Dans cet article, le Professeur Noah Dana-Picard du Lev Academic Center (Jérusalem, Israël) et membre du comité scientifique de Israël Science Info, décrit un phénomène observé dans le cosmos.
Le Pr Noah Dana-Picard dirige la Chaire “Education, Judaïsme et Mathématiques” et il organise plusieurs fois par an des soirées « Torah et Science ». Le Pr Dana-picard est une sommité internationale reconnue. Il a été président du Machon Lev (JCT) durant de nombreuses années. Né en France, Noah Dana-Picard est titulaire de deux doctorats de l’Université de Nice (1981) et de l’Université Bar-Ilan en Israël (1990). Ce grand connaisseur du Talmud parle quatre langues (voir wikipedia).
“La pensée grecque a influencé la vie de tous les jours, ainsi que les développements scientifiques au cours des siècles. La logique enseignée dans les écoles et les universités est une logique de vrai-faux, blanc-noir, haut et bas, les deux possibilités contraires s’excluant l’une l’autre.
Cette dichotomie est-elle toujours de mise ? Les amateurs de science-fiction se souviennent peut-être de ces ouvrages où des escadrilles de vaisseaux spatiaux s’affrontent. Soudain, apparaît un vaisseau (pas fantôme mais presque) depuis « sous le plan de l’écliptique » et il détruit par surprise les vaisseaux ennemis. Rappelons que le plan de l’écliptique est le plan des orbites des planètes du Système Solaire.
En fait, cela ressemble à une tactique connue sur Terre : un hélicoptère surgit sur un plateau après s’en être approché dissimulé dans un canyon. Cette tactique est possible car il y a des différences d’altitude dans la topographie d’un terrain sur Terre, mais dans l’espace, il n’y a ni haut ni bas. « Sous le plan de l’écliptique » est une expression dénuée de sens (image A).
Jusqu’ici j’ai parlé de contraires inexistants. Ils pourraient exister mais être indifférenciables : qui a la tête en bas, les Européens ou les Australiens ?
Il y a aussi des phénomènes qui produisent des effets contraires. L’Agence Spatiale Européenne a envoyé la sonde Rosetta et son robot Philae vers la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, surnommée Tchouri. Après 10 ans et 8 mois de voyage, Philae s’est posé sur la comète. Le trajet aurait pu être bien plus bref, mais aurait nécessité une quantité astronomique, c’est le mot, de carburant. Y compris le carburant pour transporter le carburant. Les ingénieurs ont calculé un trajet plus long, en millions de kilomètres et en temps, mais ne nécessitant pas tant de carburant. Pour pousser la sonde, ils ont utilisé le champ de gravitation de la Terre (3 fois) et de Mars (1 fois). Vous avez bien lu : la gravitation a repoussé la sonde (Image B – crédit : ESA). On parle d’un effet de fronde gravitationnelle, dépendant de l’angle d’approche. Des vitesses phénoménales ont été obtenues ainsi et Rosetta est arrivée dans les parages de Tchouri fraîche et dispose.
Début octobre 2018, un autre vaisseau a été lancé pour visiter la planète Mercure, la planète la plus proche du Soleil. Le voyage va durer 7 ans et deux sondes se placeront sur deux orbites différentes autour de Mercure. Il s’agit de la mission Bepi-Colombo. En route, il passera plusieurs fois près de Venus, près de Mercure aussi. Cette fois-ci, le champ de gravitation de Venus et celui de Mercure seront utilisés, non pas pour accélérer la sonde, mais pour la diriger dans la bonne direction, et parfois pour la freiner. Vous avez bien lu : le même phénomène peut provoquer deux effets contraires. Ici, il est indispensable de freiner la sonde pour qu’elle puisse se mettre en orbite autour de Mercure. Là-bas, à 58 millions de kilomètres du Soleil seulement (nous sommes à 150 millions de kilomètres), l’attraction de notre étoile est phénoménale, et Bepi-Colombo pourrait bien être avalée par le Soleil.
Même cause, deux effets ? Oui, tout dépend comment on s’en sert.
De la même façon, l’amputation d’un membre est une opération douloureuse, physiquement et moralement, mais elle a pour but de sauver le malade.
Oui, deux caractéristiques contraires peuvent coexister dans le même objet, le même phénomène, la même situation. On connait la particularité de la Vache Rousse dont les cendres sont utilisées pour purifier humains et objets, mais qui rend impur celui qui s’en occupe.
Dans la deuxième bénédiction de la Amida, il est important de dire melekh memit oume’haye מלך ממית ומחיה en un seul souffle. D. n’est pas מלך ממית un D. qui fait mourir, ni מלך מחיה, un D. qui fait vivre. Il est les deux à la fois : מלך ממית ומחיה. L’origine de ces mots est dans la Paracha de Haazinou (Deut. 32,37). Toutes les forces, toutes les possibilités, même si elles nous paraissent contradictoires, sont chez Lui.
Le monde antique a pris du temps pour le comprendre, en plusieurs étapes. Tous n’y sont pas arrivés. Les Perses anciens avaient une foule de divinités. Après le travail de Daniel, Michaël, ‘Hanania et Azaria, cette ribambelle a été réduite à deux, et il a encore fallu des siècles pour que les Perses arrivent à une conception d’une divinité unique. On est encore loin de la « Emounat Israël », mais il y a un progrès.
Quel rapport y a-t-il entre les deux parties de mon texte ? Tout simplement que l’observation du monde créé par D.ieu nous aide à comprendre certains phénomènes, à théoriser, à conceptualiser.
Nombreux sont nos Sages qui ont poussé à l’observation du monde. Une observation critique, cherchant des lois, essayant de comprendre les tenants et les aboutissants, essayant de voir la main de D. dans les phénomènes observés. Les raisons sont multiples, et pour reprendre les mots de Maïmonide, on s’approche ainsi de la connaissance de D. Une fois de plus, j’ai le plaisir de citer Rabbi Yéhouda Halevi : חקור פעליו!, scrute Ses actions, étudie Son monde”.
Sources : Lev Academic Center Torah et Science et lphinfo
– space.com : BepiColombo’s Path: Why Does It Take So Long to Get to Mercury?