Weizmann montre qu'un gène unique est impliqué dans de nombreuses maladies auto-immunes

[:fr]Une maladie auto-immune héréditaire, considérée jusqu’à présent comme extrêmement rare, pourrait avoir aussi une forme moins sévère affectant une personne sur mille, ou même plus, comme le montre une nouvelle recherche menée à l’Institut Weizmann des Sciences (Israël) et à l’université de Bergen (Norvège). Les résultats de cette recherche suggèrent qu’un certain nombre de maladies et de syndromes auto-immuns pourraient être liés aux mutations d’un seul et même gène. Ces résultats, combinés avec d’autres recherches menées dans les laboratoires de Weizmann, pourraient permettre, entre autres, de développer de nouveaux moyens de diagnostiquer et de traiter des troubles auto-immuns.
La forme rare de cette maladie, le syndrome de polyendocrinopathie auto-immune de type 1, est récessive. Elle se développe lorsqu’un enfant hérite de deux versions mutées du gène AIRE (= Auto-Immune REgulator), ce qui provoque un amas dévastateur de problèmes médicaux allant de l’attaque et de la destruction de différents tissus et organes du corps aux infections chroniques. Comme toutes les maladies auto-immunes, elle apparaît lorsque les cellules immunitaires prennent les cellules du soi pour des cellules ‘étrangères’, et attaquent alors les tissus de leur propre corps. Le Dr Jakub Abramson, du département d’Immunologie de l’Institut Weizmann, explique que « le dysfonctionnement du gène AIRE peut affecter des organes si nombreux précisément parce que son rôle est d’empêcher ces attaques auto-immunes en supervisant la formation des cellules immunitaires à ignorer les antigènes produits par notre corps, et à attaquer uniquement celles des pathogènes envahisseurs« .
Le gène AIRE s’exprime presque exclusivement dans un seul organe, le thymus. C’est précisément dans ce petit organe que les cellules T, qui constituent les ‘forces spéciales’ du système immunitaire, subissent un genre de ‘de formation initiale’ avant d’être libérées dans la circulation sanguine pour leur mission de défense. Dans le thymus, le gène AIRE est actif dans des cellules inhabituelles, les cellules épithéliales thymiques médullaires (mTECs) qui se conduisent comme des ‘inspecteurs’ examinant les cellules T pour s’assurer qu’elles ne réagiront à aucun des milliers d’antigènes du soi qui sont produits naturellement dans le corps. Pour cela, les mTECs font cela en créant une bibliothèque complète d’expressions géniques, exprimant presque tous les gènes du génome, et testant la réaction des cellules T pour chacun d’eux. Tout celles qui s’attaquent à un antigène du soi sont éliminées au niveau du thymus avant d’arriver aux autres organes. Comme son nom le suggère, le gène AIRE est responsable de ce processus ; il contrôle, au niveau du thymus, l’expression de milliers de gènes codant pour les antigènes du soi, comme par exemple l’insuline.
Il est évident que les personnes porteuses de mutations des deux copies du gène AIRE souffrent d’un grave syndrome auto-immun. Mais qu’en est-il de ceux qui sont porteurs d’une mutation d’une seule copie du gène AIRE ? Selon l’opinion médicale courante, la maladie est récessive, ce qui veut dire que les symptômes ne se présentent que si les deux copies du gène AIRE sont mutées. Le Dr Jakub Abramson et le Dr Eystein S. Husebye, de l’université de Bergen, ont contesté cette notion largement acceptée, et ils ont démontré qu’il suffit de la mutation d’une seule copie du gène AIRE pour perturber son fonctionnement et provoquer une très grave auto-immunité. Ceci vient du fait que les protéines AIRE se lient les unes aux autres, formant un complexe actif et, comme dans d’autres cas semblables, une mutation spécifique d’une seule copie suffit à perturber le fonctionnement d’un complexe entier d’une manière considérée ‘dominante’.
Cette étude a été entreprise suite à une observation clinique inhabituelle dans le laboratoire du Dr Husebye, où on avait examiné un patient ayant un syndrome auto-immun qui semblait indiquer des mutations récessives d’AIRE. Cependant lorsque le gène AIRE a été analysé, on a trouvé une mutation d’une seule copie du gène. Le groupe a alors analysé les enfants du patient. Ceux qui étaient porteurs de la simple copie mutée avaient développé une maladie auto-immune plus légère, qui ne correspondait pas aux symptômes du syndrome récessif de dysfonctionnement d’AIRE. Les Drs Abramson et Husebye ont émis l’hypothèse que ces mutations dominantes d’AIRE pourraient être une cause courante de maladies auto-immunes. Les deux groupes de recherche ont fait différentes expériences en laboratoire, et ont aussi étudié les données médicales recueillies en Norvège, en Finlande et en Russie, dans des familles atteintes de différentes formes d’auto-immunité. Ils ont découvert que beaucoup de familles (mais pas toutes), dont les informations génétiques révélaient des mutations d’une seule copie du gène, avaient été diagnostiquées comme ayant différents syndromes et maladies auto-immuns.

Des recherches ultérieures ont montré que seules des mutations situées à certains endroits du gène AIRE confèrent une dominance du gène muté sur le gène sain. Il est cependant intéressant de constater que le gène sain n’est pas complètement neutralisé : la forme dominante de la maladie est moins sévère, elle apparaît à un âge plus avancé, et peut affecter moins d’organes que la forme récessive dans laquelle les deux copies sont mutées. Combien de personnes pourraient être atteintes de la maladie immunitaire dominante due à la mutation du gène AIRE ? En se basant sur les données génétiques disponibles, les chercheurs estiment qu’au moins une personne sur mille pourrait présenter ces mutations. Selon le Dr Abramson, un disfonctionnement du gène AIRE dominant pourrait expliquer le mécanisme d’un certain nombre de maladies auto-immunes.
Au cours d’une autre recherche sur AIRE, récemment publiée dans la revue Nature Immunology, le Dr Abramson et son groupe ont découvert que le régulateur essentiel est lui-même contrôlé par un autre régulateur : un gène nommé Sirt1. Les gènes Sirt sont actifs partout dans le corps, et une étude récente a montré qu’ils jouent un rôle dans le métabolisme, la longévité et la fécondité. Le Dr Abramson et son groupe ont découvert que les mTECs contiennent des niveaux exceptionnellement élevés de protéine Sirt1, environ 100 fois plus que la moyenne. En d’autres termes, les mTECs sont les principales cellules exprimant les gènes Sirt1 dans l’ensemble du corps. Un examen plus approfondi a montré que le Sirt1 est là pour s’assurer que la protéine AIRE est activée ; elle supprime un groupe chimique de la structure d’AIRE, déclanchant ainsi le processus d’expression génique des mTECs.
La collaboration récemment découverte de ces deux gènes pourrait faire la lumière sur les causes de différentes maladies auto-immunes, comme par exemple le diabète de type 1 caractérisé par la destruction auto-immune des cellules bêta dans le pancréas. De plus, elle pourrait améliorer le diagnostic des maladies auto-immunes, et indiquer la démarche à suivre pour développer les médicaments qui permettront de lutter contre ces maladies.

Publication dans Immunity, Juin 2015[:en]

A hereditary autoimmune disease that was thought to be exceedingly rare may have a less severe form that affects one in 1,000 people or even more, according to new research conducted at the Weizmann Institute of Science, in Israel, and the University of Bergen, in Norway. The results of this research suggest that a number of different autoimmune diseases and syndromes may be tied to mutations in a single gene. Among other things, these findings, combined with other research in the Weizmann lab, may help provide new means of diagnosing and treating autoimmune disorders.
The rare form of the disease, Autoimmune polyendocrine syndrome type-1, is recessive: It occurs when a child inherits two mutated versions of the AIRE (AutoImmune REgulator) gene, causing a devastating constellation of medical problems ranging from an attack on and destruction of multiple body’s tissues and organs, to chronic infections. Like all autoimmune diseases, it arises when the body’s immune cells mistake “self” for “foreign,” and thus assault the body’s own tissue. Dr. Jakub Abramson of the Weizmann Institute’s Immunology Department explains that a malfunctioning AIRE gene is able to affect so many organs because it has the unique job of preventing such autoimmune attacks by overseeing the training of the immune cells to ignore our self-made antigens and only attack those of invading pathogens.
The AIRE gene is almost exclusively expressed in just one organ – the thymus. This small organ is where T cells – the “special forces” of the immune system – undergo a sort of “basic training” before being released into the bloodstream for their defense mission. In the thymus, AIRE operates in unusual cells called medullary thymic epithelial cells, or mTECs, that act as “examiners,” checking T cells to make sure that they will not react to any of the thousands of self-antigens produced naturally in the body. The mTECs do this by creating a comprehensive gene expression library – expressing almost every gene in the genome – and testing T cells for their reaction to each. Any that go after a self-antigen are eliminated in the thymus, before they get to other organs. As its name suggests, the AIRE gene is in charge of this whole process; it controls the expression of thousands of self-antigen genes, for example, insulin, within the thymus.
Clearly people carrying mutations in both copies of the AIRE gene suffer from a severe autoimmune syndrome, but what about those who carry a mutation in only one copy of the AIRE gene? The common medical wisdom says that the disease is recessive – that is, symptoms will only arise if both copies of the AIRE gene are mutated. Abramson and Dr. Eystein S. Husebye of the University of Bergen challenged this widely accepted notion, however; they demonstrated that even mutation in a single copy of the AIRE gene may be enough to disrupt its function and cause devastating autoimmunity. This is because AIRE proteins bind to one other, forming an active complex and, as in other, similar cases, a specific mutation in one copy is enough to disrupt the function of the entire complex in a so-called dominant manner.
The study arose from an unusual clinical observation in Husebye’s lab, in which a patient had an autoimmune syndrome pointing to recessive AIRE mutations. However, when the AIRE gene was analysed they found a mutation in only one copy of the AIRE gene. The group then analysed the children of this patient: Those carrying the single mutated copy had also developed an autoimmune disorder, but it was milder and did not match the symptoms of the recessive AIRE-dysfunction syndrome. Abramson and Husebye hypothesized that such dominant AIRE mutations may be a common cause of autoimmune disorders. To address this question, the two research groups performed various experiments in the lab and also looked at medical data that had been collected from families in Norway, Finland and Russia who suffered from various forms of autoimmunity. They found that many – but not all – of those whose genetic information revealed mutations in just one copy of the gene had been diagnosed with various autoimmune syndromes and disorders.
Further research revealed that only mutations at certain sites of the AIRE gene confer dominance over the healthy gene. Interestingly, however, the healthy gene is not completely negated: The dominant version of the disease is less severe, appears later in life, and may affect fewer organs than in the recessive version where both copies are mutated.
How many people could be suffering from dominant AIRE-mutation autoimmune disease? Based on available genetic data, the researchers estimate that at least one in 1,000 people may have such mutations. “A dominant AIRE malfunction could explain the mechanism of a number of autoimmune diseases,” says Abramson.
In other research into AIRE, which recently appeared in Nature Immunology, Abramson and his group discovered that the master regulator is, itself, regulated by another regulator – a gene called Sirt1. Sirt genes are active in every corner of the body; recent research has shown them to be involved in metabolism, longevity and fertility. But Abramson and his group found that the mTECs had exceptionally high levels of the Sirt1 protein – about 100 times the average. In other words,  mTECS are the prime Sirt1-expressing cells in the entire body. A closer look revealed that the Sirt1 is there to ensure that the Aire protein is activated; it removes a chemical group from the Aire structure, thus initiating the mTEC gene expression process.
This newly-discovered partnership between the two genes may shed some important light on the causes of various autoimmune diseases, for example, type1 diabetes, a disease characterized by autoimmune destruction of the beta cells in the pancreas. In addition, it may improve the diagnosis of autoimmune disorders and point the way to drug development for a number of these diseases.
Publication in Immunity, June 2015

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