Université de Haïfa : accumulation de déchets plastiques des eaux de ruissellement de Jérusalem sur les bords de la mer Morte

Une analyse des terrasses côtières de la mer Morte, réalisée par l’Université de Haïfa (Israël), révèle une forte augmentation de l’accumulation de plastique due aux crues soudaines du ruisseau du Cédron, à l’accélération des processus de décomposition générant des quantités croissantes de microplastiques et aux déchets piégés dans des dolines, laissant une trace géologique durable. 

Cette étude documente, pour la première fois, deux décennies d’accumulation de plastique sur les terrasses côtières en recul de la mer Morte, apportant ainsi la première preuve de pollution plastique au point le plus bas de la Terre. L’étude montre qu’une combinaison unique de crues soudaines, de salinité extrême et de baisses rapides du niveau de la mer a créé une sorte d’« archive » naturelle où les résidus de plastique provenant de la région de Jérusalem sont conservés après avoir atteint chaque année le littoral de la mer Morte. « À notre arrivée sur place, nous avons constaté non seulement un recul spectaculaire du littoral, mais aussi d’énormes quantités de plastique, notamment des sacs, des jouets et même du matériel militaire, flottant à la surface de l’eau. Ce fut un choc qui nous a fait prendre conscience de l’ampleur et de la gravité du phénomène », a déclaré le Dr Ákos Kalman de l’Université de Haïfa, co-auteur de l’étude. La mer Morte, le lac hypersalin le plus profond du monde, a connu une baisse rapide et continue de son niveau d’eau ces dernières décennies.

Le ruisseau du Cédron, qui draine de vastes zones urbaines de Jérusalem, transporte des sédiments, des débris et des déchets urbains, dont du plastique, dans la mer Morte lors de brèves mais violentes crues hivernales. En raison de la forte salinité et de la densité de la mer Morte, la plupart des matières plastiques flottent et s’accumulent le long du littoral, formant une succession de terrasses côtières qui témoignent de la quantité et du type de déchets qui atteignent la région chaque année. L’équipe de recherche, composée de la professeure Beverly Goodman-Tchernov, du professeur Michael Lazar, du docteur Ákos Kalman, de Thomai Anagnostoudi et d’Alyssa Pietraszek de l’École des sciences marines Charney de l’Université de Haïfa, a collaboré avec des chercheurs italiens. Ils désignent ces dépôts sous le nom d’« anneaux de plastique », un marqueur visuel et scientifique frappant de l’impact humain.

Dans cette étude, les chercheurs ont examiné des terrasses côtières formées entre 2000 et 2021 à la confluence du ruisseau Kidron et de la mer Morte. Ils ont systématiquement collecté tous les objets en plastique visibles sur chaque terrasse et documenté leur poids, leur type, leur niveau d’abrasion et leur répartition spatiale. Ils ont également prélevé des échantillons de sédiments pour l’analyse des microplastiques. En laboratoire, les particules de microplastiques ont été séparées des sédiments, filtrées, comptées et photographiées au microscope. Les particules ont ensuite été analysées par spectroscopie infrarouge, ce qui a permis aux chercheurs d’identifier les types de polymères et les modifications chimiques résultant d’une exposition prolongée au soleil, aux hautes températures et à des conditions d’érosion extrêmes.

Parallèlement, l’équipe a analysé des photographies aériennes et des images satellites historiques afin de comprendre comment les modifications de la géomorphologie côtière et du cours d’eau ont influencé le transport et l’accumulation des déchets au fil du temps. L’analyse révèle une forte augmentation des apports de plastique après 2000, les terrasses les plus récentes contenant des centaines de kilogrammes de déchets. Les projections indiquent qu’une seule terrasse pourrait accumuler plus d’une tonne de plastique d’ici 2030. Exposés à la surface de cette côte hyperaride, les plastiques subissent une fragmentation accélérée par un rayonnement solaire intense et des températures élevées, produisant des dizaines de milliers de microparticules de plastique par kilogramme de sédiments.

Selon les chercheurs, un kilogramme de plastique visible de grande taille peut se désintégrer en environ quatre mille microparticules de plastique chaque année. Si les tendances actuelles se maintiennent, le poids de plastique accumulé sur une seule terrasse pourrait approcher la tonne d’ici 2030. L’étude a également constaté que certains déchets se retrouvent piégés dans les dolines et les fissures qui se forment le long du recul du littoral – un processus qui intègre le plastique aux couches sédimentaires et pourrait créer une trace géologique durable de l’activité humaine dans la région. « Le constat est clair : la croissance démographique entraîne une augmentation du volume de déchets qui atteignent les cours d’eau et, finalement, la mer Morte.

Le fait que la majeure partie du plastique flotte et s’accumule le long du littoral laisse entrevoir une possibilité d’agir avant qu’il ne soit enfoui et que la situation ne devienne irréversible. Les résultats montrent que, sans s’attaquer à la source de la pollution, les déchets continueront de dériver vers la côte, de s’accumuler dans les dolines et de former des couches de sédiments qui deviendront une composante permanente du paysage géologique de la région », ont conclu les chercheurs.

Publication dans Journal of Hazardous Materials