Nous sommes plein de cellules humaines, mais aussi plein de bactéries et tous ces microorganismes de notre microbiome qui nous colonisent, notamment notre intestin. Mais nous ne sommes pas les seuls à être multiples, la quasi totalité des organismes vivants possédant eux aussi leur propre microbiote. Et sans lui, nous ne saurions exister. Des chercheurs de l’Université Ben Gourion du Néguev, en collaboration avec des chercheurs du Centre Volcani Israël, travaillant sur ce couple hôte/microbiote (appelé holobionte) a trouvé des résultats étonnants sur les relations entre l’hôte et son microbiote en étudiant des poissons.
Insectes, plantes, oiseaux, mammifères (dont l’Homme), poissons, reptiles, coraux, et autres animaux marins ou non, tous possèdent ce qui est devenu depuis plusieurs dizaines d’années un pilier fondamental de l’étude du vivant : un microbiote. Du grec micro (petit) et bios (vie), le microbiote est en quelques sortes la vie dans la vie. On le définit comme étant l’ensemble des microorganismes (de taille microscopique) vivant sur ou dans d’autres organismes. Les plus célèbres vivent dans notre système digestif : c’est le microbiote intestinal. Un laboratoire de l’Université Ben Gourion du Néguev travaille exclusivement sur le microbiome. Il s’agit de l’équipe du Prof. Itzik Mizrahi, qui cherche ainsi à percer les secrets du microbiome, notamment comment son hôte l’influence et comment il influence son hôte en retour. Mais quelle est l’importance de telles recherches ?
Il se trouve que le microbiote intestinal joue un rôle fondamental dans la digestion, l’apport en nutriments, certaines maladies, certains comportements et certaines tolérances ou adaptabilité de l’hôte à des conditions de son environnement. Sans rentrer dans les détails, disons que, sans votre microbiote, vous ne survivriez pas longtemps dans la nature ! Si le cas de l’Homme est de première importance, il ne faut pas oublier les animaux d’élevage qui sont un des piliers de notre alimentation. En effet, afin d’améliorer la production alimentaire, il est primordial de comprendre et donc contrôler l’alimentation et la santé de ces animaux, notamment les bovins, dont la digestion est entièrement dépendante du microbiote présent dans leur rumen. Donc, sans ces alliés microscopiques, pas de vaches, pas de moutons, pas de chèvres ! Mais ce ne sont pas les seuls : chez les poissons d’élevages, le microbiote a aussi un rôle primordial qui n’est pas parfaitement compris aujourd’hui.
C’est dans ce cadre-là que les travaux pilotés par Dr. Kokou, de l’équipe du Prof. Mizrahi, et récemment publiés dans le journal Elife, dévoilent un aspect fascinant de la relation hôte/microbiote chez le Tilapia, un poisson d’eau douce tropical, habitué aux eaux chaudes. En sélectionnant, génération après génération, des poissons résistant au froid (sélection génétique), ces chercheurs ont pu comparer comment ces poissons et leur microbiote se différenciaient de leurs parents non-résistants. Ils ont ainsi observé que le microbiote des poissons résistants était moins sensible au froid : sa composition (les différents microbes présents et leur nombre respectif), ainsi que sa réponse au froid ont moins varié que leurs cousins non-résistants. Or ces poissons vivaient dans le même aquarium, étaient nourris par la même nourriture et provenaient de la même famille, donc leur microbiote était a priori similaire. La seule différence entre les poissons tolérants et ceux non-tolérants au froid provient de cette sélection génétique.
Les chercheurs ont ainsi prouvé qu’un léger changement génétique tel que l’acquisition d’une tolérance à une condition environnementale affecte à la fois le microbiote, sa réponse à ce même stress et les relations entre l’hôte et son microbiote. Ceci vient corroborer en partie la théorie de l’hologénome proposée par Prof. Rosenberg, professeur émérite à l’Université de Tel Aviv dans ses travaux commun avec Dr. Zilber-Rosenberg. Cette théorie décrit que l’hôte et son microbiote (l’holobionte) et leur gènes (appelés hologénome) interagissent et évoluent ensemble. Ce qui implique de nombreuses conséquences sur la plasticité des individus (et de leur microbiote !) face à des stress environnementaux et donc à la sélection évolutive de ceux-ci.
Publication sur elifesciences et elifesciences
Rédacteur : Arthur Robin, doctorant à l’Université de Tel Aviv pour le BVST
En savoir plus « Pour la Science » : Au-delà de l’organisme, l’holobionte