Le Prof. Yuval Nir de l’Ecole des Neurosciences et de la Faculté de médecine de l’Université de Tel Aviv, en collaboration avec les Prof. Yadin Dudai, Noam Sobel et Rony Paz de l’Institut Weizmann et, ont développé une méthode innovante pour influencer le processus de formation de la mémoire dans l’un des deux hémisphères du cerveau pendant le sommeil. La méthode, qui repose sur la pénétration d’un parfum éveillant la mémoire dans une seule narine, pourrait à l’avenir aider à renforcer la mémoire du côté atteint chez les personnes souffrant de lésion cérébrale, et d’aider à rétablir l’équilibre dans le cerveau des victimes de stress post-traumatique.
Nous savons que pendant le sommeil, se déroule le processus de consolidation de la mémoire dans le cerveau, au cours duquel les souvenirs accumulés récemment dans la mémoire à court terme située dans l’hippocampe sont progressivement transférés dans la mémoire à long terme se trouvant dans le cortex cérébral », explique le Prof. Nir. « Dans cette étude, nous avons cherché à examiner en profondeur le processus de formation de la mémoire dans le cerveau pendant le sommeil, en comparant l’activité cérébrale entre les zones où il se produit et les autres. »
Les participants à la recherche ont été invités à mémoriser l’emplacements de mots qui apparaissaient devant eux l’un après l’autre sur un écran, certains à droite et d’autres à gauche. « Nous savons par de précédentes études que les objets qui apparaissent dans le champ visuel gauche sont conservés dans l’hémisphère droit du cerveau, et vice versa », explique Ella Barr. « Sans que les sujets ne le sachent, nous avons divisé les mots de manière égale, la moitié d’entre eux apparaissant sur la droite et l’autre moitié sur la gauche ». De plus, au cours de l’apprentissage, une agréable odeur de rose a été diffusée à travers un masque qui recouvrait le nez des sujets. Immédiatement après l’apprentissage, ceux-ci ont effectué un test de mémoire sur les mots qu’ils avaient appris.
Un parfum de rose
Suite à ce test, les participants ont été invités à dormir dans une pièce désignée à cet effet. À l’aide d’un appareil spécialement conçu qui sépare l’environnement respiratoire des deux narines, les chercheurs ont diffusé des pulsations de parfum de rose uniquement dans l’une des narines du sujet dormant. « L’odeur, liée dans le cerveau des participants à la tâche d’apprentissage précédemment effectuée, est parvenu à partir de la narine dans laquelle elle a été injectée vers la partie du cerveau située du même côté », explique Ella. « Nous avons comparé son effet sur le processus de consolidation de la mémoire du côté affecté par l’odeur par rapport au côté qui n’avait pas reçu les pulsations de parfum ».
Les chercheurs ont utilisé des électrodes placées sur le cuir chevelu du patient pour comparer les ondes cérébrales des deux hémisphères du cerveau. Ils ont constaté une augmentation de la puissance des ondes cérébrales associée à la consolidation de la mémoire lors de la délivrance des impulsions olfactives, et du côté du récepteur de l’odeur, une synchronisation accrue entre les ondes cérébrales a été observée, un phénomène qui encourage probablement le processus de consolidation de la mémoire. Autre constatation : le sommeil du côté du cerveau qui absorbait l’odeur était plus léger à ce moment-là, et plus il était léger, meilleure était la mémoire du sujet (selon le test final). Enfin le test le plus crucial de tous : après le réveil, les sujets ont été invités à subir un autre test de mémoire sur les mots auxquels ils avaient été exposés avant de s’endormir. « Nous avons constaté que l’emplacement des mots enregistrés dans l’hémisphère du cerveau affecté par l’odeur étaient bien mieux mémorisés que ceux des mots enregistrés de l’autre côté », commente Ella Bar.
Aider au traitement de l’AVC et du syndrôme de stress post-traumatique
« La méthode que nous avons développée permet de comparer pour la première fois le processus de consolidation de la mémoire dans les deux hémisphères du cerveau, chez la même personne et au même stade du sommeil, et nous aidera, ainsi que d’autres chercheurs, dans la poursuite nos investigations pour comprendre la contribution du sommeil à la mémoire », conclut le Prof. Nir. Ella ajoute : « En outre, nous avons constaté que la méthode améliore la consolidation de la mémoire d’un côté du cerveau, de sorte qu’elle peut servir de base pour développer des traitements cliniques. Une telle thérapie peut aider les patients souffrant de lésions cérébrales à la suite d’un accident ou d’un AVC, ainsi que les victimes d’un stress post-traumatique, chez qui le rappel de l’expérience traumatisante déclenche une hyperactivité de l’hémisphère droit, émotionnel, du cerveau. Le renforcement de l’hémisphère gauche, responsable de l’expression verbale du traumatisme, peut produire un rééquilibre et les aider à faire face au traumatisme ».
Publication dans Current Biology, le 5 mars 2020
Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv