Les transformations des solides et des molécules s’opèrent de manière très différente. Alors que les atomes d’une molécule se réarrangent en une seule étape, les transformations des solides sont longues. Or, essayer de trouver des matériaux intermédiaires est depuis plusieurs années l’un des Graal des nanoscientifiques. Et si ce matériau intermédiaire existait bel et bien ?
L’isomérisation, c’est-à-dire la transformation d’une molécule en une autre molécule comportant les mêmes atomes dans un arrangement différent, est commune dans la nature. Souvent, ce réarrangement est le résultat d’un apport d’énergie comme, par exemple, lorsque l’huile d’olive chauffée à trop haute température se transforme et perd ses qualités nutritionnelles. Les matériaux solides possèdent aussi la propriété de se transformer, le graphite (carbone cristallisé) pouvant par exemple devenir un diamant. Cependant, l’énergie requise pour la transformation est beaucoup plus importante et l’échelle de temps beaucoup plus longue.
Depuis plusieurs années, les nanoscientifiques cherchent à construire un pont entre ces deux types de transformation : les molécules d’un côté et les solides de l’autre. Afin de bâtir ce pont, il était nécessaire de trouver la taille à laquelle les nanocristaux (entre 10 et 10 000 atomes) changeaient de structure interne en une seule étape comme les molécules. Le Prof. Uri Banin du département de Nanosciences et Nanotechnologies de l’Université Hébraïque de Jérusalem, et le Prof. Richard Robinson, de l’Université de Cornell, ont trouvé ce nombre magique grâce à un avion !
Il y a 3 ans, le Prof. Robinson est en congé sabbatique dans le laboratoire du Prof. Banin à Jérusalem. Il demande à l’un de ses étudiants de Cornell de lui envoyer des nanoparticules d’une taille spécifique. Cependant, lorsqu’elles lui parviennent, il réalise qu’il a en face de lui les « plus petites » nanoparticules, au lieu des plus grosses. Or, son étudiant est formel, il lui a envoyé les plus grosses.
Le Prof. Uri Banin, le Prof. Richard Robinson et le Prof. Tobias Hanrath de l’Université de Cornell en déduisent que les particules se sont transformées lors du vol entre Ithaca et Jérusalem.
Ils décident alors d’étudier ensemble, avec leurs équipes respectives, les transitions des petits amas de molécules, plus spécifiquement au sein des amas de la taille magique de 57 atomes. Cette taille est plus importante que celles des molécules typiques mais beaucoup moins importante que celle du graphite, par exemple. Et cela fonctionne ! En effet, pour cette taille, la transformation s’opère en une seule étape.
Cette transformation possède donc à la fois les caractéristiques des molécules et celles des solides.
Cette découverte pourrait être très utile pour les ordinateurs quantiques.
Sources :
• https://new.huji.ac.il/en/article/37871
• http://science.sciencemag.org/content/363/6428/731
Rédactrice : Odélia Teboul, doctorante à l’Université hébraïque de Jérusalem pour le BVST