Le site d’information de la revue Science rapporte que la découverte des ondes gravitationnelles, prédites par Albert Einstein, devrait être annoncée jeudi prochain à New York. Ce n’est toujours qu’une rumeur, mais elle devient tout de même plus précise : des détecteurs américains auraient enregistré les premières traces d’ondes gravitationnelles, un phénomène prédit par Albert Einstein (qui a participé à la fondation d’institutions prestigieuses en Israël, Université Hébraïque de Jérusalem, Technion…) en 1916 mais jamais observé. Le jeudi 11 février, la Columbia University devrait faire une annonce «majeure», qui selon plusieurs physiciens s’exprimant sur les réseaux sociaux serait la détection par les observatoires américains LIGO d’ondes gravitationnelles provoquées par la fusion brutale de deux trous noirs à des millions d’années-lumière.
La découverte serait publiée le même jour dans la revue Nature, dévoile le site d’information de son grand concurrent américain Science. Celui-ci publie un e-mail de Clifford Burgess, physicien à l’université McMaster au Canada, qui aurait été mis en ligne par l’un de ses étudiants. Selon ce mail, le signal aurait été enregistré par les deux sites du détecteur LIGO, l’un en Louisiane, l’autre dans l’État de Washington, avec un décalage temporel entre les deux qui correspond à une transmission à la vitesse de la lumière. Toujours selon la même source, les deux trous noirs qui ont fusionné pesaient respectivement 36 et 29 fois la masse du Soleil. Et la résultante de leur fusion ne pèserait plus que 62 masses solaires, soit 3 de moins.
Chacun des deux observatoires LIGO consiste en deux faisceaux lasers projetés dans des tunnels de 4 km de long qui sont parfaitement perpendiculaires. Par des jeux de miroirs, les physiciens sont capables de dire si la longueur de l’un des tunnels s’est brièvement raccourci, ou allongée, par rapport à l’autre. Une déformation infinitésimale de l’ordre du milliardième de milliardième de mètre qui peut être le signe du passage des ondes gravitationnelles, des infimes «froissements» du tissu spatio-temporel.
LIGO a fonctionné de 2002 à 2010 sans enregistrer aucun signal d’onde gravitationnelle. Une longue et coûteuse mise à jour a permis de multiplier sa sensibilité par quatre, avec une reprise des observations scientifiques en septembre 2015, cette fois-ci apparemment couronnée de succès. Les chercheurs américains de LIGO collaborent avec leurs homologues français et italiens de l’observatoire VIRGO, installé en Italie, et qui devrait atteindre la même sensibilité que les sites américains l’année prochaine.
Source Le Figaro
A propos d’Albert Einstein voir aussi l’excellent dossier de Aurélien Barrau* sur humanite.fr
Déconstructeur de la physique, Albert Einstein redessine le monde
Le physicien a inventé la théorie de la relativité, cette sorte de « métathéorie », de théorie-cadre qui révolutionne l’ensemble de la physique. Mais il a aussi contribué de façon majeure à la mécanique quantique. L’espace-temps, l’expansion de l’univers, c’est lui aussi.
Ce n’est plus un homme, c’est une icône. Comme Bach ou Shakespeare, Einstein a été canonisé par l’histoire. Sanctifié. Ce n’est pas nécessairement l’attitude la plus raisonnable, ni même la plus respectueuse, envers un penseur dont la vie intellectuelle a précisément consisté à tout remettre en cause, surtout les dogmes les plus apparemment intouchables. Einstein est le grand déconstructeur de la physique.
Il ne s’est pas contenté d’inventer la théorie de la relativité, à laquelle son nom est à jamais attaché, il a également contribué de façon majeure à la mécanique quantique, l’autre pilier de la physique contemporaine. Il est même raisonnable de penser que quand bien même il n’aurait pas touché à la relativité, ses contributions à la seule physique quantique auraient suffi à faire de lui l’un des plus grands physiciens du XXe siècle.
C’est en effet pour l’étude du caractère corpusculaire de la lumière qu’Einstein a obtenu le prix Nobel de physique : ses contributions ont été déterminantes pour confirmer l’hypothèse des quanta de Max Planck. Au-delà du prix – il est des très rares chercheurs pour lesquels aucune distinction académique n’a plus de sens –, Einstein a radicalement modifié l’image du réel. Il a infléchi de façon irréversible notre rapport au monde.
La relativité d’Einstein constitue plus qu’un simple modèle correct. Elle est une sorte de « métathéorie », une théorie-cadre. Tandis que l’optique, la physique nucléaire ou la thermodynamique vont, par exemple, s’intéresser respectivement à la lumière, aux noyaux et à la chaleur, la relativité va, quant à elle, concerner l’ensemble de la physique. Elle en fixe, en quelque sorte, la grammaire. La relativité restreinte est doublement révolutionnaire. D’abord parce que, dans sa construction même, elle utilise – pour la première fois dans l’histoire – le concept de « symétrie » qui s’est avéré par la suite être l’un des plus puissants pour toute la physique.
Mais elle est aussi révolutionnaire, naturellement, quant à ce qu’elle énonce sur le monde. Premièrement, elle montre qu’il existe une vitesse limite, absolue, indépassable. Bien qu’elle soit égale à la vitesse de la lumière, le fait qu’une telle limite existe – c’est le point nodal – ne résulte pas des propriétés de la lumière mais du simple fait qu’il existe des lois ! Elle est une propriété intrinsèque de l’espace-temps.
Ensuite, la relativité restreinte montre qu’il existe un lien indéfectible entre l’espace et le temps. En fait, il n’y a pas de différence fondamentale entre l’un et l’autre. Ils ne sont que deux aspects d’une même entité sous-jacente qui est l’espace-temps. Un peu à la manière d’un cylindre (l’espace-temps) qui, s’il est regardé par la tranche peut apparaître comme un rectangle (l’espace) et, s’il est regardé par-dessus, apparaît comme un disque (le temps). La distinction est arbitraire. Lorsque l’on se met en mouvement, on peut, d’une certaine manière, troquer du temps pour de l’espace, et vice versa. Conséquence directe : il est «possible» de voyager dans le futur. Le temps se dilate. Soumis à une vitesse suffisante, chacun d’entre nous pourrait être encore vivant en l’an 10 000 sur la Terre.
Enfin, E = mc2, l’énergie est liée à la masse : Il est donc possible de transformer de l’énergie en masse, c’est-à-dire une simple propriété en existence ! C’est ce qui est mis en œuvre dans un accélérateur de particules : le mouvement des particules incidentes est « transmué » en existence réelle et matérielle de nouvelles particules, éventuellement sans détruire les premières.
Mais Einstein est allé beaucoup plus loin encore. Avec la relativité générale, il a compris que l’espace se distend et se distord eu égard à la présence des corps. Un peu comme si, dans notre étrange partie d’échecs cosmologique, la morphologie des cases dépendait de la position des pièces.
Plus profondément encore, ce qu’Einstein a compris c’est que l’espace n’est plus le cadre dans lequel se déroulent les phénomènes, comme chez Newton et Kant, mais que l’espace est lui-même un phénomène. Autrement dit : l’espace est dynamique ! Il est lui aussi en évolution et en interaction avec les autres entités physiques. Tout devient relatif, il n’y a plus de structures figées, nous sommes des vaguelettes sur un raz-de-marée.
Dans ce cadre, l’expansion de l’univers – incompréhensible dans le cadre de la physique de Newton – se meut en une prédiction claire de la théorie : les galaxies s’éloignent non parce qu’elles bougent mais parce que l’espace lui-même se dilate ! La physique d’Einstein ne permet pas seulement des calculs plus précis et plus exacts : elle dessine un nouveau monde où l’espace et le temps réintègrent la grande arène des processus physiques. Nous n’avons pas fini d’en tirer toutes les conséquences…
Un scientifique engagé Socialiste, pacifiste, humaniste, Einstein a assumé son rôle d’intellectuel engagé. Il est aussi philosophe et militant. Il reçut d’ailleurs plusieurs menaces de mort en raison de ses convictions parfois très en avance sur son temps. Einstein est associé à de nombreuses causes pour lesquelles il s’est montré très actif : pour la paix, contre l’antisémitisme, le maccarthysme, les discriminations raciales. Choisissant délibérément de vivre au cœur de la communauté noire américaine, il n’a jamais cessé de marteler l’ampleur de la ségrégation raciale aux États-Unis et la nécessité d’y mettre rapidement fin. Son engagement se lisait aussi dans ses actes; ainsi quand il s’est porté caution, contre le FBI, du responsable de l’association pour la défense et la promotion des Noirs.
* professeur à l’université Grenoble-Alpes, chercheur au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie du CNRS, membre de l’Institut universitaire de France