Selon une étude réalisée par la doctorante Tal Idan sous la direction du Prof. Micha Ilan de l’Ecole de Zoologie et du Musée Steinhardt d’histoire naturelle de l’Université de Tel-Aviv, la forte élévation de la température de l’eau de mer pendant les mois d’été (d’environ 3 degrés au cours des 60 dernières années) pourrait entraîner la disparition des éponges de mer au large des côtes d’Israël. D’après les chercheurs, ces changements pourraient annoncer une évolution semblable à travers toute la Méditerranée. Ils recommandent de faire reconnaitre les récifs d’éponges comme des réserves naturelles marines afin de les protéger de la destruction. Les Dr. Liron Goren et Sigal Shefer de l’Ecole de Zoologie et du Musée Steinhardt, ont également participé à cette recherche.
« Les éponges sont des animaux marins d’une grande importance pour l’écosystème, mais aussi pour les humains. Elles se nourrissent de microparticules ou de substances dissoutes qu’elles obtiennent en filtrant l’eau et qu’elles mettent à la disposition d’autres animaux, car elles servent d’habitat à de nombreuses espèces. Elles contiennent également un grand nombre de substances naturelles, composants chimiques pouvant servir de base au développement de médicaments. Dans notre étude, nous nous sommes concentrés sur l’espèce Agelas oroide, une éponge commune qui poussait dans toute la Méditerranée, à partir d’une profondeur de moins d’un mètre jusqu’à 150 m, mais qui n’a pas été observée dans les eaux peu profondes d’Israël depuis plus de 50 ans », explique Tal Idan.
Le seuil des 29 degrés
Au cours de l’étude, les chercheurs ont fait appel à un navire de recherche et à un robot sous-marin de l’organisation EcoOcean, et avec leur aide, ils ont localisé sur le fond marin des ‘récifs d’éponges’, habitats rocheux particulièrement riches, à une profondeur d’environ 100 mètres, à environ 16 km à l’ouest des côtes d’Israël. Ils ont alors recueilli 20 spécimens d’Agelas oroides. 14 de ces éponges ont été transférées en eau peu profonde – à une profondeur de 10 m, sur un site où elles étaient courantes dans les années 1960, tandis que les six autres ont été replacées sur les récifs d’où elles avaient été prélevées, pour servir de groupe témoin.
L’étude a révélé que lorsque la température de l’eau varie entre 18 et 26 degrés (de mars à mai), les éponges marines poussent et se développent : elles pompent l’eau et la filtre, action par laquelle elles se nourrissent, et leur volume augmente. En revanche, à mesure que la température de l’eau continue d’augmenter, leur état se détériore. Quand la température atteint 28 degrés, la plupart d’entre elles cessent de pomper l’eau et, au cours du mois de juillet, lorsque la température de l’eau a dépassé le seuil des 29 degrés, toutes les éponges de mer transférées en eaux peu profondes sont mortes. Par contre, celles du groupe témoin restées en profondeur, qui ont continué de bénéficier d’une température relativement stable et basse (entre 17 et 20 degrés) ont continué de croître et de prospérer.
Aussi, les chercheurs émettent-ils l’hypothèse que le facteur critique ayant conduit à la disparition des éponges de la zone des eaux peu profondes est l’exposition prolongée à une température élevée de l’eau de mer. « Dans le passé, la température atteignait également 28,5 degrés en été, mais seulement pendant une courte période d’environ deux semaines, de sorte que les éponges, même si elles étaient endommagées, réussissaient à se rétablir. Aujourd’hui, la température de l’eau de mer dépasse les 29 degrés pendant trois mois, détériorant probablement tous les systèmes organiques des éponges, et ne leur laissant aucune chance de récupérer et de survivre ».
Le changement climatique continu et le réchauffement de l’eau de mer sont susceptibles d’endommager mortellement la vie marine.
« Des années 1960 à aujourd’hui, la température de l’eau sur les côtes israéliennes de la Méditerranée a augmenté de 3 degrés, affectant grandement les créatures marines, en particulier les éponges de mer. Nous craignons fort que les changements qui se produisent sur nos côtes ne soient un signe avant-coureur annonçant une évolution qui pourrait se produire à travers toute la Méditerranée. Nos résultats suggèrent que le changement climatique continu et le réchauffement de l’eau de mer sont susceptibles d’endommager mortellement les éponges de mer et la vie marine en général », dit le Prof. Ilan.
Les chercheurs ajoutent qu’ils mènent ces dernières années, en collaboration avec le ministère de l’Énergie et l’Autorité des parcs naturels nationaux, des observations approfondies sur un certain nombre de récifs d’éponges le long de la côte, dans le but déclaré de protéger ces habitats uniques et de changer leur statut afin qu’ils soient reconnus comme sites particulièrement sensibles. Trois de ces sites de recherche font aujourd’hui partie d’un programme de réserves marines de l’Autorité des parcs naturels, dans l’espoir qu’ils recevront bientôt une reconnaissance officielle comme réserves naturelles marines.
Publication dans Frontiers in Marine Biology