours or days, spreading the potential to harm the marine environment and, by climbing up the food chain, to affect human health.
“A handful of studies have found microplastics in the atmosphere right above the water near shorelines,” says Dr. Miri Trainic, in the groups of Prof. Ilan Koren of the Institute’s Earth and Planetary Sciences Department in collaboration with that of Prof. Yinon Rudich of the same department, and Prof. Assaf Vardi of the Institute’s Plant and Environmental Sciences Department. “But we were surprised to find a non-trivial amount above seemingly pristine water.”
Koren and Vardi have been collaborating for a number of years on studies designed to understand the interface between ocean and air. While the way the oceans absorb materials from the atmosphere has been well studied, the opposite-direction’s process – aerosolization, in which volatiles, viruses, algal fragments and other particles are swept from seawater into the atmosphere – had been much less investigated.
As part of this ongoing effort, aerosol samples were collected for study in the Weizmann labs during the 2016 run of the Tara research vessel, a schooner on which several international research teams at a time come together to study the effects of climate change, primarily on marine biodiversity. The Weizmann team affixed the inlet of their measuring equipment to the top of one of the Tara’s masts (so as to avoid any aerosols produced by the schooner, itself) and Dr. J. Michel Flores, of Koren’s group, joined the mission to tend to the collecting as the schooner sailed across the North Atlantic Ocean.
Identifying and quantifying the microplastic bits trapped in their aerosol samples was far from easy, as the particles turned out to be hard to pick out under the microscope. To understand exactly what plastic was getting into the atmosphere, the team conducted Raman spectroscopy measurements with the help of Dr, Iddo Pinkas of the Institute’s Chemical Research Support to determine their chemical makeup and size. The researchers detected high levels of common plastics – polystyrene, polyethylene, polypropylene and more – in their samples. Then, calculating the shape and mass of the microplastic particles, along with the average wind directions and speeds over the oceans, the team showed that the source of these microplastics was most likely the plastic bags and other plastic waste that had been discarded near the shore and made its way into the ocean hundreds of kilometers away.
Checking the seawater beneath the sample sites showed the same type of plastic as in the aerosol, providing support for the idea that microplastics enter the atmosphere through bubbles on the ocean surface or are picked up by winds, and are transported on air currents to remote parts of the ocean.
“Once microplastics are in the atmosphere, they dry out, and they are exposed to UV light and atmospheric components with which they interact chemically,” says Trainic. “That means the particles that fall back into the ocean are likely to be even more harmful or toxic than before to any marine life that ingests them.”
“On top of that,” adds Vardi, “some of these plastics become scaffolds for bacterial growth for all kinds of marine bacteria, so airborne plastic could be offering a free ride to some species, including pathogenic bacteria that are harmful to marine life and humans.”
“The real amount of microplastic in the ocean aerosols is almost certainly greater than what our measurements showed, because our setup was unable to detect those particles below a few micrometers in size,” says Trainic. “For example, in addition to plastics that break down into even smaller pieces, there are the nanoparticles that are added to cosmetics and which are easily washed into the ocean, or are formed in the ocean through microplastic fragmentation.”
Size, in the case of plastic particles, does matter, not only because lighter ones may stay airborne for longer periods. When they do land on the water’s surface, they are more likely to be eaten by equally small marine life, which, of course, cannot digest them. Thus, every one of these particles has the potential to harm a marine organism or to work its way up the food chain and into our bodies.
“Last, but not least, like all aerosols, microplastics become part of the large planetary cycles – for example, carbon and oxygen – as they interact with other parts of the atmosphere,” says Koren. “Because they are both lightweight and long-lived, we will be seeing more microplastics transported in the air as the plastics that are already polluting our oceans break up – even if we do not add any further plastics to our waterways.” he adds.
Prof. Ilan Koren is Head of the de Botton Center for Marine Science; Head of the Sussman Family Center for the Study of Environmental Sciences; and Head of the Dr. Scholl Foundation Center for Water and Climate Research. His research is also supported by Scott Eric Jordan; the Yotam Project; the Estate of Emile Mimran; and the European Research Council.
Prof. Yinon Rudich is Head of the Ilse Katz Institute for Material Sciences and Magnetic Resonance Research; Head of the Helen and Martin Kimmel Institute for Magnetic Resonance Research; and Head of the Nancy and Stephen Grand Research Center for Sensors and Security. His research is also supported by the Dr. Scholl Foundation Center for Water and Climate Research; the David and Fela Shapell Family Foundation INCPM Fund for Preclinical Studies; the Mary and Tom Beck – Canadian Center for Alternative Energy Research; the Benoziyo Endowment Fund for the Advancement of Science; the de Botton Center for Marine Science; Dana and Yossie Hollander; the Ben B. and Joyce E. Eisenberg Foundation; the Zuckerman STEM Leadership Program; Paul and Tina Gardner; Seed for Peace Inc; the estate of Fannie Sherr; the estate of David Levinson; the estate of Raymond Lapon; and the estate of Betty Weneser.
Prof. Assaf Vardi’s research is supported by the Willner Family Leadership Institute for the Weizmann Institute of Science; the de Botton Center for Marine Science; the Bernard and Norton Wolf Family Foundation; Claire and Marc Perlman; Scott Eric Jordan; the estate of Emile Mimran; and the estate of Bernard Berkowitz.
Dr. Iddo Pinkas is the incumbent of the Sharon Zuckerman research fellow chair.
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