De façon surprenante, dans un récent rapport, le World Resources Institute (WRI) vient de classer Israël comme le 2ème pays au monde le plus menacé par un risque extrême et imminent de sécheresse. Et ce, parmi les 17 pays au monde les plus proches du « Day Zero », jour où plus aucune goutte ne tombera des robinets. Ezra Banoun et Norbert Lipszyc, deux experts dans le domaine de l’eau et des énergies renouvelables commentent pour Israël Science Info ce classement, qui ne correspond ni aux mesures déployées par Israël, ni à sa formidable capacité d’innovation pour relever un défi réputé insurmontable : faire fleurir le désert.
Pour Norbert Lipszyc : « Le rapport du WRI cite et pointe vers toutes les solutions existantes et déjà mises en œuvre en Israël, mais sans jamais le mentionner. On y voit par exemple qu’un pays du Moyen-Orient avec lequel Israël a des relations régulières depuis longtemps, Oman, recycle maintenant 78% de ses eaux usées, devenant ainsi le 2ème au monde derrière Israël, loin devant l’Espagne qui fut numéro 2 pendant longtemps. Ce n’est pas un hasard : l’ONU a mis en place un centre international de formation aux métiers de l’eau dans ce pays, le MEDRC (Water Research and The Research Council*), avec des instructeurs en très grande majorité israéliens et en coopération avec l’agence MASHAV (Israel’s Agency for International Development Cooperation). D’autre part, les mesures appliquées en Israël : économies d’eau dans l’agriculture par les méthodes d’IA appliquées à l’irrigation au goutte-à-goutte ; une agriculture bien plus productive associée à une protection des produits agricoles après récolte, d’où moins de pertes de nourriture ; une gestion optimale des réseaux d’eau et gouvernance améliorée (pour éliminer la majeure partie des pertes dues à l’usure des réseaux et à une mauvaise gouvernance ; le comportement écoresponsable des citoyens ; des apports d’autres sources d’eau douce par la récupération de 100% des eaux pluviales, le dessalement et le recyclage. Toutes ces mesures combinées permettent de faire face aux conséquences inéluctables sur la sécheresse provoquée par les changements climatiques ».
Selon Ezra Banoun : « Comme l’indique le rapport du WRI, la pénurie en eaux douces est sans aucun doute la plaie la plus grave de la crise écologique mondiale, si on prend en compte les intérêts vitaux de toutes les nations et non seulement ceux des pays les plus développés. L’aveuglement des organisations internationales face à la gravité de ces problèmes, la faiblesse des actions entreprises pour aider les populations concernées à faire face à leurs conséquences (alors que les conférences internationales mettent l’accent presque exclusivement sur les conséquences apocalyptiques que pourrait engendrer la croissance d’émissions de GES) a quelque chose de révoltant pour tous ceux qui souhaitent sortir du sous-développement et relever les défis écologiques qui les rongent. J’en ai eu l’expérience à chaque fois (tous les trois mois environs) que je rencontre dans mes cours ou conférences des ingénieurs et des responsables africains à l’Institut Universitaire International de management de Galilée. La situation d’Israël au Moyen-Orient, région dans laquelle la réduction des précipitations annuelles naturelles moyennes depuis 1998 a atteint 30% et le gap entre le niveau des précipitations annuelles (850 millions de m3/an) et le niveau des besoins d’eaux annuels (2000 millions de m3/an) est tel qu’il a fallu deux révolutions successives dans le domaine de la gouvernance de l’eau pour parvenir à fournir tous les besoins. Aujourd’hui un plan à 35 ans (2015/2050) permet de mettre en œuvre à temps les nouvelles centrales de dessalement dont nous aurons besoin ».
Esther Amar, fondatrice de Israël Science Info, ajoute : « signalons aussi l’innovation israélienne majeure qui consiste à extraire l’eau de l’air de la société Watergen dirigée par Arye Kohavi, et qui permet désormais aux écoles, hôpitaux, bâtiments commerciaux et résidentiels de collecter, purifier et minéraliser leur propre eau atmosphérique renouvelable sur place. N’exigeant aucune infrastructure autre qu’une source d’électricité, le GEN-350 est un générateur d’eau mobile de taille moyenne, d’une capacité quotidienne de 900 litres ».
Propos recueillis par Esther Amar pour Israël Science Info
* Dessalement portable et crise humanitaire : le MEDRC (sultanat d’Oman) fait intervenir des experts israéliens
Le centre de recherche sur l’eau du MEDRC (Water Research, Training & Development Cooperation) et le Conseil de la recherche ont lancé en mars 2018 une initiative majeure dans le domaine de l’eau. Le défi du dessalement humanitaire. Ce projet vise à créer un dispositif de dessalement portable autonome et à bas coût pour une utilisation à court terme et à un déploiement rapide en cas de crise humanitaire. Ce dispositif révolutionnerait les interventions humanitaires à la suite de catastrophes naturelles. L’accès à l’eau douce pendant et après des catastrophes naturelles, séismes, tsunamis, inondations, est essentiel pour la santé et la survie. Il n’existe aucun dispositif unique pour résoudre le problème de la pénurie d’eau. Les solutions actuelles vont de la mise en place sur site de grandes unités de traitement d’eau ou au transport d’énormes quantités d’au en bouteilles jusqu’à la distribution d’appareils ou de comprimés pour la purification de l’eau. Aucun n’est idéal pour une réponse humanitaire rapide.
Les dispositifs de purification de l’eau peuvent être des solutions à court terme dans une situation d’urgence mais ne peuvent filtrer que les bactéries et les parasites d’origine hydrique. Ils ne débarrassent pas l’eau contaminée des produits chimiques, des virus et de l’eau salée. C’est la lacune que le défi de » dessalement humanitaire d’Oman » cherche à combler. Une intervention humanitaire d’urgence efficace consisterait en première intervention à déployer un dispositif qui permette rapidement et sans alimentation électrique de transformer l’eau salée en eau potable jusqu’à l’arrivée des secours. Aucun produit de ce type n’existe sur le marché aujourd’hui. Il ne sera pas facile de réduire les technologies des usines de dessalement actuelles en un produit portable capable de relever le défi. Le coût du projet est de 700000 dollars. Le coucours durera 5 ans. Ce délai devrait permettre aux participants de développer une technologie efficace. Le MEDRC a mis en place un groupe international d’experts pour développer les critères du concours et former le jury. Il est composé de représentants et d’experts de renommée internationale dans leurs domaines.
Source : Elsa Andrews, membre du MEDRC, pour la lettre RIOB Réseau international des organismes de bassin