Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont réalisé des IRM sur le cerveau de 50 sujets jeunes (âgés de 30 ans en moyenne) et en bonne santé, avant et après le confinement, et ont constaté une augmentation significative du volume de l’amygdale, zone responsable de la régulation émotionnelle dans le cerveau. Selon eux, ces résultats témoignent probablement de l’incertitude, de la tension et de l’anxiété ressenties par les participants lors de la première vague de l’épidémie et du confinement, et ils recommandent aux décideurs de prendre en considération les aspects psychologiques de la pandémie, et pas seulement ses implications sanitaires et économiques.
« L’irruption du coronavirus a constitué pour nous une occasion exceptionnelle de comparer les scintigraphies cérébrales de personnes jeunes et en bonne santé physique et mentale, et d’examiner comment une crise d’envergure mondiale influence la structure cérébrale », explique le Prof. Yaniv Assaf de l’Université de Tel-Aviv. « Nos recherches portent sur l’étude du cerveau, et, dans ce cadre, nous effectuons quotidiennement des IRM sur le cerveau de sujets sains pour différentes études. Lorsque la crise du corona a éclaté, nous avons décidé de revenir à ces personnes et de détecter les éventuels changements dans la structure de leur cerveau à la suite de l’épidémie ».
Augmentation de la zone de régulation émotionnelle
A cette fin, après le premier confinement en Israël, les chercheurs ont effectué de nouvelles scintigraphies sur 50 sujets qui avaient participé à diverses études quelques mois avant l’épidémie. Ils ont également demandé aux participants de remplir des questionnaires sur leur état pendant le confinement. Les sujets étaient des hommes et des femmes jeunes, âgés d’environ 30 ans en moyenne, sans maladie chronique, et qui n’ont pas été atteints par le coronavirus.
Les résultats ont été fascinants : la comparaison entre les IRM réalisés avant l’irruption de la pandémie et ceux effectués après le confinement a révélé une augmentation remarquable du volume de l’amygdale, zone du cerveau responsable de la régulation émotionnelle. Des études antérieures avaient montré que ce phénomène se produit généralement dans des situations de stress et d’anxiété, de sorte que les chercheurs ont conclu que ces résultats sont probablement l’expression cérébrale de l’incertitude, l’anxiété et la tension dans lesquels ces sujets se sont trouvés à la suite de l’irruption de la pandémie et du confinement.
« Lorsque nous avons scanné le cerveau des premiers sujets, nous avons été très surpris. Une modification en quelques mois de la structure cérébrale telle que nous l’avons constatée est une donnée exceptionnelle qui indique un changement significatif. Selon les résultats, on aurait pu penser que nous comparions des IRM de personnes en bonne santé à ceux d’individus souffrant de troubles d’anxiété, alors qu’il s’agissait en fait des mêmes sujets », raconte le Dr. Tavor.
Implications des dommages causés sur la santé mentale des citoyens
« L’étude illustre les implications d’un événement mondial, et ce même sur des personnes jeunes, qui subissent soudain des sentiments d’incertitude, de stress et d’anxiété », explique le Dr. Schonberg, spécialiste de l’étude des fondements cérébraux des changements comportementaux. « Elle a montré que plus nous nous éloignons du confinement, plus les zones cérébrales reviennent à leur volume précédent. En cas de nouveau confinement, nous proposons aux décideurs de mettre en place une campagne d’information positive, reposant sur la confiance et l’importance d’adhérer aux instructions et non une campagne négative basée sur l’intimidation et les menaces, dont on a pu voir qu’elle n’a pas conduit au changement de comportement souhaité au sein de la population, et qu’elle est par contre susceptible de causer une détresse mentale chez les citoyens ».
« Notre étude illustre l’impact d’un événement dramatique que constitue le coronavirus sur la santé mentale du public », conclut le Prof. Assaf. « Les décideurs se préoccupent généralement des implications des dommages causés par le virus sur le plan de la santé et de l’économie, mais il est très important de prendre en considération également la santé mentale dans la prise des decisions, et l’incertitude qu’elles impliquent ».
L’étude a été dirigée par le Prof. Yaniv Assaf de l’École de neurobiologie, biochimie et biophysique et du Centre de neuroimagerie informatique de l’Ecole des Neurosciences, en collaboration avec le Dr. Tom Schonberg, le Dr. Ido Tavor de la Faculté de médecine, et les doctorants Tom Salomon Adi Cohen, Gal Ben-Zvi, Rani Gera, Shiran Oren, Dana Roll, Gal Rozik, Anastasia Sally, Niv Tik et Galia Tsarfaty.
Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv