Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv et du Centre médical Sheba, sous la direction des Prof. Tamar Geiger et Gal Markel et du Dr. Michal Harel de la Faculté de médecine de l’université, ont découvert un mécanisme central expliquant la résistance du mélanome métastatique à l’immunothérapie, approche thérapeutique qui mobilise le système immunitaire du patient contre ses cellules cancéreuses. Selon les chercheurs, cette découverte pourrait conduire à l’élaboration de nouvelles approches qui permettront au plus grand nombre de malades possible de réagir à l’immunothérapie.
« Ces dernières années, l’immunothérapie, approche thérapeutique qui mobilise le système immunitaire du patient contre ses propres cellules cancéreuses, fait l’objet d’une utilisation développée », explique le Prof. Markel, oncologue principal et directeur scientifique de l’Institut d’immunobiologie et du mélanome du Centre médical Sheba, où sont traités la plupart des patients atteins du mélanome en Israël. « Ces traitements qui se sont avérés très efficaces pour certains patients ont provoqué une véritable révolution en oncologie. Malheureusement un tiers des malades seulement y réagissent et il est absolument nécessaire de comprendre pourquoi: pouvons-nous prévoir quels sont les patients qui réagiront ou non aux traitements, ou peut-être changer quelque chose pour augmenter les taux de réactivité ? ».
Comment les cellules cancéreuses se dissimulent du système immunitaire
« Dans notre étude, nous nous sommes concentrés sur le mélanome métastatique, qui n’avait pas de traitement efficace jusqu’à ces dernières années. Aujourd’hui, l’immunothérapie entraîne une récession importante de la maladie pouvant durer plusieurs années chez environ un tiers des patients. Il était clair pour nous que la comparaison entre des échantillons de tumeurs de mélanome prélevés avant le début du traitement chez des malades pour qui le traitement a marché et chez d’autres pour qui il a échoué, constituerait un élément clé de réponse. La question était: quelle comparaison effectuer », souligne le Prof. Markel.
Pour réaliser cette analyse, les chercheurs ont prélevé des échantillons de métastases de mélanome chez 116 patients, et ont utilisé des méthodes dites protéomiques (qui étudient l’ensemble des protéines d’une cellule) pour effectuer une comparaison globale de la composition de leurs protéines. « Dans le laboratoire de protéomique, nous utilisons un appareil appelé spectromètre de masse, qui nous permet de cartographier des milliers de protéines », explique le Prof. Tamar Geiger, responsable du laboratoire de protéomique de la Faculté de médecine de l’Université de Tel-Aviv. « Nous effectuons ensuite une analyse informatique des résultats. De cette manière, nous pouvons savoir exactement quelles protéines de chaque type sont présentes dans un échantillon particulier et en quelle quantité ».
Ainsi les chercheurs ont-ils découvert que, chez les patients ayant réagi à l’immunothérapie, on trouve une plus grande quantité de protéines responsables de la production d’énergie à partir des acides gras. « Nous avons constaté que ce processus améliore le mécanisme d’identification des cellules de mélanome par le système immunitaire, qui peut ainsi les découvrir et les attaque efficacement », explique le Prof. Geiger.
Pour corroborer ces résultats, les chercheurs ont utilisé des techniques d’ingénierie génétique pour désactiver en laboratoire les protéines associées à la production d’énergie provenant d’acides gras dans des cellules de mélanome. Ils ont pu constater dans ce cas une diminution du taux de destruction des cellules de mélanome par les cellules T du système immunitaire. Ces effets ont également été testés sur des modèles murins grâce à une collaboration avec le Salk Institute de San Diego et la Faculté de médecine de l’Université de Yale aux Etats-unis. « Nous avons constaté que la désactivation de ce mécanisme permet aux cellules cancéreuses de se dissimuler des cellules T du système immunitaire qui sont sensées les identifier et les détruire », explique le Prof. Geiger. « En conséquence, le cancer se développe beaucoup plus rapidement ».
« Nous avons donc identifié une différence significative dans le mécanisme biologique des cellules de mélanome entre les patients qui vivent des années grâce à l’immunothérapie et ceux qui ne sont absolument pas affectés par le traitement », conclut-elle. « Il se peut que cette découverte soit également valable pour toute une variété d’autres tumeurs malignes », ajoute le Prof. Markel. « Dans nos prochaines études, nous verrons comment utiliser ces résultats pour améliorer la réponse à l’immunothérapie et élargir le cercle des patients bénéficiant de ces traitements. Nous travaillerons également à la mise au point d’une méthode permettant de prévoir à l’avance chez quels patients le traitement sera susceptible de réussir ou d’échouer ».
Publication dans la revue Cell,
Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv