D’après une étude menée par les doctorants Itzhak Khait et Ohad Lewin-Epstein de l’Ecole des Sciences végétales de l’Université de Tel-Aviv sous la direction du Prof. Lilach Hadany, les plantes émettent des sons lorsqu’elles manquent d’eau où sont soumises à des coupures. D’après les chercheurs, l’étude, qui s’est focalisée sur des plants de tomate et de tabac, ouvre de nouvelles voies pour la compréhension des plantes et de leurs interactions avec l’environnement, et pourrait également avoir un impact significatif sur l’agriculture.
Les plantes n’ont peut-être pas les organes sensoriels des humains, mais elles peuvent aussi être stressées et l’exprimer de manière audible, expliquent les chercheurs : « Les plantes en situation de stress produisent des phénomènes observables (phénotypes), comme des changements de couleur, d’odeur et de forme. Pourtant, la possibilité qu’elles émettent des bruits dans l’air lorsqu’elles sont stressées, à l’instar de nombreux animaux, n’a jamais été étudiée. Ici, nous montrons, pour la première fois à notre connaissance, que les plantes en situation de stress émettent des sons dans l’air qui peuvent être enregistrés à distance, à la fois en chambres acoustiques et en serre ».
Identifier les plantes sur la base des sons qu’elles émettent
Les chercheurs ont réparti les plantes en trois groupes : l’un soumis à des conditions de sécheresse, l’autre ayant subi des dommages physiques, c’est-à-dire auxquelles on a coupé les tiges, et un groupe de contrôle. Les plantes ont été placées en chambre acoustique pendant une heure, chacune étant enregistrée par un microphone capable de détecter les fréquences ultrasoniques, placé à quelques centimètres d’elle.
Les plants de tabac privés d’eau pendant dix jours ont émis 11 sons par heure, ceux de tomates dans les mêmes conditions en produisant 35. Les plants de tabac dont les tiges ont été coupées ont émis environ 15 bruits durant l’heure ayant suivi l’agression, et les plants de tomate, là aussi plus sensibles, 25. Par contre les plantes du groupe de contrôle n’ayant été soumises à aucune agression ont généré moins d’un son par heure. « Les bruits détectés se situaient dans une fourchette de 20 à 100 kilohertz, volume qui pourrait être détecté par certains dispositifs jusqu’à plusieurs mètres de distance », précisent les chercheurs.
Par la suite les végétaux ont été placés en serre, pour vérifier leur comportement en conditions naturelles. Les résultats ont été équivalents à ceux obtenus en chambre acoustique, les plantes produisant davantage de sons lorsqu’elles se déshydrataient.
Un impact significatif sur l’agriculture de précision
Les chercheurs ont alors développé des modèles d’apprentissage automatique capables de distinguer les sons des plantes des autres bruits, et d’identifier l’état d’une plante (sécheresse, plante ayant subi une coupure ou plante intacte), en se basant uniquement sur les sons émis. « Dans l’avenir, les agriculteurs pourraient même être en mesure d’identifier différentes plantes sur la seule base de leurs sons« , suggère Itzhak Khait.
Les chercheurs ont enregistré des sons similaires chez d’autres plantes coupées ou stressées par la sécheresse, comme les cactus épineux et une mauvaise herbe de type lamier amplexicaule. Ils suggèrent également que les insectes, comme les papillons de nuit, sont capables d’écouter les sons émis par les plantes stressées pour évaluer leur état avant de pondre des œufs sur leurs feuilles.
« Nos résultats suggèrent que les animaux, les autres plantes, et peut-être même les humains pourraient écouter et utiliser les ‘cris silencieux’ émis par les végétaux pour obtenir des informations sur leur état. La portée de l’étude est assez limitée, dans la mesure où nous n’avons pas examiné l’impact des maladies, des niveaux excessifs de sel ou des températures défavorables sur les plantes. Mais, une investigation plus poussée sur la bioacoustique des plantes en général et sur leur émission sonore en particulier, pourrait ouvrir de nouvelles voies pour comprendre les végétaux et leurs interactions avec l’environnement, et également avoir un impact significatif sur l’agriculture de précision, notamment si les sons émis par les plantes stressées par la sécheresse signalent qu’elles ont besoin d’une plus grande quantité d’eau ».
Publication sur le serveur bioRxiv dédié aux sciences biologiques
Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv