Lorsque les trottoirs et les arrêts de bus sont exposés au soleil brûlant, marcher et faire du vélo deviennent insupportables

Zavit. L’absence d’ombrage nous rend réticents à utiliser le bus et le train et le vélo ou à marcher, et nous pousse à revenir à la voiture dotée de climatisation, ce qui aggrave les embouteillages et la pollution. En vous levant le matin pour aller au travail, vous descendez la rue principale en direction de l’arrêt de bus ou de train, et la chaleur vous frappe de toutes parts : du trottoir, des murs des bâtiments, de l’air. Il n’y avait presque pas d’ombre : pas d’arbre, pas d’abri, pas de protection solaire. Vous vous dépêchez et transpirez. Le lendemain, pareil et le surlendemain aussi. Jusqu’à ce qu’à un moment donné, sans le dire explicitement, vous choisissez la voiture climatisée, même si cela impliquait de rester une heure dans les embouteillages. Car sans ombre, même le chemin le plus court jusqu’à l’arrêt de bus devient un défi quotidien. L’ombre n’est pas seulement une question de confort, c’est une condition nécessaire à la mobilité urbaine. Sans elle, marcher devient inutile, attendre les transports en commun devient insupportable et faire du vélo est quasiment impossible. Ainsi, chaque carrefour non ombragé et chaque arrêt de bus exposé nous pousse un peu plus vers la voiture individuelle, vers des routes encombrées et vers un air pollué.

Ombrage, l‘infrastructure oubliée

« De plus en plus de gens arrêtent de marcher ou de faire du vélo en été », explique Yael Dori, architecte paysagiste et urbaniste, responsable de l’urbanisme chez Adam Teva Ve Din. En l’absence d’ombre, l’espace public devient moins accessible. « Ce n’est pas une question de commodité, mais d’accessibilité et de sécurité », explique-t-elle. L’eau, l’électricité, les trottoirs et les transports en commun sont considérés comme des infrastructures de base, mais l’ombre ? Il semble que la politique d’urbanisme israélienne en fasse toujours défaut. C’est précisément à l’heure où les vagues de chaleur se multiplient que l’ombrage est marginalisé. « La politique d’urbanisme actuelle ne considère pas du tout l’ombre comme une infrastructure », souligne Dori.Selon elle, bien que l’ombre soit essentielle pour se préparer à la crise climatique, elle est rarement prise en compte dans les processus de planification et d’aménagement. L’idée dominante est que l’ombre se limite aux arbres et qu’il n’existe aucune combinaison de solutions structurelles, artificielles et dynamiques dans la planification globale.

Les infrastructures d’eau, d’électricité et d’assainissement sont soumises à un système de normes rigide. Les arbres et autres solutions d’ombrage ne sont soumis à aucune norme, et donc, même en période de crise climatique, l’ombrage reste un « luxe » au lieu d’être un élément fondamental de l’urbanisme. Dori souligne que le système de planification souffre d’une rigidité organisationnelle : il s’en tient aux habitudes existantes et préfère ne pas alourdir la charge des entrepreneurs. Il en résulte un manque de directives exigeant l’ombrage, un manque d’outils pour créer de l’ombrage et un manque de sensibilisation qui perpétue ce fossé. Les dommages causés par le manque d’ombrage sont particulièrement graves pour les enfants et les jeunes, les personnes âgées et les personnes handicapées, des populations qui dépendent plus que les autres de l’espace public. De plus, l’ombre impacte également notre santé. « L’ombre réduit l’exposition au soleil et contribue à prévenir le cancer de la peau, les arbres améliorent la qualité de l’air et soulagent les problèmes respiratoires », explique Dori. De plus, la présence humaine dans l’espace public renforce le sentiment de sécurité. « Sans ombre, les gens ne sortent tout simplement pas. Cela nuit à l’activité physique et aux rassemblements sociaux qui se déroulent dans les espaces publics », déclare-t-elle.

Ombrage à la demande du Contrôleur de l’état

Ces derniers mois, il semble que le système se réveille. Un rapport du Contrôleur de l’État, publié en juillet, l’affirmait sans équivoque : plus de 70 % des autorités ne mettent pas en œuvre correctement les programmes d’ombrage. Nombre d’entre elles ne mesurent même pas l’étendue de l’ombrage sur leurs terres. Nombre d’arbres plantés sont abattus ou meurent en quelques années en raison d’un manque de surveillance, d’un manque d’entretien et parce qu’ils sont plantés dans un sol pauvre ou à proximité d’infrastructures existantes qui limitent la croissance des racines et le développement des arbres. En juillet dernier, un projet de loi a été déposé visant à transformer l’ombrage, d’une exigence imprécise, en une directive obligatoire : chaque plan de construction devra inclure une annexe sur l’ombrage et prévoir au moins 50 % d’ombrage dans les espaces publics.

Les autorités seront tenues d’établir un document municipal sur l’ombrage, de réaliser des relevés et de nommer une personne responsable de cette question. La loi vise également à donner la priorité à la préservation des arbres matures et à stipuler que le formulaire Le permis 4 ne sera pas délivré aux nouveaux bâtiments si les espaces publics adjacents et leurs accès ne respectent pas les objectifs d’ombrage. Pour que ce changement se concrétise, Dori propose trois mesures immédiates : cartographier l’ombrage existant dans les zones des collectivités locales, fixer des objectifs et des itinéraires pour la réalisation des réseaux d’ombrage, et nommer un responsable de l’ombrage au sein de chaque collectivité, doté de l’expertise nécessaire, qui travaillera chaque année à la mise en œuvre d’un autre volet du plan local d’ombrage. Ces mesures, associées à l’obligation de contrôle et d’entretien, feront de l’ombrage un outil efficace pour faire face à la crise climatique et promouvoir la résilience sociale et l’égalité spatiale. Une stratégie pour l’ombrage

Les initiatives professionnelles se multiplient

Parallèlement, les initiatives professionnelles se multiplient dans le domaine de l’ombrage urbain. Une étude menée par les Drs Or Alexandrovich, Daniel Rosenberg et David Perlmutter, en collaboration avec l’Open University et l’Université Ben Gourion du Néguev, a proposé une méthode basée sur les données pour prioriser l’ombrage afin d’encourager l’utilisation des transports en commun en fonction des charges thermiques. Il s’agit de développer l’ombrage sur les rues centrales menant aux lignes de transport en commun. La municipalité de Raanana, par exemple, a adopté une Dans le même esprit, la municipalité a élaboré un « Plan stratégique pour l’ombrage et le rafraîchissement par les arbres », avec un objectif ambitieux : 70 % des trottoirs des rues centrales seront ombragés d’ici 2040. La municipalité a déjà commencé à mettre en œuvre les premières mesures, comme la cartographie des fosses vides destinées à la plantation d’arbres.

Cependant, le succès des plans et initiatives dépend moins de l’allocation budgétaire que de l’engagement et de la nomination d’un gestionnaire spécialisé. Le budget n’est pas le seul obstacle : le coût de la plantation est faible par rapport à d’autres infrastructures telles que l’enlèvement des déchets ou l’éducation. Le manque de personnel spécialisé au sein de la collectivité locale, dont le domaine d’expertise et la responsabilité est l’ombrage urbain, constitue un autre problème. Sans engagement continu et sans gestion professionnelle, même ces mesures avancées risquent de rester lettre morte.

Absence de lois contraignantes et d’outils d’application

Toutes les collectivités ne sont pas en mesure de fournir de l’ombre avec la même ampleur. Les autorités les plus fortes parviennent à allouer des budgets, à financer des conseils et à entretenir les arbres et les solutions d’ombrage, tandis que les plus faibles sont laissées pour compte. Cela est parfois dû à un manque de sensibilisation, ou simplement à un manque de ressources et de personnel. Mais même les collectivités peuvent rencontrer des difficultés. La raison en est la suivante : Il est clair qu’en l’absence de lois contraignantes et d’outils d’application, même les initiatives progressistes restent parfois lettre morte.

Pour changer la situation, une politique contraignante est nécessaire, garantissant l’ombrage même dans les zones défavorisées. Aux endroits où une réponse immédiate est nécessaire, comme les arrêts de bus, les voies d’accès aux écoles et les places, les jeunes arbres ne suffisent pas.Dans ce cas, les solutions d’ombrage artificiel, comme les pergolas et les abris, doivent être associées à la plantation d’arbres matures et bien entretenus. Bien qu’elles offrent une réponse immédiate, elles ne sont pas sans poser de problèmes : l’investissement initial est élevé, elles nécessitent un entretien constant et un mauvais choix de matériaux peut aggraver l’effet d’îlot de chaleur.Sans réflexion systémique et sans budgétisation à long terme, même ces solutions risquent de devenir des solutions temporaires au lieu de véritables infrastructures.

Des plans sur papier à des espaces accueillants

L’histoire de l’urbanisme en Israël nous l’enseigne : entre les déclarations et la mise en œuvre, le chemin est long. Ce ne sont pas les documents et les études officiels qui ombrageront les rues, mais des normes contraignantes, une application rigoureuse et des outils pour un ombrage de haute qualité. En fin de compte, la réalité est simple : sans ombre, la rue perd sa place en tant qu’espace public, de plus en plus de trottoirs resteront bouillants et vides, tandis que les routes seront encombrées de voitures climatisées et d’embouteillages interminables. « Le coût de l’absence d’ombre est bien supérieur à l’investissement. Il se traduit par des problèmes de santé publique, un manque d’activité physique, une utilisation excessive des véhicules particuliers et une aggravation des inégalités. L’ombre n’est pas un ornement, mais une condition nécessaire au bon fonctionnement de l’espace public », conclut Dori.

Source agence Zavit

Traduit et adapté par Esther Amar pour Israël Science Info